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À Caquetá, en Colombie, une fresque intitulée « Réconciliation avec les victimes », symbolise la réintégration d'anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme est plein d'espoir quant à l'avenir de la Colombie

Mission de l'ONU en Colombie/Bibiana Moreno
À Caquetá, en Colombie, une fresque intitulée « Réconciliation avec les victimes », symbolise la réintégration d'anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme est plein d'espoir quant à l'avenir de la Colombie

Droits de l'homme

A l’issue d'une visite en Colombie, le chef des droits de l'homme de l'ONU, Volker Türk, a dit avoir constaté « l'ampleur écrasante » des défis auxquels la nation est confrontée en matière de droits de l'homme, signalant néanmoins qu’il existe chez les Colombiens un sentiment d'espoir.

« Le chemin de l'abandon de décennies de conflit et de son héritage sera sans aucun doute long pour la Colombie, et parfois ardu (…) Cependant, je quitte la Colombie avec optimisme et beaucoup d'espoir pour le pays », a assuré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, à l'issue d'une visite de deux jours.

Lors de son séjour, Volker Türk a eu des entretiens avec des membres du gouvernement colombien, dont le Président Gustavo Petro, des représentants de la société civile, des communautés autochtones et d'ascendance africaine ainsi que des défenseurs des droits de l'homme, lors desquels il a pu vérifier « l'ampleur écrasante des défis ».

Les femmes et les enfants sont confrontés aux pires conséquences des conflits et du changement climatique.
UNVMC/Laura Santamarìa
Les femmes et les enfants sont confrontés aux pires conséquences des conflits et du changement climatique.

Les problèmes persistent

M. Türk a signalé que les problèmes de la Colombie, y compris le racisme et la discrimination, sont profondément enracinés depuis des décennies, voire des siècles, ajoutant « et comme me l'ont dit des représentants des peuples autochtones et d'ascendance africaine, ils continuent également dans le présent ».

Les déplacements, l'enfermement, les violences sexuelles et sexistes et les massacres font partie du quotidien des communautés

Les niveaux de violence que subissent les communautés de la part de divers groupes armés sont difficiles à imaginer, selon le Haut-Commissaire, soulignant que les déplacements, l'enfermement, les violences sexuelles et sexistes et les massacres « font partie de leur quotidien ».

Selon le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 102.000 personnes n'ont pas pu quitter ou entrer dans leurs communautés, en 2022, se retrouvant dans une situation d'isolement, sans accès à l'aide humanitaire. De plus, 82.860 personnes ont été déplacées.

« Il est important que tous les acteurs armés garantissent l'accès humanitaire dont les communautés ont tant besoin », a affirmé M. Türk, rappelant que « dans un conflit armé, toutes les parties doivent agir conformément à leurs obligations et responsabilités en vertu du droit international humanitaire et dans le respect du droit international des droits de l'homme, le cas échéant ».

Il a fait remarquer que, depuis la pandémie de Covid-19, il y a eu une augmentation progressive de la violence dans les zones rurales où la présence de l'État est faible ou inexistante.

« Je suis convaincu qu'il est nécessaire de consolider l'État de droit dans les zones particulièrement touchées par la violence et les conflits, en renforçant la présence et la capacité des institutions civiles de l'État », a-t-il déclaré.

Le chef des droits de l’homme a ainsi recommandé de prendre « des mesures décisives, y compris le démantèlement des groupes armés non étatiques et des organisations criminelles, qui sont les principaux responsables de ces violences ».

Le Haut Commissaire des Nations Unies Volker Türk termine sa visite en Colombie par une conférence de presse à Bogota.
© HCDH
Le Haut Commissaire des Nations Unies Volker Türk termine sa visite en Colombie par une conférence de presse à Bogota.

Des avancées positives

Malgré tous ces défis, cependant, M. Türk a noté un certain nombre d'aspects positifs.

« Lors de ma rencontre avec le Président Gustavo Petro (...), j'ai salué la nouvelle politique de « paix totale » de son gouvernement, y compris l'engagement de mettre pleinement en œuvre l'accord de paix de 2016 avec les FARC-EP. Je me suis également félicité de la reprise du dialogue avec l'Armée de libération nationale (ELN) », a déclaré le Haut-Commissaire, qui a proposé l’expérience et les bons offices de son Bureau pour accompagner les négociations et fournir des conseils en matière de droits humains.

