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Conseil de sécurité : la réconciliation nationale après les conflits a mobilisé de très nombreux orateurs

Conseil de sécurité : la réconciliation nationale après les conflits a mobilisé de très nombreux orateurs

La réconciliation nationale après les conflits, thème de la séance d'aujourd'hui au Conseil de sécurité, consiste en autant de solutions différentes qu'il y a de conflits, des solutions qui appellent des processus complexes où se combinent, de façon chaque fois différente, besoin de justice et nécessité de pardonner, aide humanitaire et accords politiques et qui nécessitent des moyens matériels importants, ont expliqué tout au long de la journée, les différents intervenants, certains évoquant le cas de l'Iraq ou de l'Afghanistan.

La Ministre des Affaires étrangères du Chili, Maria Soledad Alvear Valenzuela, qui présidait la réunion du Conseil de sécurité qui avait pour thème aujourd'hui « Réconciliation nationale après les conflits : le rôle de l'ONU », a ouvert la séance en lisant un message de l'archevêque sud-africain Desmond Tutu. Aux yeux de l'archevêque, la loi du talion « gravée dans la mémoire des tribus » n'est pas inévitable. Il est possible de « casser le cycle des représailles et des contre-représailles, qui évolue en une spirale de violence ad nauseam. »

« Deux exemples en apportent la preuve », indique l'archevêque, celui de l'Afrique du Sud « qui, grâce au courageux parti pris de M. de Klerk et surtout de Nelson Mandela », qui a été « prêt à pardonner et à faire preuve d'une extraordinaire magnanimité », une attitude ensuite « endossée par ses partisans, l'Afrique du Sud est devenu, contre toute attente, une rayon d'espoir pour les terres ravagés par les conflits. »

« Au Timor oriental que l'ONU a aidé à naître, ses dirigeants ont eux aussi choisi de fonder la nation sur le pardon et la réconciliation », a poursuivi Desmond Tutu. « L'ONU peut aider les nations en conflit en aidant les leaders qui veulent faire preuve de noblesse de coeur, sont prêts à accepter que les ennemis d'aujourd'hui soient des amis en devenir, que la voie de la vengeance est un affreux cul de sac car il n'y a pas d'avenir sans pardon. »

La réconciliation nationale après les conflits « nécessite souvent plus que de déposer les armes et de se serrer la main », a fait observer à son tour, Tuliameni Kalomoh, Sous-secrétaire général aux affaires politiques de l'ONU qui a fait part de l'expérience de l'Organisation en la matière.

Il a évoqué les nombreux instruments auxquels a eu recours la communauté internationale dans des situations d'après conflits : création de tribunaux, de commissions de vérité et de réconciliation, amnisties, réparations, mise en ?uvre de programmes ciblés, retour des populations déplacées.

« Toutefois, a-t-il souligné, notre expérience montre qu'il est difficile et même impossible de graver dans la pierre des prescriptions qui s'appliquent à toutes les situations de conflits. »

Il a toutefois énoncé quelques observations générales. Premièrement, la paix sans réconciliation n'est presque jamais durable. En deuxième lieu, il est difficile de parvenir à la réconciliation sans une certaine dose de justice. En troisième instance, M. Kalomoh indique que, dans le cas de crimes particulièrement monstrueux, justice doit être rendue. Enfin la poursuite de la justice ne doit pas devenir un obstacle à l'établissement ou au maintien de la paix.

Les amnisties, a-t-il indiqué, qui sont parfois « le prix à payer » pour obtenir un accord de paix ou maintenir le calme. Toutefois l'ONU ne peut donner son aval à des accords qui violent les principes de la Charte. Les clauses d'amnistie doivent exclure les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et autres violations des droits de l'homme.

La création de tribunaux que l'ONU a créé ou contribué à créer afin rendre la justice à la suite de conflits, « ne va pas sans problèmes » et il est souvent préférable de « travailler avec les tribunaux nationaux quand cela est possible », a souligné M. Kalomoh. C'est pourquoi des mécanismes non judiciaires sont parfois utiles en complément des instruments judiciaires.

« La réconciliation est un processus complexe et difficile aux inévitables contradictions, un processus à long terme dont on a du mal à identifier la conclusion », a-t-il poursuivi ajoutant que la bonne combinaison de mesures varie en fonctions des conditions spécifiques de chaque situation d'après conflit mais que dans tous les cas, un dirigeant local éclairé peut catalyser le consensus social nécessaire à la réconciliation.

Pour Mark Malloch Brown, l'administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), « il faut mettre en place un processus stable mais solide qui parte du conflit armé et arrive au bureau de vote en passant par un débat pacifique. »

« Une approche prudente est ce que tout un chacun a présent à l'esprit » à propos de l'Iraq, espérant que le processus de réconciliation ne va pas diviser encore un peu plus les parties en présence.

Au plan économique, il a souligné que, s'il n'y avait pas de stratégie économique fondée sur la création d'emplois et la fourniture de services de santé ou d'éducation, les conflits pouvaient renaître de leurs cendres. Il a indiqué que son agence était confrontée tout au long des processus qui allaient des secours d'urgence à la réconciliation, à de terribles manques de financement.

Le PNUED a beaucoup moins de ressources que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) ou d'autres agences impliquées dans le désarmement-réintégration, a-t-il indiqué, et peut seulement apporter son aide à une demi-douzaine d'opérations à la fois. Or, il a comparé les situations d'après-conflits, aux instants qui succèdent à un crise cardiaque chez un patient, c'est à ce moment-là que la probabilité de retourner la situation est la plus élevée, précisément au moment où les agences sont les moins prêtes à agir.

Certaines des formes de réconciliation les plus efficaces se situent au niveau de la vie de tous les jours, quand des enfants appartenant à des groupes ethniques différents s'assoient côte à côte à 'école ou lorsque des voisins qui appartenaient à des bords opposés pendant le conflit, travaillent ensemble à la reconstruction d'un centre de soins, a affirmé pour sa part Carolyn Mcaskie, Coordonnatrice adjointe des affaires humanitaires et des secours d'urgence (OCHA.)

A ses yeux, « le point de départ est de s'assurer que les niveaux suffisants d'aide humanitaire son t disponibles dans les cas les plus critiques. L'incapacité de fournir une aide minimum dans les situations d'immédiat après-conflit ne serviront qu'à accroître les tensions. »

Mme Mcaskie a souligné également que, l'expérience d'OCHA révélait que les pays donateurs sont d'accord à soutenir les besoins humanitaires immédiats mais que les mesures à long terme était souvent insuffisamment financées. Insistant notamment sur la nécessité de s'attaquer aux racines des crises, elle a indiqué que « beaucoup trop souvent, les processus de paix sont considérés comme relevant de la prérogative des forces combattantes alors qu'une paix durable dépendra du climat social. »