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Une fillette de 8 ans pose devant un immeuble à Irpin, en Ukraine, où sa mère et sa sœur partagent une petite chambre.

Droits humains : le monde fait « marche arrière », déplore le chef de l’ONU à Genève

© UNICEF/Olena Hrom
Une fillette de 8 ans pose devant un immeuble à Irpin, en Ukraine, où sa mère et sa sœur partagent une petite chambre.

Droits humains : le monde fait « marche arrière », déplore le chef de l’ONU à Genève

Droits de l'homme

A l’ouverture de la 52e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève, le chef de l’ONU a dénoncé lundi à Genève le recul observé dans la progression des droits humains dans le monde. Il a appelé à leur donner un « nouveau souffle ».

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Les droits humains font « marche arrière », a déploré le Secrétaire général António Guterres en ouvrant près de six semaines de travaux de l’instance onusienne basée à Genève.

« L’extrême pauvreté et la faim augmentent, pour la première fois depuis des décennies (…) et la pandémie [du coronavirus] s’est soldée par une pandémie d’atteintes aux droits civils et politiques », a-t-il dit, relevant aussi le nombre record de déplacés dans le monde et évoquant le naufrage « horrible » de migrants ce week-end au large de l’Italie.

Selon le patron de l’ONU, près de la moitié de la population mondiale, soit 3,5 milliards de personnes, vit dans des zones en danger climatique. Ces vastes zones sont en passe de devenir des zones sinistrées du point de vue des droits humains, où les inondations, les sécheresses et les tempêtes font que le risque de mourir des effets des changements climatiques est 15 fois plus élevé qu’ailleurs.

Un énième terrible naufrage en Méditerranée

Dans ces conditions, « cent millions de personnes – un chiffre record – ont été contraintes de fuir les violences, les conflits et les violations de leurs droits humains », alors que « hier [dimanche] encore, un énième terrible naufrage en Méditerranée a coûté la vie à de nombreuses personnes qui étaient en quête d’un avenir meilleur pour elles-mêmes et pour leurs enfants », a regretté M. Guterres.

Une façon pour le chef de l’ONU de rappeler que les droits des réfugiés et des migrants sont des droits humains, qui doivent donc « être respectés sans discrimination ».

« Tant que des bandes criminelles contrôleront les routes migratoires, des personnes continueront à périr. Nous avons besoin de routes sûres, ordonnées et légales pour les migrants et les réfugiés », a-t-il fait remarquer.

Suite à cette tragédie survenue dimanche en mer Méditerranée, M. Guterres a demandé aux pays de la région de faire tout leur possible « pour prévenir les pertes de vies humaines en fournissant des services de recherche et de sauvetage et des soins médicaux ».

Pour l’ONU, il s’agit « d’un impératif humanitaire, et d’une obligation morale et juridique.

Lors de son discours au Palais des Nations, il s’est également penché sur la guerre en Ukraine, avec « les exécutions sommaires, la torture, les disparitions forcées et les violences sexuelles ».

« L’invasion russe de l’Ukraine a déclenché les violations les plus massives des droits de l’homme que nous vivons aujourd’hui », a-t-il fait valoir, indiquant que ce conflit a déclenché « la mort, la destruction et le déplacement de nombreuses personnes ».

Antisémitisme, sectarisme antimusulman, persécution des chrétiens

Sur le terrain, les attaques contre les civils et les infrastructures civiles ont fait de nombreuses victimes et causé de terribles souffrances. 

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a ainsi recensé des dizaines de cas de violences sexuelles liées au conflit contre des hommes, des femmes et des filles.

« De graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme à l’encontre de prisonniers de guerre - et des centaines de cas de disparitions forcées et de détentions arbitraires de civils - ont également été documentés », a-t-il détaillé.

Sur un autre plan, le monde d’aujourd’hui est marqué par « l’antisémitisme, le sectarisme antimusulman, la persécution des chrétiens, le racisme et l’idéologie suprémaciste blanche ». 

Les minorités religieuses, linguistiques et ethniques, la communauté LGBTQI+ et les autres communautés minoritaires sont la cible d’actes de harcèlement et de haine.

