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Une femme dans un village au Tchad (archives).

Tchad : des experts de l’ONU fustigent la violente répression des manifestations du 20 octobre

Photo Naomi Frerotte
Une femme dans un village au Tchad (archives).

Tchad : des experts de l’ONU fustigent la violente répression des manifestations du 20 octobre

Droits de l'homme

L’examen du rapport du Tchad devant le Comité contre la torture cette semaine a été largement dominé par la répression violente des manifestations du 20 octobre dans plusieurs villes de ce pays d’Afrique centrale.

À Genève, la réunion du Comité des Nations Unies contre la torture devait initialement examiner le deuxième rapport périodique présenté par le gouvernement tchadien. Elle a finalement été recentrée sur la répression des manifestations.

« L’actualité des derniers jours nous a poussé à bouleverser l’ordre de nos questions pour nous focaliser sur les événements du 20 octobre dernier », a déclaré d’emblée Sébastien Touzé, l’un des deux rapporteurs du Comité contre la torture sur le rapport de N'Djaména. Ce dernier a ainsi fait part de la vive inquiétude du Comité face à ces événements. 

600 à 1.100 personnes auraient été déportées dans la prison de haute sécurité de Koro Toro 

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Il a demandé des explications sur la répression, ce jour-là. Cette répression, a dit l’expert indépendant, s’est conjuguée avec de nombreuses exactions contre des civils entraînant la mort de nombreuses personnes et des actes de torture sur des hommes, des femmes et également des enfants.

L’expert indépendant a ensuite égrené des chiffres « particulièrement édifiants » recueillis dans différents rapports sur ce drame : entre 50 et 150 personnes auraient été tuées, de 150 à 184 personnes auraient disparu, environ 1369 auraient été arrêtées et de 600 à 1.100 personnes auraient été « déportées dans la prison de haute sécurité de Koro Toro ».

« J’aimerai savoir les raisons de cette répression et de cette violence pour réprimer des manifestations annoncées comme pacifiques », s’est interrogé M. Touzé.

Même avant les violences récentes, a fait remarquer un autre membre du Comité, de nombreuses informations en provenance du Tchad, depuis un certain nombre d’années, faisaient état d’actes de torture et de violence pour lesquels personne n’a jusqu’ici rendu de compte.

Des commissions d’enquête judiciaires créées dans quatre villes

« Les violences les plus brutales à ce jour se sont produites le 20 octobre 2022 – fin de la période de 18 mois initialement prévue avant la remise du pouvoir à un gouvernement civil par le Conseil militaire de transition », a relevé Todd Buchwald, co-rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Tchad, relevant qu’« une déclaration très ferme déplorant cette violence » avait été faite par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk.

Face à ce sombre tableau et des questions des experts, la délégation tchadienne a rappelé que des commissions d’enquête judiciaires ont été créées dans les quatre villes où des violences ont été commises. Les actes de manifestants, mais aussi de membres des forces de l’ordre, seront examinés, a assuré la délégation. 

D’une manière générale, l’État répondra aux accusations concernant les agissements de la police avec les éléments dont il dispose, et compte tenu du fait que des enquêtes sont en cours. Ahmad Makaïla, ambassadeur du Tchad à Genève, a indiqué que « les manifestations n’avaient rien eu de pacifique ».

Les observations finales sur le rapport du Tchad attendues en novembre

Pour le gouvernement, ces événements sont le fait de plusieurs groupes de militants violents, organisés et coordonnés, et munis d’armes blanches, qui se sont délibérément attaqué, de nuit, à des symboles de l’État. Leurs organisateurs avaient appelé publiquement à la « rupture » et à la mise en place d’un nouveau gouvernement. 

Selon N'Djaména, des attaques ciblées ont été lancées contre des personnes considérées comme proches du gouvernement, ainsi que contre des bâtiments publics, et ces attaques ont entraîné la mort de quinze agents de police. Aucun témoignage n’est venu confirmer que des hommes en civil et en armes qui auraient tiré sur la foule feraient partie de la police, a poursuivi la délégation. « Le gouvernement a ensuite fait face avec détermination pour préserver l’ordre public », a conclu la délégation.

A noter que le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Tchad et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 25 novembre prochain à Genève.