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Gaza : seule la moitié des demandes d’évacuation sanitaire approuvées par Israël

Une mission de l'OMS et d'organisations partenaires à l'hôpital Kamal Adwan, dans le nord de Gaza.
© WHO
Une mission de l'OMS et d'organisations partenaires à l'hôpital Kamal Adwan, dans le nord de Gaza.

Gaza : seule la moitié des demandes d’évacuation sanitaire approuvées par Israël

Paix et sécurité

Alors qu’une dizaine d’hôpitaux seulement fonctionnent à minima dans l’ensemble de Gaza, des milliers de patients continuent d’être privés de soins de santé, ont mis en garde, jeudi, les Nations Unies.

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Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), seules plus de 4.500 demandes d’évacuation sanitaire ont été autorisées par les autorités israéliennes. « Selon le groupe santé, au 24 avril, seuls 54% des cas pour lesquels des évacuations médicales ont été demandées ont été approuvés par les autorités israéliennes (5.263 sur 9.817) », a détaillé l’OCHA dans son dernier rapport de situation.

Sur l’ensemble des demandes médicales approuvées, 82% ont été évacués hors de Gaza, soit 4.325 patients. Les 18% restants n’ont pas encore pu être évacués en raison de restrictions de mouvement ou de limitations concernant les personnes qui peuvent les accompagner.

Faute d’évacuation, décès de 9 enfants en février

Selon l’OCHA, ces restrictions vont des limites d’âge, qui ont parfois empêché des évacuations essentielles de nouveau-nés, à l’obligation pour les accompagnateurs d’avoir un passeport, dans un contexte où l’on estime que 30 à 40% des habitants de Gaza ont perdu leurs documents d’identité au cours de leur déplacement.

Sur un autre plan, l’OCHA note que les critères de sélection des patients susceptibles d’être évacués restent également flous, puisque seuls 8% des hommes âgés de 19 à 60 ans sont autorisés à être évacués, contre 74% des femmes de la même tranche d’âge.

Ces nouvelles données interviennent dans un contexte d’hôpitaux débordés dans l’enclave palestinienne. En effet, le nombre écrasant de blessures liées au conflit a également mis à rude épreuve les ressources d’évacuation.

Cela a eu pour conséquence de donner la priorité aux blessures plutôt qu’aux maladies chroniques telles que l’insuffisance rénale et les maladies cardiaques. « Cette situation a eu des conséquences tragiques : le groupe sectoriel Santé signale que neuf enfants ayant besoin d’une dialyse rénale urgente sont décédés en février 2024, alors qu’ils attendaient d’être évacués », a souligné l’OCHA.

Les cas de cancer parmi les demandes d’évacuation

Fin mars, le chef de l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU s’était emparé du sujet. Selon le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, « environ 9.000 patients devaient être évacués de toute urgence à l’étranger pour bénéficier de services de santé vitaux, notamment pour traiter des cancers, des blessures causées par les bombardements, des dialyses rénales et d’autres maladies chroniques ».

« C’est 1.000 de plus qu’au dernier recensement de l’OMS au début du mois de mars », avait-il souligné, sur X, anciennement Twitter. A noter qu’avant le début de la guerre le 7 octobre, 50 à 100 patients par jour étaient référés de Gaza vers Jérusalem-Est et la Cisjordanie. La moitié d’entre eux étaient traités pour un cancer.

Par ailleurs, les difficultés d’accès continuent d’entraver l’acheminement de l’aide essentielle aux établissements de santé. L’OMS signale qu’en raison de retards importants aux postes de contrôle et de la poursuite des combats, une mission prévue par l’OMS et ses partenaires dans les hôpitaux de Kamal Adwan et d’Al Awda le 20 avril n’a été que partiellement menée à bien.

Hôpitaux endommagés

Le service maternel du complexe médical Nasser à Khan Younis, Gaza.
OCHA / Olga Cherevko
Le service maternel du complexe médical Nasser à Khan Younis, Gaza.

L’équipe de la mission a évacué quatre patients et leurs soignants de Kamal Adwan, dont un garçon de neuf ans souffrant d’une tumeur à la tête et d’hydrocéphalie, en vue d’une évacuation médicale à l’étranger.

Cependant, le carburant et les fournitures médicales n’ont pas pu être livrés à l’hôpital de Kamal Adwan pour la deuxième fois consécutive en sept jours et les évaluations des besoins pour aider à restaurer les services n’ont pas pu être entreprises à l’hôpital d’Al Awda.