Dans le même temps, la liberté d’expression est en faillite. Le nombre de professionnels des médias tués dans le monde l’année dernière a augmenté de 50 % – un chiffre épouvantable. De manière générale, le chef de l’ONU estime que la cohésion sociale et la confiance s’abîment dans le fossé béant entre nantis et démunis.

La 52e session ordinaire du Conseil des droits de l'homme s'ouvre à Genève.
Photo ONU/Violaine Martin

Le chef des droits de l’homme de l’ONU fustige le retour du « vieil autoritarisme »

Avec un tel sombre tableau, l’avenir suscite des inquiétudes encore plus grandes. Il a donc pris la défense de la Déclaration universelle « attaquée de toutes parts » et dénoncé les gouvernements qui « en rognent les fondations » ou « les torpillent ». Mais « alors que nous célébrons l’impact de la Déclaration universelle des droits de l’homme, notre pire ennemi est la complaisance »,a-t-il fait remarquer.

Pour le chef de l’ONU, l’histoire des droits humains reste à écrire. Il s’agit de continuer à faire des droits humains une réalité dans la vie des populations du monde entier. « Nous devons protéger et promouvoir le consensus mondial autour de la Déclaration universelle, et avancer vers une nouvelle ère : celle des droits humains pour toutes et tous », a conclu le Secrétaire général de l’ONU.

À ses côtés pour l’ouverture de la 52e session du Conseil des droits de l’homme à Genève, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Volker Türk a également dénoncé le retour du « vieil autoritarisme » et des « guerres d’agression destructrices, datant d’une époque révolue et aux conséquences mondiales, comme nous l’avons à nouveau constaté en Europe avec l’invasion insensée de l’Ukraine par la Russie ».

Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République démocratique du Congo s'adresse à la 52e session ordinaire du Conseil des droits de l'homme, Genève.
UN Photo / Violaine Martin
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République démocratique du Congo s'adresse à la 52e session ordinaire du Conseil des droits de l'homme, Genève.

La RDC veut « la fin des aventures guerrières du Rwanda »

Pour sa part, le Président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, s’est penché sur la situation humanitaire et l’insécurité dans l’Est. Il a ainsi accusé le Rwanda de soutenir un groupe rebelle dans l’est de la RDC.

Pour Kinshasa, la communauté internationale doit « mettre fin aux aventures guerrières » du pays voisin.

« Nous ne pouvons prétendre défendre les droits de l’homme et les libertés fondamentales en RDC si nous laissons se poursuivre l’agression du Rwanda contre mon pays et les massacres de la population aux mains des groupes armés terroristes », a déclaré M. Tshisekedi à l’ouverture de la 52e session du Conseil.

Selon le Président congolais, l’objectif non avoué de ces groupes et souteneurs, est « de continuer à piller les ressources naturelles de la RDC et de faire passer une partie de notre territoire national, le Nord-Kivu, sous contrôle rwandais ».

Par ailleurs, M. Tshisekedi a qualifié de « fausses » les accusations rwandaises selon lesquelles les groupes ethniques vivant dans son pays et liés aux Rwandais, comme les Tutsis, sont persécutés et menacés de « génocide » en RDC. A cet égard, il a soutenu que Kinshasa se tient fermement contre tout discours de haine à l’encontre de ces groupes.

« La justice de la RDC appliquera rigoureusement les lois de la République contre les auteurs de discours incitant à la haine tribale ou ethnique », a souligné le Président congolais.

M. Tshisekedi a ensuite appelé à des négociations entre son pays et Kigali, avec la médiation de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), « pour progresser dans le rapatriement des réfugiés de chaque pays accueillis par l’autre ». Le but est de « parvenir à une réconciliation véritable et durable entre les communautés ».

Le Président congolais a également plaidé pour la création d’un tribunal pénal international pour la RDC « afin d’élucider les 617 incidents documentés dans le Rapport mapping du Haut commissariat aux droits de l’homme », documentant des exactions commises entre 1993 et 2003.

A noter que le Ministre rwandais des affaires étrangères, Vincent Biruta, devrait prononcer son discours via zoom dans l’après-midi du jeudi 2 mars.