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Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordinateur des secours d'urgence, tient sa dernière conférence de presse en tant que Coordinateur des secours d'urgence au siège de l'ONU.

Le chef de l'humanitaire de l’ONU déplore l'absence de dialogue pour résoudre les conflits

Photo ONU/Mark Garten
Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordinateur des secours d'urgence, tient sa dernière conférence de presse en tant que Coordinateur des secours d'urgence au siège de l'ONU.

Le chef de l'humanitaire de l’ONU déplore l'absence de dialogue pour résoudre les conflits

Aide humanitaire

Le plus haut responsable de l'aide humanitaire de l'ONU a déclaré mardi qu'il quittait ses fonctions à la fin du mois avec « quelques éléments importants de sagesse », mais aussi un sentiment de frustration parce que de nombreuses crises ne font plus la une des journaux, tandis que les opérations humanitaires sont confrontées à un manque criant de financement. 

« Je quitte ce poste avec le sentiment d'un travail inachevé, car le monde est pire aujourd'hui que lorsque je l'ai rejoint en 2021 », a déclaré Martin Griffiths devant les journalistes lors de sa dernière conférence de presse en tant que Coordinateur de l'aide humanitaire et des secours d'urgence de l'ONU. 

Selon lui, la communauté internationale ne résout pas les conflits par le dialogue, comme le prévoyait la Charte des Nations Unies il y a près de 80 ans. La « diplomatie politique classique » a pratiquement disparu et l'impunité est monnaie courante. 

Pendant ce temps, les humanitaires sur le terrain « se débrouillent pour obtenir du soutien là où ils le peuvent, mais ils ne sont pas les sauveurs », a-t-il déclaré. « Les sauveurs de ce monde sont ceux qui mettent fin aux guerres et construisent la paix ». 

Manque de financement 

M. Griffiths a déclaré que quelque 300 millions de personnes dans le monde ont besoin d'une aide humanitaire aujourd'hui, alors que le financement des donateurs a diminué. 

Les organisations humanitaires recherchent environ 49 milliards de dollars pour venir en aide à quelque 188 millions de personnes cette année, mais n'ont reçu que 8 milliards de dollars à ce jour. 

« À mi-parcours de l'année, la situation n'a jamais été aussi difficile et aussi grave qu'aujourd'hui », a-t-il fait valoir. 

Le chef des opérations humanitaires des Nations Unies, Martin Griffiths (à gauche), rencontre un couple dont la maison a été détruite à Hawzen, au Tigré.
OCHA/Saviano Abreu
Le chef des opérations humanitaires des Nations Unies, Martin Griffiths (à gauche), rencontre un couple dont la maison a été détruite à Hawzen, au Tigré.

Crises et souffrances 

Le Coordinateur humanitaire sortant a également déploré le fait que « notre attention se limite à ces grandes crises - Gaza, Soudan, Ukraine - alors que la Syrie, le Yémen, Haïti sont des lieux où les souffrances sont encore grandes ». 

Il a pris ses fonctions à l'époque où le Tigré en Éthiopie « était la crise du jour ».  Aujourd'hui encore, le bilan de la guerre n'est pas clair, mais il est estimé à plus de 200.000 morts. 

« Le Tigré a été une période terrible, terrible, et nous n'en avons pas parlé récemment. Et pourtant, on spécule sur une famine dans cette région », a-t-il signalé. 

Martin Griffiths, chef de l'humanitaire de l'ONU, discute de questions humanitaires avec des dirigeants talibans à Kaboul, en Afghanistan.
OCHA
Martin Griffiths, chef de l'humanitaire de l'ONU, discute de questions humanitaires avec des dirigeants talibans à Kaboul, en Afghanistan.

Espoirs déçus en Afghanistan 

La crise du Tigré a été rattrapée par la situation en Afghanistan, où « les Talibans sont arrivés au pouvoir en août 2021 ».  À peu près au même moment, Haïti a été frappé par un tremblement de terre massif « qui a à peine fait la une des journaux ». 

M. Griffiths s'est rendu à Kaboul, la capitale afghane, au nom du Secrétaire général des Nations Unies, pour rencontrer les nouveaux dirigeants de facto peu après leur arrivée au pouvoir. 

