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Menace d’El Niño : la FAO s'efforce d'anticiper les risques élevés de sécheresse et d'inondations

Par un matin brumeux, la rivière Manabovo, à Madagascar, est complètement à sec, les habitants se rassemblent sur son lit pour creuser des trous dans l'espoir de trouver de l'eau.
© UNICEF/Safidy Andrianantenain
Par un matin brumeux, la rivière Manabovo, à Madagascar, est complètement à sec, les habitants se rassemblent sur son lit pour creuser des trous dans l'espoir de trouver de l'eau.

Menace d’El Niño : la FAO s'efforce d'anticiper les risques élevés de sécheresse et d'inondations

Climat et environnement

Alors qu’un renversement de tendance laisse présager une menace d’El Niño et des risques de sécheresse plus élevés en Afrique australe, en Amérique centrale et en Asie de l’Extrême-Orient, une agence de l’ONU a indiqué jeudi préparer des actions d’anticipation avec ses membres et partenaires.

Compte tenu du nombre record de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) examine attentivement les régions du globe qui sont particulièrement vulnérables à El Niño et la manière dont des mesures anticipatives pourraient être prises pour atténuer les risques.

« Les alertes précoces signifient que nous devons prendre des mesures précoces et anticipées, et nous soutiendrons nos membres dans ces efforts, dans la mesure où les ressources le permettent », a déclaré dans un communiqué, Rein Paulsen, Chef du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO.

Après trois ans de présence prolongée, La Niña a quitté la scène atmosphérique mondiale, laissant place à une transition imminente vers El Niño, un événement météorologique qui distribue généralement les modèles météorologiques dans le sens inverse. Si elle pourrait être un soulagement pour certaines régions touchées par la sécheresse, comme la Corne de l’Afrique, La Niña pourrait toutefois être synonyme « de problèmes pour d’autres régions d’Afrique, d’Amérique centrale et d’Asie de l’Extrême-Orient ».

Cartographie des risques

Selon un nouveau rapport de la FAO, l’Afrique australe, l’Amérique centrale, les Caraïbes et certaines parties de l’Asie sont particulièrement préoccupantes, car un certain nombre de pays de ces régions sont déjà confrontés à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë. D’autant que les principales saisons de culture tombent dans les schémas météorologiques El Niño typiques de conditions plus sèches.

Les zones septentrionales de l’Amérique du Sud sont également menacées par une sécheresse potentielle, tandis que l’Australie connaît normalement des précipitations réduites.

Par ailleurs, si la pluie sera un soulagement bienvenu pour les agriculteurs d’Argentine et du Proche-Orient, El Niño peut aussi provoquer de graves inondations, qui peuvent nuire à l’agriculture et accroître le risque de maladie. C’est un risque particulier que la FAO a examiné en ce qui concerne l’Afrique de l’Est, qui a été confrontée à quatre années de déficits pluviométriques extrêmes et où le rétablissement prendra de toute façon beaucoup de temps, même si les précipitations reviennent enfin.

L’Australie, le Brésil et l’Afrique du Sud, tous grands producteurs et exportateurs de céréales, figurent parmi les pays exposés au risque de sécheresse, tout comme une multitude d’autres pays d’Afrique centrale et occidentale, d’Asie du Sud-Est et des Caraïbes.

Une jeune fille arrose des semis à Merea, au bord du lac Tchad, une activité devenue une corvée quotidienne.
PNUDP/Jean Damascene Hakuzimana
Une jeune fille arrose des semis à Merea, au bord du lac Tchad, une activité devenue une corvée quotidienne.

Le spectre redouté des incendies de forêts

Le risque inverse de précipitations excessives concerne des exportateurs tels que l’Argentine, la Turquie et les États-Unis d’Amérique, ainsi que des pays d’Asie centrale.

El Niño fait généralement grimper la température moyenne mondiale et a été associé au record enregistré en 2016, année au cours de laquelle plusieurs catastrophes génératrices de carbone se sont produites, notamment des incendies de forêts et de tourbières en Indonésie et des milliards d’arbres décimés par la sécheresse en Amazonie.

Etant donné que les prévisions les plus récentes ont augmenté la probabilité d’un événement El Niño à partir du mois de juin, la FAO a déjà commencé à mettre en place les premiers préparatifs pour soutenir les pays touchés. « A ce stade, les prévisions sont claires mais, inévitablement, elles ne peuvent être avancées qu’avec une faible confiance en raison de leur faible puissance durant la période mai-juin-juillet », explique Oscar Rojas, agrométéorologue à la FAO.

Les événements El Niño se produisent généralement tous les deux à sept ans, avec des épisodes La Niña et des conditions neutres pendant les années intermédiaires. El Niño a une influence majeure sur les températures et les précipitations dans de nombreuses régions du monde, provoquant des événements météo extrêmes, notamment des sécheresses, des inondations et des tempêtes.

Plus de 60 millions de personnes affecté lors de l’épisode El Niño de 2015 et 2016

A noter qu’à la suite de l’épisode El Niño de 2015 et 2016, qui a affecté plus de 60 millions de personnes dans environ 23 pays, la FAO a travaillé assidûment avec ses membres. Des procédures opérationnelles standard ont été élaborées afin d’accélérer les interventions opportunes telles que la mise en place de réserves de semences communautaires, l’évaluation des réserves alimentaires stratégiques et le renforcement des campagnes de surveillance de la santé animale.

Par exemple, la FAO a élaboré des protocoles d’action anticipée pour la sécheresse au Burkina Faso, au Tchad, au Niger, dans le sud de Madagascar, au Malawi, au Zimbabwe, aux Philippines, au Pakistan et en Amérique centrale, et elle est prête à agir rapidement, en coordination avec les gouvernements et les partenaires, si les prévisions se concrétisent.

Plus globalement, l’approche de la FAO a consisté à cartographier les changements dans les conditions de végétation à travers les terres cultivées du monde et à combiner cette analyse avec les calendriers des cultures afin de mieux comprendre comment les déficits pluviométriques peuvent affecter la production. Selon l’agence onusienne basée à Rome, cette approche permet d’identifier les zones à haut risque de sécheresse et d’orienter ainsi le type d’interventions à mettre en œuvre.

Pour un meilleur suivi des projections sur le terrain, la FAO, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), ainsi que d’autres partenaires, surveillent la situation afin de déterminer les pays les plus menacés dans le courant de l’année.