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Un mémorial dans l'ancien camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne.

Commémoration de l’Holocauste : méfiez-vous des « chants des sirènes de la haine », avertit le chef de l’ONU

Unsplash/Jean Carlo Emer
Un mémorial dans l'ancien camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne.

Commémoration de l’Holocauste : méfiez-vous des « chants des sirènes de la haine », avertit le chef de l’ONU

Droits de l'homme

Lors d'une cérémonie dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste à New York vendredi, le Secrétaire général de l'ONU a averti que l'antisémitisme, les discours de haine et la désinformation sont omniprésents, 90 ans après la montée du parti nazi en Allemagne.

Lors de son discours, António Guterres a rappelé qu'en quelques mois, les nazis ont démantelé les droits constitutionnels fondamentaux et ouvert la voie à un régime totalitaire : « Les parlementaires furent rapidement arrêtés. La liberté de la presse abolie. À Dachau se construisait le premier camp de concentration».

L'antisémitisme des nazis est devenu la politique du gouvernement, suivi de la violence organisée et des meurtres de masse : « À la fin de la guerre, six millions d’enfants, de femmes et d’hommes – près de deux Juifs sur trois en Europe – avaient été assassinés ».

Les sonnettes d'alarme ignorées

M. Guterres a établi des parallèles entre 1933 et le monde d'aujourd'hui : « Les sonnettes d'alarme sonnaient déjà en 1933 », a-t-il déclaré, mais « trop peu ont pris la peine d'écouter, et encore moins ont parlé ».

« Aujourd’hui, des échos de ce chant des sirènes de la haine reviennent résonner à nos oreilles », a dt le chef de l'ONU.

Il a prévenu que nous vivons dans un monde où la crise économique engendre le mécontentement, que les démagogues populistes utilisent la crise pour gagner des votes, et que « la désinformation, les théories du complot paranoïaques et les discours de haine incontrôlés » sont endémiques.

En outre, a poursuivi M. Guterres, il y a un mépris croissant pour les droits de l'homme et un mépris pour l'État de droit, alors que des idéologies suprématistes blanches et néonazies sont « en plein essor », et que la négation de l'Holocauste et le révisionnisme, l'antisémitisme, la misogynie, ainsi que d'autres formes de sectarisme religieux et de haine, sont en hausse.

Chaussures confisquées à des prisonniers dans un camp de concentration à Auschwitz, en Pologne.
Unsplash/William Warby
Chaussures confisquées à des prisonniers dans un camp de concentration à Auschwitz, en Pologne.

« L'antisémitisme est partout »

Le Secrétaire général a déploré le fait que la haine antisémite se retrouve partout aujourd'hui et que son intensité augmente.

Il a cité en exemple, les agressions contre des juifs orthodoxes à Manhattan, les écoliers juifs intimidés à Melbourne, en Australie, et les croix gammées peintes sur le mémorial de l'Holocauste à Berlin, la capitale allemande.

Les néonazis représentent désormais la première menace pour la sécurité intérieure de plusieurs pays – et celle qui connait la plus forte expansion, a déclaré M. Guterres, soulignant que les mouvements suprémacistes blancs deviennent de jour en jour plus dangereux.

Des Juifs de la Ruthénie subcarpatique sont soumis à un processus de sélection sur une rampe à Auschwitz-Birkenau, en Pologne.
US Holocaust Memorial Museum/Yad Vashem
Des Juifs de la Ruthénie subcarpatique sont soumis à un processus de sélection sur une rampe à Auschwitz-Birkenau, en Pologne.

« Installez des garde-fous »

Le chef de l'ONU a regretté que le monde en ligne soit l'une des principales raisons pour lesquelles les discours de haine, les idéologies extrêmes et la désinformation se propagent si rapidement dans le monde.

Il a exhorté toutes les entités impliquées - des autorités de contrôle, aux entreprises technologiques, aux décideurs politiques, à la société civile et aux médias - à faire plus pour arrêter leur propagation et installer « des garde-fous ».

« De nombreux pans d’Internet deviennent des décharges toxiques où se déversent la haine et les mensonges pernicieux », a-t-il déploré. Ce « sont des catalyseurs qui, ayant le profit pour moteur, banalisent l’extrémisme ».

António Guterres a évoqué les contributions de l'ONU à la résolution de ce problème, y compris sa stratégie et son plan d'action contre les discours de haine, des propositions pour un Pacte numérique mondial pour un avenir numérique ouvert, libre, inclusif et sûr, et un Code de conduite pour promouvoir l'intégrité dans l'espace public.

« Nouvelles vagues d'antisémitisme »

Pour sa part, le Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, Csaba Kőrösi, a rappelé lors de la cérémonie que, bien que l'Assemblée générale ait été créée pour s'assurer que personne n'ait à vivre ce que les survivants de l'Holocauste ont enduré, 2023 voit déjà « de nouvelles vagues d'antisémitisme et de négation de l'Holocauste » à travers le monde.

« Comme du poison, ils s'infiltrent dans notre quotidien. Nous les entendons de la bouche de responsables politiques, nous les lisons dans les médias. La haine qui a rendu l'Holocauste possible continue de s'envenimer », a déclaré M. Kőrösi.

Le Président de l'Assemblée générale a conclu en exhortant à repousser les « tsunamis de désinformation qui déferlent sur l'Internet ».

Agir par l'éducation et la modération

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Dans une déclaration publiée à l'occasion de la Journée internationale, l'UNESCO, l'agence des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, a évoqué les partenariats qu'elle a établis avec la principale société de médias sociaux Meta - propriétaire de Facebook - comme un premier pas vers la lutte contre l'antisémitisme en ligne et le déni de l'Holocauste, reconnaissant toutefois qu'il reste encore beaucoup à faire.

En collaboration avec le Congrès juif mondial, ce programme porte sur le développement de ressources en ligne, désormais utilisées par les plateformes pour contrer la diffusion de contenus niant ou déformant l'Holocauste.

«Alors que s’ouvre une ère où de moins en moins de survivants peuvent témoigner de ce qui s'est passé, il est impératif que les entreprises de réseaux sociaux assument la responsabilité de lutter contre la désinformation et de mieux protéger les personnes visées par l'antisémitisme et la haine », a déclaré la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay.

Négation généralisée de l'Holocauste en ligne

Les recherches de l'UNESCO ont révélé que l'antisémitisme, le déni et la déformation de l'Holocauste continuent de proliférer sur toutes les plateformes de médias sociaux.

En moyenne, 16% des publications sur les réseaux sociaux portant sur l'Holocauste ont falsifié l'histoire en 2022. Sur Telegram, qui n'a pas de modération de contenu, ce chiffre monte à 49%, tandis que sur Twitter, le montant a considérablement augmenté suite au bouleversement de l'entreprise à la fin de l'année dernière.

Hors ligne, l'UNESCO a des programmes à travers le monde pour promouvoir l'enseignement de l'Holocauste et du génocide.

Le mois prochain, l'UNESCO et le US Holocaust Memorial Museum vont former des responsables du ministère de l'Éducation de 10 pays à développer des projets ambitieux d'éducation sur l'Holocauste et le génocide. Aux États-Unis, ils formeront des éducateurs sur la manière de lutter contre l'antisémitisme dans les écoles.