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Des Casques bleus de la MINUSCA et des membres des forces de sécurité et de défense centrafricaines en patrouille à Bangui, en RCA.

RCA : la crise humanitaire menace le processus de paix, selon l’ONU

MINUSCA/Hervé Serefio
Des Casques bleus de la MINUSCA et des membres des forces de sécurité et de défense centrafricaines en patrouille à Bangui, en RCA.

RCA : la crise humanitaire menace le processus de paix, selon l’ONU

Paix et sécurité

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la situation en République centrafricaine (RCA), Valentine Rugwabiza, cheffe de la MINUSCA, la mission de maintien de la paix de l’ONU dans le pays, a noté des progrès dans les relations du gouvernement avec certains groupes armés et dans la préparation des prochaines élections locales.

Elle a toutefois déploré la sophistication croissante des attaques contre les forces centrafricaines, le manque de progrès pour les droits de l’homme et « la situation toujours désastreuse » de l’économie du pays.

Mme Rugwabiza a confirmé que la saison sèche en République centrafricaine (RCA) en janvier et février facilite d’ordinaire les déplacements des groupes armés et explique une augmentation de l’insécurité. Elle a toutefois noté de nouveaux développements dans les schémas d’attaques des groupes armés, à savoir l’utilisation progressive d’engins explosifs et de drones, qui ont de graves conséquences sur la population locale et constituent également une grave menace pour la sûreté et la sécurité des soldats de la paix.

Sophistication croissante des attaques des groupes armés

Citant plusieurs attaques qui ont récemment occasionné trois morts et sept blessés civils, Mme Rugwabiza a déclaré que ces nouvelles menaces exigeraient une préparation spécifique de tous les pays fournisseurs de contingents pour répondre de manière appropriée à la sophistication croissante des tactiques des groupes armés en utilisant tous les moyens à leur disposition, y compris les moyens aériens et les drones, pour la reconnaissance avant les patrouilles de troupes et les déploiements de forces dans les zones à haut risque.

A ce propos, elle s’est félicitée que le gouvernement centrafricain ait autorisé la MINUSCA à reprendre des vols de nuit depuis décembre 2022. Elle a néanmoins rappelé que ce mois-ci, le ministère de la Défense a publié une circulaire interdisant tous les vols de drones, sauf par les forces de défense et de sécurité nationales.

« Cette nouvelle interdiction limite notre capacité à fonctionner normalement », a-t-elle regretté, mettant en garde contre ses conséquences, telle la carence d’images de surveillance aérienne des patrouilles de la MINUSCA, des activités des groupes armés et des infrastructures et populations civiles à protéger.

Machettes collectées lors du processus de désarmement, République centrafricaine.
© Marcus Bleasdale
Machettes collectées lors du processus de désarmement, République centrafricaine.

L’épine dorsale du processus de paix

Du point de vue de la politique interne du pays, Valentine Rugwabiza a signalé que le gouvernement centrafricain, sous la coordination effective du Premier ministre, a continué de s’approprier le processus de paix et le processus politique, grâce à la mise en œuvre du chronogramme dirigé par le gouvernement, à la réforme du secteur de la sécurité, ainsi que par l’amélioration de la gestion des frontières de la RCA.

Plus encore, rappelant que les engagements politiques avec les dirigeants des groupes armés restent « l’épine dorsale du processus de paix et politique », elle a souligné la dissolution complète, en décembre 2022, de quatre groupes armés signataires de l’Accord politique et représentés au gouvernement, à savoir le Rassemblement patriotique pour le renouveau de la Centrafrique (RPRC), le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ),  l’Union des forces républicaines (UFR) et l’Union des forces républicaines fondamentales (UFRF). 

Une stratégie régionale pour la sécurité des frontières

Aux yeux de la cheffe de la MINUSCA, la résurgence des tensions et des insécurités aux frontières de la RCA a mis en évidence la dimension régionale de la crise sécuritaire, en particulier sur les routes de transhumance et dans les zones riches en ressources dans le nord-ouest, le nord-est, le centre-sud qui ont été des points chauds de conflit.

« Ces zones sont vastes, instables et poreuses », a-t-elle expliqué, ajoutant que « toute initiative visant à endiguer la vague d’activités rebelles dans la région nécessiterait une action concertée et équilibrée de la part des pays voisins ».

