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Des experts indépendants de l’ONU critiquent les abus de la police américaine

Black Lives Matter, un mouvement né en réaction aux violences policières et aux préjugés raciaux dans le maintien de l'ordre
© UNSPLASH/Clay Banks
Black Lives Matter, un mouvement né en réaction aux violences policières et aux préjugés raciaux dans le maintien de l'ordre

Des experts indépendants de l’ONU critiquent les abus de la police américaine

Droits de l'homme

Des experts indépendants de l’ONU ont exprimé vendredi leur grave préoccupation face à la mort de Keenan Anderson le 3 janvier 2023 aux mains du département de police de Los Angeles et de Tyre Nichols, battu par la police à Memphis, dans le Tennessee, le 7 janvier 2023.

Parmi ces cinq experts, trois sont membres du Mécanisme international indépendant d’experts des Nations Unies chargé de promouvoir la justice raciale et l’égalité dans le contexte de l’application de la loi, et se rendront aux Etats-Unis en avril, en réponse à une invitation du gouvernement datant de décembre dernier.

« Les morts violentes de Keenan Anderson et de Tyre Nichols nous rappellent davantage l’urgence d’agir », a déclaré Yvonne Mokgoro, Présidente de ce Mécanisme international indépendant créé en 2021 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Les experts ont demandé au gouvernement des États-Unis des informations détaillées sur les incidents concernant Keenan Anderson et Tyre Nichols ainsi que sur les enquêtes en cours et les réglementations applicables à l’utilisation d’armes à létalité réduite au vu des normes en matière de droits de l’homme.

Des pratiques contraires aux normes internationales

Dans les deux cas, ils ont souligné que le niveau de force utilisé semblait avoir enfreint les normes internationales protégeant le droit à la vie et interdisant la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces actes ne sont pas non plus, selon eux, conformes aux normes énoncées dans le Code de conduite des Nations Unies pour les responsables de l’application des lois et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Keenan Anderson, durant son interpellation par la police de Los Angeles le 3 janvier à la suite d’un accident de la circulation, a subi 6 chocs électriques d’un pistolet Taser par l’un des agents. Il est décédé quelques heures plus tard d’une crise cardiaque.

« Bien que nous reconnaissions le rôle des options moins létales pour réduire le risque de mort ou de blessure inhérent à la conduite de la police, tout recours à la force par les responsables de l’application des lois doit être guidé par les principes de légalité, de précaution, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination et de responsabilité », a déclaré Juan Mendez, membre du Mécanisme d’experts. 

« L’utilisation d’armes à létalité réduite continue de susciter de graves préoccupations quant à l’obligation des États de protéger le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres mauvais traitements. Ces armes peuvent causer la mort, des blessures corporelles graves et une invalidité permanente », a noté Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Hommages à George Floyd devant l'épicerie où il a été assassiné par un policier à Minneapolis aux Etats-Unis.
Unsplash/Jéan Béller
Hommages à George Floyd devant l'épicerie où il a été assassiné par un policier à Minneapolis aux Etats-Unis.

Usage de routine des pistolets Taser

« Nous observons que, dans des cas comme ceux-ci, les policiers utilisent les pistolets Taser comme protocole de routine pour neutraliser les personnes qui n’obtempèrent pas, ou traversent des crises de santé mentale, et qui souvent ne semblent pas représenter un danger grave pour elles-mêmes ou pour les autres », a déploré Juan Mendez. « Nous restons très préoccupés par l’utilisation excessive de pistolets Taser dans l’application de la loi, en particulier à la lumière de leur potentiel inhérent d’utilisation abusive ».

« La police et les forces de l’ordre ont des responsabilités particulières pour protéger leurs citoyens et faire respecter leurs droits », a rappelé Alice Jill Edwards, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. « Lorsque cette fonction fondamentale est outrepassée par une violence illégale et incontrôlée, les gens ordinaires en arrivent à craindre leur propre police. Seules des solutions dirigées et conçues par la communauté sont appropriées dans de telles circonstances ».

Des approches nouvelles du maintien de l’ordre sont nécessaires

En réaction à la mort de Tyre Nichols à Memphis, les experts ont souligné qu’en plus d’enquêter, de poursuivre, de sanctionner efficacement les auteurs et d’accorder réparation aux victimes et à leurs familles, les autorités américaines devraient faire preuve de détermination dans la remise en question et la réforme d’une culture policière institutionnalisée qui autorise les agressions criminelles sous couvert d’application de la loi et de sécurité publique.

« Nous avons appelé les autorités à garantir rapidement l’obligation de rendre des comptes et de procéder à des réparations », a fait savoir Tracie Keesee, membre du Mécanisme d’experts. « Bien que nous notions que dans le cas de Tyre Nichols, cinq policiers ont été inculpés au pénal et ont été licenciés à la suite d’une enquête administrative, les images horribles de son passage à tabac sont un rappel alarmant du besoin urgent d’approches véritablement nouvelles en matière de sécurité routière, de contrôles routiers et de sécurité publique en général ».

Suite à une invitation du gouvernement américain reçue en décembre dernier, le groupe d’experts effectuera une mission officielle, décrite comme « indispensable », aux États-Unis en avril 2023. « Nous collaborerons avec le gouvernement et toutes les parties prenantes concernées pour veiller à ce que les brutalités policières soient traitées avec détermination et à ce que les victimes et leurs familles obtiennent justice », a déclaré Yvonne Mokgoro, Présidente du Mécanisme international indépendant.

NOTE

Les experts indépendants et rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, sont le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de surveillance du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.