L'actualité mondiale Un regard humain
Juliette Touma, Directrice de la communication de l'UNRWA, en visite au camp de Deir Al-Balah, dans le sud de Gaza, en janvier 2024.

Gaza : « Le siège est un tueur silencieux »

UNRWA
Juliette Touma, Directrice de la communication de l'UNRWA, en visite au camp de Deir Al-Balah, dans le sud de Gaza, en janvier 2024.

Gaza : « Le siège est un tueur silencieux »

Paix et sécurité

À Gaza, les bombes et les balles sont loin d’être la seule menace pour la vie. Les habitants manquent de nourriture et d’eau potable, les établissements de santé sont pratiquement inexistants et les communications avec le monde extérieur sont, dans le meilleur des cas, instables.

Tweet URL

C’est ce qu’a déclaré Juliette Touma, Directrice de la communication de l’UNRWA, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine, qui a parlé lundi à Conor Lennon d’ONU Info de sa récente visite dans la bande de Gaza.

L'entretien a été édité pour des raisons de clarté et de longueur.

« C'était ma deuxième visite depuis le début de la guerre. J'essaie d'y aller chaque fois que cela est possible, pour exprimer ma solidarité avec les personnes durement touchées par cette guerre brutale, et aussi pour voir nos collègues, qui continuent de servir les communautés à travers leur mission humanitaire.

Cette fois, cependant, j'ai visité les zones médianes, notamment Deir al-Balah, puis dans le sud, je me suis rendu à Rafah et Khan Younis.

La situation est absolument désespérée. Partout où l’on regarde, il y a des gens déplacés, des gens qui demandent de l’aide, et les gens sont tout simplement très, très épuisés et fatigués après trois mois et demi de ce qui est une guerre très brutale.

Je pense que ce qui a été différent de ma première visite, c'est à quel point une ville comme Rafah est devenue surpeuplée.

Abris de fortune

La population de Rafah, dans le sud, a quadruplé depuis le début de la guerre. Les gens ont continué à fuir, cherchant refuge dans cette partie de Gaza, dans l'espoir d'y trouver sécurité et protection.

Où que vous conduisez, où que vous marchez, où que vous regardez, la ville est couverte de ces petites structures que les gens qui ont fui vers la région ont installées. Elles sont très basiques, juste quelques poteaux en bois recouverts d'une bâche en plastique.

C’est tout ce que les gens peuvent trouver, et c’est devenu le domicile de très nombreuses personnes.

« Ce ne sont pas des conditions destinées aux êtres humains »

J'ai parlé à une mère qui vivait dans l'une de ces structures informelles. Il y avait 26 personnes vivant les unes sur les autres dans un petit espace de moins de trois mètres carrés.

Elle portait deux de ses enfants et elle m'a dit qu'ils n'avaient aucun moyen de rester au chaud la nuit, qu'ils étaient frustrés, qu'ils étaient fatigués de cette vie.

Elle a dit qu'en termes d'assistance, elle n'avait qu'un seul morceau de légume, à partager entre les 26 personnes. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas se laver : soit les files d’attente étaient trop longues, soit les douches ne fonctionnaient pas.

Ce ne sont pas des conditions destinées aux êtres humains.

Le camp de réfugiés surpeuplé de Deir Al-Balah à Gaza (janvier 2024).
UNRWA
Le camp de réfugiés surpeuplé de Deir Al-Balah à Gaza (janvier 2024).

Pannes totales de communication

Depuis le début de la guerre, les services téléphoniques et Internet ont été coupés à plusieurs reprises, entraînant des pannes totales de communication, mais il s’agit de la plus longue panne de télécommunications [encore en cours au moment de l'entretien] que Gaza ait connue depuis le début de la guerre. Cela est dû, je crois, aux graves dégâts causés au réseau de télécommunications dans la partie sud de la bande de Gaza.

Quand j’étais là-bas, vous ne pouviez même pas envoyer un simple message WhatsApp et vous pouviez oublier d’essayer de passer un appel d’un téléphone mobile à un autre.

La majorité des gens se sentent extrêmement isolés les uns des autres et du reste du monde. Cela contribue également à un manque de sécurité.

Imaginez, vous êtes au milieu d’une zone de guerre et vous devez appeler une ambulance. Ou vous souhaitez appeler à l’aide, prendre des nouvelles de vos proches. Vous ne pouvez tout simplement pas le faire.

L'autre impact que cela a concerne notre propre opération d'aide, qu'il s'agisse de l'UNRWA, du système des Nations Unies ou des organisations humanitaires en général, car c'est, comme on peut l'imaginer, très difficile à coordonner : il faut pouvoir appeler des chauffeurs de camion et s'organiser avec ceux qui font le chargement, le déchargement, le stockage et la distribution. Un téléphone est absolument indispensable.

Hala essaie d'envoyer des messages à sa sœur, mais ils ne lui parviennent pas.
© UNOCHA/Ziad Taleb
Hala essaie d'envoyer des messages à sa sœur, mais ils ne lui parviennent pas.

Cessez-le-feu humanitaire, maintenant

C’est pourquoi nous continuons actuellement d’appeler à un cessez-le-feu humanitaire, pour apporter répit et calme, non seulement à la population de Gaza mais à toute la région.

Parallèlement, il faut davantage de fournitures humanitaires, notamment de médicaments contre les maladies chroniques, qui sont actuellement très rares.

C’est pourquoi nous avons dit, après cette visite à Gaza, que le siège tuait silencieusement la population de Gaza. Les gens meurent probablement à cause de la faim, de maladies ou du manque de soins médicaux.

Et puis, ce qu'il faut aussi, c'est que davantage de fournitures commerciales soient destinées au secteur privé dans la bande de Gaza, car la population entière dépend désormais presque entièrement de l'aide humanitaire, et ce n'est pas durable, ni à moyen terme ni à long terme ».