« Nous avions alors quelques espoirs », a-t-il révélé. « Nous avions en effet pris des engagements écrits quant à la manière dont nous pourrions progresser avec les Talibans. Et ces espoirs ont été déçus ». 

Il a ajouté que les édits des Talibans contre les femmes et les filles « se sont succédé », mais que l'engagement international en faveur du peuple afghan se poursuit.

L'invasion russe de l'Ukraine a suivi en février 2022, « et tout ce que cela nous a appris sur les catastrophes, les besoins, les déplacements, la traite, les abus sexuels, la crise et la destruction des systèmes qui protégeaient les gens depuis des générations », a-t-il déclaré. 

« Et tout cela a été supplanté par Gaza et le Soudan ». 

Le chef de l'humanitaire de l'ONU, Martin Griffiths, à Irpin, en Ukraine, le 7 avril 2022.
© UNOCHA/Saviano Abreu
Le chef de l'humanitaire de l'ONU, Martin Griffiths, à Irpin, en Ukraine, le 7 avril 2022.

Une « diplomatie humanitaire » en plein essor 

Songeant à sa carrière, M. Griffiths a partagé qu'il avait remarqué « comment la diplomatie humanitaire a été obligée d'occuper le devant de la scène en l'absence de toute diplomatie politique en raison des divisions géopolitiques auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui ». 

Il s'est dit fier que les Nations Unies aient eu recours à la diplomatie humanitaire et à la médiation pour mener à bien l'initiative céréalière de la mer Noire et le protocole d'accord, signés en juillet 2022 au moment de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. 

L'accord visant à exporter les céréales ukrainiennes et les denrées alimentaires et engrais russes vers les marchés internationaux, renforçant ainsi la sécurité alimentaire mondiale, a pris fin l'année suivante après le retrait de la Russie. 

« La diplomatie humanitaire est à la fois une opportunité pour nous de faire du bien au monde, mais aussi, par son omniprésence, un rappel de l'absence de diplomatie politique classique », a-t-il déclaré. 

Inquiétude pour le Soudan 

Constatant l'absence d'efforts pour mettre fin à la guerre au Soudan, où la situation humanitaire s'est fortement aggravée, le responsable des secours d’urgence s'est dit préoccupé par les 800.000 personnes menacées à El Fasher, dans le nord du Darfour, et par la probabilité que cinq millions de personnes dans tout le pays soient confrontées à la famine. 

« Je ne pense pas que nous ayons jamais eu un tel nombre de personnes menacées par la famine, et ce conflit aurait pu être évité », a déclaré M. Griffiths. « Et c'est là mon double point de vue : nous ne sommes pas en train de gagner en matière de résolution des conflits ». 

Bien qu'il ait exprimé de l'espoir pour le Yémen, il a fait valoir que « ce pays recule actuellement, mais c'est essentiellement parce que l'attention et l'engagement en faveur de l'utilisation de la négociation et du dialogue pour mettre fin au conflit est un trait, une norme, un engagement, qui n'est désormais plus une composante essentielle de la diplomatie internationale ».

En outre, « l'impunité qui accompagne la volonté des hommes de prendre le fusil pour résoudre leurs différends n'a jamais été aussi grande ». 

Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d'urgence, tient sa dernière conférence de presse en tant que coordinateur des secours d'urgence au siège des Nations unies.
Photo ONU/Mark Garten
Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d'urgence, tient sa dernière conférence de presse en tant que coordinateur des secours d'urgence au siège des Nations unies.

Un monde mauvais 

Tout en saluant la récente résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la protection des civils, il a ajouté : « Mais Dieu sait que le monde est mauvais ». 

Il a exhorté les journalistes à écouter le Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, au sujet du ciblage délibéré des établissements de santé dans de nombreux endroits, et Philippe Lazzarini, le Commissaire général de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), « au sujet du nombre massif de ses collègues tués et qui risque maintenant de voir son organisation classée comme terroriste ». 

« Nous ne résolvons pas les conflits », a lamenté M. Griffiths.  « Nous n'utilisons pas le dialogue là où nous nous étions engagés à le faire. Et les fondateurs de l'ONU en 1945, dans ces mots de la Charte - sauver les générations futures du fléau de la guerre - nous les décevons de tous bords ».