Il est important que les autorités colombiennes garantissent que les négociations de paix avec l'ELN et les dialogues avec les autres acteurs armés intègrent les droits de l'homme dès le départ

Selon lui, il est important que les autorités colombiennes garantissent que les négociations de paix avec l'ELN et les dialogues avec les autres acteurs armés « intègrent les droits de l'homme dès le départ ».

« Comme je l'ai entendu lors de mes rencontres avec des représentants de la société civile, les négociations doivent porter une attention particulière aux victimes et aux communautés affectées, et leur participation doit être garantie. La pleine participation des femmes aux pourparlers de paix sera cruciale », a-t-il expliqué.

La propriété foncière étant l'une des causes sous-jacentes des conflits qui durent depuis des décennies dans le pays, le Haut-Commissaire a estimé qu'il était essentiel que la réforme rurale soit mise en œuvre, tel qu’indiqué dans l'accord de paix avec les FARC-EP.

Concernant la violence, M. Türk a abordé la politique en matière de drogue avec le Président Petro, exprimant son soutien au changement d'orientation de cette dernière, qui passe d'une approche principalement punitive à une approche plus sociale et axée sur la santé publique.

« En s'attaquant à l'une des causes de la violence en Colombie, cette approche peut être essentielle pour mieux protéger les droits des communautés paysannes, autochtones et d'ascendance africaine. Une approche basée sur la santé publique pourrait mieux servir les personnes qui consomment des drogues, à l'échelle nationale et mondiale », a-t-il expliqué.

La présence du Bureau des droits de l'homme de l'ONU renouvelée

M. Türk a également participé à une cérémonie au ministère des Affaires étrangères où il a signé un nouvel accord, renouvelant la présence de son Bureau en Colombie jusqu'en 2032.

« Je voudrais exprimer ma profonde gratitude au gouvernement pour cet accord, qui nous permettra de poursuivre, et j'espère de renforcer, notre travail ici », a-t-il dit.

Le Bureau des droits de l'homme des Nations Unies en Colombie est l'un des plus grands et des plus anciens. Pendant près de 26 ans, il a travaillé aux côtés des Colombiens pour améliorer la situation des droits humains et a été apprécié pour avoir jeté des ponts entre les communautés et l'État.

« Cette entreprise va bien sûr se poursuivre », a déclaré M. Türk.

Pour le haut responsable onusien, la réforme du secteur de la sécurité, y compris la police, est un autre enjeu clé. Il s’est ainsi félicité de l’intention annoncée par le gouvernement d'assumer ces dossiers avec une approche basée sur le respect des droits de l'homme.

Dans ce contexte, le Haut-Commissaire a annoncé que son Bureau espère signer prochainement un protocole d'accord avec le ministère de la Défense pour apporter une assistance dans l'intégration des normes et standards internationaux des droits de l'homme dans les actions des forces de sécurité.

En 2022, le Bureau des droits de l'homme des Nations Unies en Colombie a vérifié 83 cas de massacres et 112 homicides de défenseurs des droits humains.

« J'espère que le nouveau ministère de l'Égalité et de l'Équité pourra faire pression pour la mise en œuvre de politiques indispensables pour mettre fin à la discrimination », a dit M. Türk.

Environ 3 500 ex-combattants en Colombie ont pu terminer leurs études grâce au programme Arando la Educación (Labourant l'éducation).
UNVMC/Jorge Quintero
Environ 3 500 ex-combattants en Colombie ont pu terminer leurs études grâce au programme Arando la Educación (Labourant l'éducation).

Le ciel bleu après l'ouragan

M. Türk a également souligné que les défenseurs des droits de l'homme jouent un rôle important pour faire entendre la voix des personnes les plus vulnérables. Après avoir souligné les risques qu'ils courent, il s’est dit encouragé d'apprendre les mesures d'urgence importantes mises en œuvre par le gouvernement colombien à la demande de la société civile, pour s'occuper de leur protection.

Après avoir évoqué tous ces aspects positifs, le Haut-Commissaire a souligné que lors de ses rencontres avec des représentants de la société civile, ces derniers avaient exprimé leur espoir pour l'avenir.

« L'un d'entre eux a décrit avoir eu la sensation de voir le ciel bleu après un ouragan », a-t-il déclaré.