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Une salle de classe est remplie de boue après le débordement d'une rivière lors des tempêtes Eta et Iota à El Tenedor, au Guatemala.

TÉMOIGNAGE - Se relever d’une catastrophe

© UNICEF/Santiago Billy/AFP-Services
Une salle de classe est remplie de boue après le débordement d'une rivière lors des tempêtes Eta et Iota à El Tenedor, au Guatemala.

TÉMOIGNAGE - Se relever d’une catastrophe

Développement durable (ODD)

Les catastrophes peuvent réduire de plusieurs décennies les progrès durement acquis en matière de développement et exposer davantage les populations les plus vulnérables à des risques mortels.

Alors que les nations se sont réunies cette semaine pour faire le point sur la façon dont le monde se prépare mieux aux catastrophes conformément au Cadre de Sendaï, Raul Salazar a partagé un point de vue pour ONU Info, depuis les Amériques, une région qui représente 53% des pertes économiques mondiales liées aux aléas, ainsi que des taux de mortalité élevés.

De l'ouragan Ivan en Jamaïque en 2004 aux tremblements de terre au Pérou en 2007 et en Haïti en 2010, Raul Salazar - chef du Bureau régional de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophes (UNDRR) - a développé une compréhension aiguë de l'impact des catastrophes et de ce qui peut être fait pour les éviter ou les prévenir.

« Nous sommes continuellement confrontés à une réalité qui nous montre que les catastrophes, ou les risques associés aux catastrophes, sont plus complexes que nous ne l'avions jamais pensé.

Par exemple, nous avons mis au point ce que nous appelons un « système de gouvernance » pour la réduction des risques de catastrophes dans les pays. Les agences s'occupent des risques, des réponses ou des mécanismes de réponse d'urgence dans le contexte des risques naturels liés au climat, aux tremblements de terre ou encore liés à la géologie, aux volcans, aux ouragans et aux tornades.

Mais la réalité nous montre que c'est plus complexe. Par exemple, la Covid-19, qui est une forme de coronavirus existant depuis le début des années 2000, était un risque biologique.

Raul Salazar de l'UNDRR et Mami Mizutori (2e à gauche), Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe, ont visité la communauté de Las Margaritas de Chepo, au Panama, en 2022.
UNDRR
Raul Salazar de l'UNDRR et Mami Mizutori (2e à gauche), Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe, ont visité la communauté de Las Margaritas de Chepo, au Panama, en 2022.

De la pandémie à la catastrophe nucléaire

Lorsque le Cadre de Sendai a été adopté en 2015, il ne s'agissait pas uniquement de risques naturels, mais plutôt d'une compréhension dans un contexte plus large de ce que signifie le risque - des catastrophes d'origine humaine aux risques biologiques - comme le cas du tremblement de terre de 2010 au Japon et de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

C'est ainsi qu'est née l'idée d'un cadre central, qui doit prendre en compte tous ces risques et tous les effets en cascade qu'ils peuvent avoir.

Nous nous construisons nous-mêmes des catastrophes dans la manière dont nous choisissons d'orienter notre développement.

Si nous prenons des décisions en matière de développement, nous nous demandons comment nous allons utiliser nos terres, comment nous allons concevoir des villes ou comment nous allons construire des travaux publics, des hôpitaux et des écoles.

Nous devons également intégrer ces questions dans la planification future, d'autant plus que près de 32% de la population de la région vit dans la pauvreté et risque d'être directement touchée par les risques naturels.

Un hôtel de Gele a été détruit après le tremblement de terre de magnitude 7,2 qui a frappé Haïti le 14 août.
© UNICEF/George Harry Rouzie
Un hôtel de Gele a été détruit après le tremblement de terre de magnitude 7,2 qui a frappé Haïti le 14 août.

Rendre les villes résilientes

Une grande partie de la réduction des risques de catastrophe a lieu dans les villes, où nous travaillons avec les gouvernements locaux et la société civile dans le cadre d'une initiative de résilience. Ils s'auto-évaluent et préparent un plan d'action pour remédier aux vulnérabilités.