Au total, entre le 13 et le 20 avril, l’OMS et l’ONG CADUS ont évacué 13 patients de l’hôpital de Kamal Adwan vers un hôpital de campagne à Rafah et l’Hôpital européen du gouvernement à Khan Younis.

Plus largement, ces restrictions interviennent alors que 31 des 36 hôpitaux de Gaza ont subi des dommages depuis octobre 2023. Dernier épisode en date, à Deir al Balah, le cinquième étage et le toit du bâtiment administratif de l’hôpital Al Awda auraient été touchés le 22 avril, perturbant le système d’énergie solaire qui alimente l’hôpital en électricité et endommageant les réservoirs d’eau et de carburant.

« Une analyse réalisée par Save the Children sur la base des données de l’OMS conclut que, depuis le début des hostilités, 73 attaques contre les soins de santé ont été enregistrées en moyenne chaque mois à Gaza, un taux [plus élevé que dans tout autre conflit à l’échelle mondiale depuis 2018] », a relevé l’OCHA.

Avec la canicule, des risques de maladie à Rafah

Les conditions insalubres dans les abris et dans d’autres zones contribuent directement à la crise humanitaire à Gaza.
UNICEF and UNDP PAPP/Abed Zagout
Les conditions insalubres dans les abris et dans d’autres zones contribuent directement à la crise humanitaire à Gaza.

De son côté, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, a prévenu que des températures caniculaires inattendues à travers Gaza sont venues s’ajouter aux souffrances quotidiennes auxquelles sont confrontés les habitants de Gaza et suscitent de nouvelles craintes d’épidémies dans un contexte de manque d’eau potable et d’élimination des déchets.

Environ 1,2 million de personnes continuent de s’abriter dans des tentes installées dans et autour de la ville la plus méridionale de l’enclave, Rafah, sans nulle part où aller.

« C’est comme vivre dans une serre, personne ne peut tolérer de vivre à l’intérieur », a déclaré l’UNRWA, citant Mustafa Radwan, ancien habitant de la ville de Gaza, dans une publication sur la plateforme X.

Avec des températures avoisinant les 40 degrés Celsius, les habitants de Rafah sont parfaitement conscients que les conditions deviendront encore plus inconfortables une fois l'été arrivé, avec des températures qui devraient atteindre « 50 ℃ ou 60 ℃ », a dit M. Radwan, qui vit dans une tente avec huit membres de sa famille.

L'eau potable reste rare à Rafah et les longues files d'attente sont une réalité quotidienne, a poursuivi M. Radwan. « Tout est une file d’attente ».

Recettes fiscales

Sur le volet socio-économique, des experts indépendants onusiens avertissent que couper unilatéralement les banques palestiniennes du système bancaire mondial constituerait une violation des principes fondamentaux du droit international.

Cette alerte intervient après qu’un ministre israélien a menacé de révoquer une dérogation de protection accordée chaque année à deux banques en Israël qui entretiennent des liens avec des institutions financières palestiniennes.

Cette dérogation, émise chaque année et signée par le ministre israélien des Finances, protège les banques israéliennes contre les poursuites engagées par l’Autorité palestinienne pour « transfert de fonds à des groupes terroristes ».

Les dérogations bancaires ont expiré le 1er avril 2024

« Sans cette protection, les banques israéliennes s’exposent à des poursuites judiciaires et on peut s’attendre à ce qu’elles rompent leurs liens avec les banques palestiniennes », ont déclaré Attiya Waris, Experte indépendante sur la dette extérieure, et Alena Douhan, Rapporteure spéciale sur l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’homme.

La dérogation a expiré le 1er avril 2024.

Depuis les accords de paix des années 1990, Israël perçoit également des recettes fiscales pour le compte des Palestiniens et transfère les fonds à l’Autorité palestinienne. Une grande partie de ces fonds est utilisée pour le paiement des salaires.

Depuis le 24 janvier 2024, les recettes fiscales mensuelles précédemment allouées aux employés du secteur public de l’Autorité palestinienne à Gaza ont été transférées sur un compte fiduciaire basé en Norvège. Cependant, le fonds norvégien ne peut pas débloquer l’argent pour payer les employés du secteur public à Gaza sans l’autorisation d’Israël.