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Malgré une accalmie des combats, le Yémen va encore vivre une année difficile, selon l’ONU

Des enfants marchent dans une partie endommagée du centre-ville d'Aden, au Yémen. (archive)
OCHA/Giles Clarke
Des enfants marchent dans une partie endommagée du centre-ville d'Aden, au Yémen. (archive)

Malgré une accalmie des combats, le Yémen va encore vivre une année difficile, selon l’ONU

Paix et sécurité

Décrivant la situation au Yémen devant le Conseil de sécurité, ce lundi 16 janvier, Hans Grundberg, Envoyé spécial de l’ONU pour ce pays, a reconnu une relative accalmie du conflit et un regain de l’activité diplomatique dans la région.

Toutefois Martin Griffiths, Coordinateur des secours d’urgence de l’ONU, a jugé alarmants les besoins humanitaires dans le pays, et décrié les obstacles imposés par les belligérants à l’aide internationale.

« La situation militaire au Yémen reste stable », a assuré Hans Grundberg, en confirmant qu’aucune escalade du conflit, ni changements dans les lignes de front n’ont pour l’instant eu lieu. S’il a reconnu que les parties font preuve de retenue du point de vue militaire, il a toutefois noté que des activités des forces armées sur les lignes de front, en particulier à Marib, Taiz, Dali’, Hodeïda et le long de la frontière entre le Yémen et l’Arabie Saoudite, ont causé des pertes civiles.

D’où son appel aux belligérants à respecter le droit international humanitaire, et ses mises en garde. « Les actions militaires, combinées avec des rhétoriques négatives, des politiques et des mesures économiques propices à l’escalade créent des situations où une simple erreur de calcul pourrait relancer les violences et seraient difficiles à inverser, avec de sévères conséquences humanitaires », a-t-il noté, en demandant aux parties de « travailler activement à prolonger la plus longue période de calme relatif observée en huit ans, qui offre un répit dont la population yéménite a grand besoin ».

Au nombre des effets positifs de la trêve initiée le 2 avril 2022, l’Envoyé spécial a souligné que 50.000 passagers ont pu être transportés à bord de 96 vols aller retours entre Sana’a et Amman et que 45 de ces vols ont été assurés après l’expiration de cette trêve le 2 octobre, tandis que 81 tankers ont pu entrer dans le port d’Hodeïda.

Une avancée relative dans la diplomatie régionale et internationale

Autre signe encourageant : Hans Grunberg a souligné l’intensification de la diplomatie régionale et internationale, marquée par les efforts de l’Arabie saoudite et du Sultanat d’Oman. Il a noté « un changement possible de la trajectoire de ces huit années de conflit » et l’importance de ne « pas gâcher les possibilités de dialogues et d’entreprendre des actions responsables ».

Hans Grunberg a ainsi insisté sur la nécessité pour le Yémen de s’approprier ce processus de négociations. « Beaucoup de questions en suspens, notamment celles liées à la souveraineté, ne peuvent être résolues que par un dialogue intra yéménite inclusif », a-t-il insisté, rappelant que les consultations qu’il mène avec des acteurs divers du Yémen, dont les partis politiques, la société civile et les associations de femmes, visent à ce que les négociations ne soient pas uniquement déterminées par les belligérants, mais que « les points abordés reflètent les perspectives et intérêts d’un large éventail de la population du pays ».

Des besoins humanitaires d’une ampleur alarmante

En dépit de ces relatives avancées politiques et diplomatiques, Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a confié sa crainte que 2023 se révèle « une nouvelle année extrêmement difficile pour la population du Yémen, alors que les besoins humanitaires demeurent à un niveau alarmant, que l’économie poursuit son déclin et que les services essentiels tiennent plus que jamais à un fil ».

Alors que les acteurs humanitaires s’apprêtent à présenter dans les prochaines semaines leurs plans pour répondre, en 2023, aux besoins de 21,6 millions de personnes dans le pays, Martin Griffiths a sollicité la générosité de la communauté internationale, rappelant qu’en 2022, grâce au fort soutien des donateurs, les agences humanitaires avaient secouru 11 millions de personnes chaque mois en dépit des défis opérationnels et des carences de financement persistantes dans nombre de secteurs.

Il a particulièrement insisté devant le Conseil de sécurité sur les restrictions d’accès à l’aide humanitaire, à ses yeux un problème majeur au Yémen.

« L’année dernière, les partenaires humanitaires ont signalé plus de 3.300 incidents d’accès. C’est l’équivalent de près de 10 par jour. Collectivement, ces incidents ont affecté la fourniture d’une assistance à plus de 5 millions de personnes », a-t-il déploré, citant les tracasseries bureaucratiques et les retards de délivrances de visas ou de permis de travail, comme les tentatives d’ingérence dans la distribution des secours, particulièrement dans les zones contrôlées par les Houthis, et les pressions exercées par les autorités locales sur le choix des sous-traitants ou les déplacements du personnel humanitaire.

Des femmes yéménites dans un centre de secours du Programme Alimentaire Mondial
© WFP/Albaraa Mansour
Des femmes yéménites dans un centre de secours du Programme Alimentaire Mondial

Le poids des contraintes religieuses sur le travail humanitaire

Le chef de l’humanitaire de l’ONU a précisément évoqué les « conséquences opérationnelles majeures et inacceptables » des contraintes religieuses imposées par les Houthis, et continuellement renforcées en dépit des tentatives de négociations. Ces normes interdisent aux femmes yéménites travaillant dans l’humanitaire de se déplacer sans un chaperon masculin à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, « ce qui restreint leur participation, empêche la mise en œuvre effective des programmes et rompt de plus en plus les contacts avec les personnes vulnérables du pays, surtout les femmes et les filles, déjà affectées de manière disproportionnée par la crise ».

En matière de sécurité du personnel, la situation reste, selon lui, difficile, avec quelques 150 incidents de violences contre des travailleurs humanitaires ou leurs installations, en particulier dans les zones contrôlées par le gouvernement. Il a ainsi mentionné l’attaque contre le bureau d’une ONG à Aden en décembre dernier, et les deux employés de l’ONU détenus à Sana’a depuis 14 mois ainsi que la disparition de cinq autres membres du personnel, enlevés il y a un an à Abyan.

Le danger d’une détérioration de l’économie

Martin Griffiths a aussi rappelé qu’au moment où la monnaie du Yémen, le rial, atteint son niveau le plus faible depuis l’annonce de la trêve en avril 2022, « la moindre détérioration de l’économie du pays peut avoir des conséquences en chaine majeures pour des millions de Yéménites ». Il a ainsi encouragé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour stimuler l’économie et restaurer les services essentiels ; des mesures qui, selon lui, permettraient de réduire les besoins humanitaires et donc l’ampleur et le coût de l’aide au Yémen à long terme.

« Les Yéménites ne souhaitent pas vraiment lancer chaque année ces appels à l’aide, ou perpétuellement rappeler leur souffrance », a-t-il conclu. « Ils veulent une fin durable à ce conflit et la possibilité de reconstruire leurs communautés et leur pays ».