Pour accroître la mobilisation et la coopération dans la sous-région sur les questions frontalières, l’ONU et les organisations régionales ont également un rôle important à jouer, d’où ses efforts dans la région, coordonnés avec le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA) sur ces questions frontalières cruciales.

Des femmes de République Centrafricaines déplacées en raison d'attaques de groupes armés
© UNICEF/Tchameni Zigoto Tchay
Des femmes de République Centrafricaines déplacées en raison d'attaques de groupes armés

Cruciales élections locales

Valentine Rugwabiza considère aussi que les prochaines élections locales offrent une occasion unique de nouveaux progrès dans le processus de paix politique, de renforcer la gouvernance locale en RCA où l’exclusion et les disparités centre-périphérie figurent parmi les causes profondes du conflit. 

Selon elle, ce scrutin est également l’occasion d’inclure des groupes traditionnellement marginalisés comme les femmes et les jeunes, et de ramener dans le processus de paix politique des anciens combattants et des dirigeants des groupes armés qui ont déposé les armes.  

Mme Rugwabiza a de même encouragé les autorités à prendre en compte les centaines de milliers de personnes déplacées par les conflits et leur fournir les documents nécessaires à leur participation au vote.

La cheffe de la MINUSCA a de plus reconnu que les élections locales sont une véritable ouverture et une chance d’engager l’opposition politique dans un véritable dialogue. Elle a salué diverses initiatives officielles comme celles visant une plus grande participation électorale de femmes et les campagnes de sensibilisation aux élections lancées avec l’aide de la mission de l’ONU. 

En ce qui concerne la sécurité des élections, elle a décrit comme une évolution importante pour la préparation électorale, la récente signature du plan intégré de sécurité pour les élections (PISE), le 14 février, sans cacher toutefois sa crainte que les contraintes financières nuisent à l’organisation des élections, en particulier au cas ou les groupes armés perturbent le scrutin.

Peu de progrès dans la lutte contre les violences sexuelles

Valentine Rugwabiza a également déploré le manque d’amélioration de la situation des droits de l’homme et de la justice depuis son dernier exposé devant le Conseil.

Elle s’est dite « très préoccupée par l’augmentation de la violence sexuelle liée au conflit qui est commise par toutes les parties », ajoutant que les carences du système judiciaire et l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les crimes et les atteintes aux droits humains « sape la confiance de la population dans la capacité de son institution judiciaire nationale à rendre la justice ».

A cet égard, elle se félicite du renouvellement du mandat de la Cour pénale spéciale à la suite de consultations entre le gouvernement centrafricain et l’ONU mais note que la MINUSCA et les États-Unis ont été et restent les principaux bailleurs de fonds de cette Cour qui nécessite des fonds d’autres Etats membres.

En République Centrafricaine, la MINUSCA aide le ministère de la justice à améliorer ses institutions judiciaires
MINUSCA/Leonel Grothe
En République Centrafricaine, la MINUSCA aide le ministère de la justice à améliorer ses institutions judiciaires

Crise alimentaire aigue

Enfin, la cheffe de la MINUSCA a jugé la situation économique du pays désastreuse et cité à cet égard le communiqué du Fonds monétaire international (FMI) du 26 janvier 2023 selon lequel « la crise alimentaire qui faisait déjà rage dans le pays s’est aggravée après la guerre en Ukraine et nécessite un besoin immédiat d’aide humanitaire et de soutien budgétaire ».

Ce dernier avertit également que la proportion de personnes souffrant d’insécurité alimentaire aiguë, déjà l’une des plus élevées au monde en 2022, « devrait passer de 44 à 49% en 2023 selon le Programme alimentaire mondial (PAM) », alors que l’ONU estime que 56% des habitants dépendent de l’aide alimentaire internationale.

Mme Rugwabiza a réitéré devant le Conseil de sécurité qu’un appel de fonds de 465 millions de dollars a été lancé pour un Plan conjoint de réponse humanitaire et rappelé, en invoquant la solidarité internationale, que la vulnérabilité économique des populations « pourrait compromettre les modestes progrès réalisés sur le front sécuritaire et politique en RCA ».