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RDC : l’ONU appelle les autorités à saisir l'opportunité offerte par l’alternance pacifique au pouvoir

Michelle Bachelet, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'adresse à la presse congolaise lors de sa visite en Ituri, RDC.
MONUSCO
Michelle Bachelet, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'adresse à la presse congolaise lors de sa visite en Ituri, RDC.

RDC : l’ONU appelle les autorités à saisir l'opportunité offerte par l’alternance pacifique au pouvoir

Droits de l'homme

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a appelé le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et la communauté internationale à saisir l'opportunité qui se présente actuellement pour sortir le pays du « cocktail explosif de conflits, de violations des droits de l'homme, et de problèmes socio-économiques chroniques ».

« Le fait que le pays soit parvenu à mener une transition politique pacifique pour la première fois depuis l'indépendance et qu'il soit désormais gouverné par une coalition de membres de l’ancienne opposition et du gouvernement sortant, sous la direction du Président Tshisekedi, est en soi une avancée considérable », a déclaré Mme Bachelet, qui a achevé lundi une visite de cinq jours dans le pays.

« Même s'il faudra un effort concerté et soutenu pendant de nombreuses années pour s'attaquer à tant de problèmes chroniques, certaines pistes de solutions ont déjà été clairement identifiées, et des signes de progrès observés dans quelques domaines, notamment la libération de prisonniers politiques et d’activistes », a-t-elle ajouté.

La Haut-Commissaire a noté que le Président congolais a établi « une liste ambitieuse d'aspirations pour améliorer les droits de l'homme du peuple congolais ». « Le Président a déclaré que 2020 est une année d'action. Je suis d'accord avec ses propos, et j'ai discuté avec lui et avec la Présidente de l’Assemblée nationale sur la nécessité pour le gouvernement de saisir l'opportunité offerte par l’alternance pacifique au pouvoir », a-t-elle dit.

« Mais cette fenêtre d'opportunité ne durera pas longtemps. Les populations congolaises vont exiger des résultats concrets—des améliorations tangibles dans leur quotidien, ainsi que les bases de changements structurels dans le long terme », a-t-elle ajouté.

Michelle Bachelet a déclaré qu’elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour apporter son soutien « au gouvernement et aux autres autorités clés dans les efforts qu’ils fournissent pour respecter leurs vastes engagements ». Elle a souhaité que le reste de la communauté internationale fasse de même, un solide soutien international étant « essentiel pour progresser dans la réalisation de ces objectifs complexes et difficiles ».

Visite dans l'Ituri

Lors de sa visite, Mme Bachelet s’est d’abord rendue en Ituri, deux semaines après la publication par son Bureau d’un rapport décrivant les crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés dans cette province au cours des deux dernières années, principalement par un groupe armé Lendu, qui a pris pour cible la communauté voisine Hema. Cette dernière, dans sa majorité, s’est jusqu’ici abstenue de lancer des représailles.

Le conflit entre les Lendu et les Hema est l'un des nombreux conflits que connait actuellement la RDC, y compris dans d'autres parties de l'Ituri, et dans le Nord-Kivu et Sud-Kivu. Parmi les groupes armés impliqués, on compte notamment les Forces démocratiques alliées (ADF), qui depuis plusieurs années commettent de nombreux abus, ainsi que des divers groupes locaux connus sous le nom de Maï Maï, dont certains ont attaqué des centres de santé destinés à la lutte contre l'épidémie de maladie à virus Ebola qui sévit dans la région.

« J'ai décidé de me rendre en Ituri, car la situation dans cette région reçoit généralement moins d'attention que les développements dans les deux Kivus », a souligné Mme Bachelet. « Et les abus dont les Hema font l’objet sont horribles ». 

Une telle situation pourrait déclencher un conflit beaucoup plus important, de l’ampleur de la dévastatrice « guerre d'Ituri » entre 1999 et 2003, qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes. On compte au total près de 1,1 million de personnes déplacées en Ituri, dont environ 500.000 personnes ayant fui le conflit qui oppose les Lendu et les Hema.

La RDC, dans son ensemble, compte actuellement quelque 5,3 millions de déplacés internes, dont beaucoup vivent dans des conditions déplorables. Pourtant, les agences humanitaires des Nations unies qui travaillent à atténuer les effets des nombreuses crises qui touchent le pays n'ont reçu que 44% de leur appel de fonds en 2019.

« J’exhorte les donateurs à accroître leur soutien cette année », a déclaré Mme Bachelet. « J'ai visité un certain nombre de camps de personnes déplacées dans le passé, mais je n'avais jamais vu de conditions similaires à celles que j'ai vues en Ituri », a-t-elle dit. « Il y a comme une banalisation des atrocités et des violences sexuelles, et une acceptation de la pauvreté et des privations, avec un effet dévastateur pour la population ».

Dans la capitale congolaise Kinshasa, la Haut-Commissaire a rencontré notamment le Président Félix Tshisekedi et d’autres acteurs politiques et de la société civile.

Parmi les nombreuses questions abordées ont figuré les énormes défis économiques et sociaux auxquels est confronté un pays aussi vaste que la RDC, avec une des plus fortes démographies d'Afrique, et qui est classé au 179ème rang mondial dans le Rapport sur le développement humain 2019.

Si l'épidémie de maladie à virus Ebola a suscité un intérêt et des financements internationaux importants, d'autres urgences médicales—notamment le choléra et une épidémie de rougeole qui a fait plus de 6.000 victimes en 2019 (deux fois plus que l’Ebola) et infecté plus de 300.000 personnes dans les 26 provinces de la RDC— ont attiré peu d'attention ou de financements.