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Afghanistan : l’ONU appelle les Talibans à mettre fin aux restrictions draconiennes imposées aux femmes

Une fille afghane pose le visage caché à l'intérieur d'une maison de Kaboul, la capitale de l'Afghanistan.
© UNICEF/Mohammad Haya Burhan
Une fille afghane pose le visage caché à l'intérieur d'une maison de Kaboul, la capitale de l'Afghanistan.

Afghanistan : l’ONU appelle les Talibans à mettre fin aux restrictions draconiennes imposées aux femmes

Droits de l'homme

Les Nations Unies ont enjoint mercredi les autorités de facto d’Afghanistan à lever les « restrictions draconiennes » imposées aux femmes, relevant que la condition des femmes n’a en effet cessé de se dégrader dans ce pays d’Asie central depuis le retour au pouvoir des talibans en juillet 2021.

L’ONU a ainsi enregistré « un flot presque constant de décrets et mesures discriminatoires » à l’encontre des femmes de la part des autorités de facto depuis août 2021, a dénoncé la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), à l’occasion de la Journée internationale des femmes.

« L’Afghanistan sous les Talibans reste le pays le plus répressif au monde en ce qui concerne les droits des femmes, et il est affligeant d’assister aux efforts méthodiques, délibérés et systématiques qu’ils déploient pour écarter les femmes et les filles afghanes de la sphère publique », a déclaré dans un communiqué, Roza Otunbayeva, Représentante spéciale du Secrétaire général (RSSG) et chef de la MANUA.

Depuis août 2021, les autorités talibanes de facto se concentrent presque « exclusivement sur l’imposition de règles qui laissent la plupart des femmes et des filles enfermées chez elles ». Selon l’ONU, ces restrictions nuisent aux perspectives de redressement de l’Afghanistan après des décennies de guerre.

A noter qu’en septembre 2021, les autorités de facto ont suspendu l’enseignement secondaire des filles. Elles ont ensuite prolongé cette suspension pour une durée indéterminée lorsque les cours ont repris en mars 2022.

Bien que les autorités de facto aient déclaré qu’elles étaient en train d’aligner le programme scolaire sur les val

eurs islamiques et les normes culturelles, aucun progrès n’a été visible. En décembre 2022, le ministère de facto de l’enseignement supérieur a suspendu l’enseignement universitaire pour les femmes.

De jeunes Afghanes au Centre Educatif de Dasht-e-Barchi en Afghanistan
© UNICEF/Shehzad Noorani
De jeunes Afghanes au Centre Educatif de Dasht-e-Barchi en Afghanistan

Ces restrictions se répercuteront sur plusieurs générations

Pour l’ONU, le refus d’accès à l’éducation a d’innombrables répercussions physiques et psychosociales réelles et potentielles. Il s’agit notamment des suicides, des mariages d’enfants, des grossesses précoces, des pertes liées à la pauvreté, notamment en matière de santé, ou de nutrition. L’ONU met en avant aussi les conséquences de telles mesures sur la baisse du pouvoir d’action, de la prise de décision et du capital social connexe, ainsi qu’un risque accru de violence domestique et d’exploitation et d’abus sexuels.

De plus, le droit des femmes à voyager ou à travailler en dehors de leur domicile et à accéder aux espaces publics est largement restreint. Les femmes sont également exclues de tous les niveaux de prise de décision publique.

Dans le même temps, les femmes défenseurs des droits de l’homme qui protestaient pacifiquement ont été prises pour cible, battues et arrêtées. « Ensemble, ces décrets, directives et règles limitent la capacité des femmes à gagner leur vie, à accéder aux soins de santé et à l’éducation, à échapper à la violence et à exercer leurs droits », a fustigé la mission onusienne.

« Les conséquences du mal que les talibans infligent à leurs propres citoyens ne se limitent pas aux femmes et aux filles. Elles touchent tous les Afghans et se répercuteront sur plusieurs générations. Les droits des femmes et des filles doivent être rétablis immédiatement afin de construire un Afghanistan inclusif, pacifique et plein d’espoir », a affirmé Alison Davidian, Représentante spéciale d’ONU Femmes en Afghanistan.

Une jeune fille, âgée de 13 ans, étudie à la maison à Kaboul après l'interdiction de l'enseignement secondaire pour les filles par les Talibans.
© UNICEF/Mohammad Haya Burhan
Une jeune fille, âgée de 13 ans, étudie à la maison à Kaboul après l'interdiction de l'enseignement secondaire pour les filles par les Talibans.

« Cette tyrannie ne doit pas échapper à la reddition de comptes »

La situation des femmes afghanes a occupé une large de la présentation, hier mardi, par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, dans la mise à jour générale sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Selon le chef des droits de l’homme de l’ONU, la répression des femmes en Afghanistan est sans précédent et contrevient à tout système de croyance établi.

« Les droits des femmes et des filles à faire des choix concernant leur vie et à participer à la vie publique sont en train d’être supprimés », a par ailleurs souligné M. Türk.  Cette répression et cette persécution des femmes constituent une menace pour l’économie et l’avenir de l’Afghanistan.

« Cette tyrannie ne doit pas échapper à la reddition de comptes », a insisté le Haut-Commissaire, assurant que le Haut-Commissariat continuerait à se battre pour le respect des droits et libertés de chaque femme et fille afghane.

Selon l’ONU, plus 11 millions de femmes et de filles afghanes auront besoin d’une aide humanitaire cette année. Pourtant, les autorités de facto ont sapé l’effort d’aide internationale sans précédent en interdisant également aux femmes de travailler dans des organisations non gouvernementales, alors qu’elles jouent un rôle crucial dans la fourniture d’une aide vitale.

« Le fait de confiner la moitié de la population du pays à son domicile dans le cadre de l’une des crises humanitaires et économiques les plus graves au monde est un acte colossal d’automutilation nationale. Il condamnera non seulement les femmes et les filles, mais aussi tous les Afghans, à la pauvreté et à la dépendance à l’égard de l’aide pour les générations à venir », a conclu Roza Otunbayeva.