Récemment, en collaboration avec des citoyens chiliens, nous avons mis au point un « tableau de bord » de la résilience aux catastrophes qui nous a permis d'identifier ou de mieux intégrer les personnes handicapées lors de l'aménagement de la ville.

Aujourd'hui, nous travaillons avec des acteurs locaux au Chili et au Costa Rica, en appliquant ces mécanismes pour sauver plus de vies et réduire les taux de mortalité parmi les groupes vulnérables.

Nous avons tiré des enseignements du tremblement de terre de 2010 au Japon, qui a montré que les personnes handicapées étaient confrontées à des conséquences plus meurtrières que la plupart des autres.

Les partenariats avec les autorités locales et la société civile sont essentiels pour renforcer la résilience.

Des solutions locales

En travaillant dans les communautés locales, nous avons eu de bonnes expériences de travail avec des organisations de femmes, par exemple, en surveillant les rivières pendant les saisons des pluies.

De nombreuses femmes s'emploient à activer des mécanismes d'alerte précoce pour prévenir les habitants de ces régions. Le rôle des communautés locales est tout à fait direct, puisqu'il s'agit de sauver des vies. Ce que nous essayons de faire, c'est de renforcer leur résilience.

Il n'est pas possible de penser que nous pouvons parvenir à un développement durable si le processus ne tient pas compte des risques. Les catastrophes font reculer les progrès du développement de 10 ou 20 ans. Nous l'avons constaté à de très nombreuses reprises.

Les Objectifs de développement durable (ODD) visent à ne laisser personne de côté, ce qui concerne les populations vulnérables sur le terrain.

À maintes reprises, les catastrophes touchent de manière disproportionnée les populations vulnérables. Dans ce cas, nous devons appréhender les risques d'une manière plus multisectorielle.

Les experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) quittent l'unité 4 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi de TEPCO le 17 avril 2013.
AEIA/Greg Webb
Les experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) quittent l'unité 4 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi de TEPCO le 17 avril 2013.

Les défis sont nombreux

Avant la pandémie de Covid-19, l'idée de la réduction des risques de catastrophe était de réduire le risque de mortalité. Au cours des 20 dernières années, de nombreux progrès ont été réalisés dans la protection des populations contre les risques naturels, dont beaucoup sont de plus en plus liés au climat.

Dans le cas des Amériques et des Caraïbes, l'impact des catastrophes en termes de pertes économiques est comparativement plus élevé que dans d'autres régions du monde. Une étude de l'UNDRR a montré que la région subit environ 53% des pertes mondiales.

L'un des défis consiste à essayer de passer d'une mentalité consistant à traiter les impacts des catastrophes à l'intégration d'une perspective de ce que nous pouvons faire avant que les risques ne se produisent.

La prévention des catastrophes devrait être considérée comme une mesure de réduction de la pauvreté, car les risques affectent de manière disproportionnée les plus pauvres, les femmes et les jeunes filles.

Construire des ponts

L'un des principaux aspects de cette conférence d'examen est d'évaluer le chemin parcouru, et je pense que les Amériques et la région des Caraïbes en général ont progressé dans la promotion d'une approche multisectorielle de la réduction des risques de catastrophes.

Mais nous devons poursuivre cette tendance à comprendre les catastrophes non seulement à travers leur impact, mais aussi en les considérant comme une opportunité de faire des choses qui vont au-delà d'une approche de réponse.

L'objectif est de mener le cadre de Sendaï à son terme, c'est-à-dire d'avoir une société qui ne perde pas de vies à cause des catastrophes.

Ce qui me surprend, c'est la capacité des communautés locales. Il nous suffit de soutenir cette capacité pour avoir un meilleur impact. Nous établissons des liens.

Nous construisons des ponts. C'est ce que nous faisons ».