L'actualité mondiale Un regard humain

Séisme en Syrie : la Commission d’enquête de l’ONU dénonce les obstacles à l’aide internationale

Des enfants dorment dans une mosquée du quartier d'Al-Midan à Alep, en Syrie
© UNHCR/Hameed Maarouf
Des enfants dorment dans une mosquée du quartier d'Al-Midan à Alep, en Syrie

Séisme en Syrie : la Commission d’enquête de l’ONU dénonce les obstacles à l’aide internationale

Aide humanitaire

La Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur la Syrie a dénoncé, lundi à Genève, la lenteur de l’aide humanitaire après le séisme dans ce pays et demandé l'ouverture d'une investigation. 

Selon les trois enquêteurs onusiens, « la réponse aux récents tremblements de terre massifs a été caractérisée par des défaillances supplémentaires qui ont entravé l’acheminement d’une aide urgente et vitale dans le nord-ouest de la Syrie ». 

Ces échecs ont mis en cause le gouvernement et les autres parties au conflit, ainsi que la communauté internationale et les Nations unies.  La Commission reproche aux différents acteurs de n’avoir pas réussi à sécuriser un cessez-le-feu qui aurait facilité l’acheminement de l’aide pendant la première semaine qui a suivi le désastre. Selon les enquêteurs onusiens, les Syriens se sont sentis abandonnés et négligés par ceux qui étaient censés les protéger, dans les moments les plus désespérés. 

« De nombreuses voix s’élèvent à juste titre pour demander qu’une enquête soit menée et que les responsables rendent des comptes. Les Syriens ont maintenant besoin d’un cessez-le-feu complet qui soit pleinement respecté, pour que les civils - y compris les travailleurs humanitaires - soient en sécurité », a déclaré Paulo Pinheiro, Président de la Commission. 

Des communautés entières ont été détruites et les Nations Unies estiment que quelque cinq millions de personnes ont besoin d’un abri de base et d’une aide non alimentaire dans la partie syrienne de la zone touchée par le tremblement de terre. Dès avant les tremblements de terre du 6 février, plus de 15 millions de Syriens - plus que jamais depuis le début du conflit - avaient besoin d’une aide humanitaire. 

Des abus généralisé dans les mois précédant le séisme

« De manière incompréhensible, en raison de la cruauté et du cynisme des parties au conflit, nous enquêtons maintenant sur de nouvelles attaques, même dans les zones dévastées par les tremblements de terre », a ajouté M. Pinheiro. Il s’agit notamment de l’attaque israélienne signalée la semaine dernière contre l’aéroport international d’Alep, un point de passage de l’aide humanitaire. 

Par ailleurs, les enquêteurs ont dénoncé le fait qu’immédiatement après le tremblement de terre, il a fallu une semaine entière au gouvernement syrien pour consentir à l’accès transfrontalier de l’aide vitale. Le gouvernement et l’armée nationale syrienne (ANS) ont tous deux empêché l’aide transfrontalière aux communautés touchées, tandis que Hayat Tahrir al Sham (HTS) dans le nord-ouest de la Syrie a refusé l’aide transfrontalière en provenance de Damas. 

« Nous enquêtons actuellement sur plusieurs allégations selon lesquelles des parties au conflit auraient délibérément entravé l’aide humanitaire aux communautés touchées », a déclaré l’un des trois membres de la Commission, Hanny Megally. 

Plus largement, le rapport de la Commission, préparé avant les tremblements de terre dévastateurs, fournit un résumé des violations et des abus commis contre les civils en Syrie. 

D’une manière générale, les parties au conflit en Syrie ont commis des violations généralisées des droits de l’homme et des abus dans les mois qui ont précédé les tremblements de terre les plus dévastateurs qu’ait connus la région depuis plus d’un siècle, poursuivant ainsi un schéma de dix ans d’échecs en matière de protection des civils syriens. 

Des bâtiments à Idlib, en Syrie, ont été endommagés par le tremblement de terre qui a frappé la région.
© UNOCHA/Ali Haj Suleiman
Des bâtiments à Idlib, en Syrie, ont été endommagés par le tremblement de terre qui a frappé la région.

Poursuite des crimes de guerre 

Dans les zones contrôlées par le gouvernement, la Commission a constaté une insécurité croissante à Dara’a, Suwayda’ et Hama, ainsi que la poursuite des emprisonnements arbitraires, de la torture, des mauvais traitements et des disparitions forcées. 

Dans le nord-ouest du pays, les civils vivant dans les zones touchées par le tremblement de terre ont été particulièrement exposés à des attaques meurtrières au cours des mois précédents. En novembre, lors d’une seule attaque aveugle, les forces gouvernementales ont utilisé des armes à sous-munitions pour frapper des camps de déplacés densément peuplés dans le gouvernorat d’Idlib, tuant 7 civils et en blessant au moins 60 autres. 

En août, une autre attaque aveugle a tué 16 civils et en a blessé 29 sur un marché très fréquenté d’Al-Bab, au nord-est d’Alep, et dans ses environs. « Ces atrocités s’inscrivent dans un schéma bien établi d’attaques aveugles, qui peuvent constituer des crimes de guerre », a insisté la Commission d’enquête. 

Dans le nord-est, les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes continuent de détenir illégalement 56.000 personnes, principalement des femmes et des enfants, soupçonnées d’avoir des liens familiaux avec des combattants de Daech, dans les camps d’Al-Hawl et de Roj, où les conditions continuent de se détériorer. « La Commission a des motifs raisonnables de croire que les souffrances infligées à ces personnes peuvent être assimilées au crime de guerre consistant à porter atteinte à la dignité de la personne, et demande que les rapatriements soient accélérés ».

La Commission présentera, le mardi 21 mars à Genève, son rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.