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Afghanistan : les interdictions imposées aux femmes vont avoir un impact sur l'accès aux services de santé (OMS)

Une infirmière dans une maternité de Gardez, en Afghanistan
© UNICEF/Mihalis Gripiotis
Une infirmière dans une maternité de Gardez, en Afghanistan

Afghanistan : les interdictions imposées aux femmes vont avoir un impact sur l'accès aux services de santé (OMS)

Santé

Après la décision de Kaboul d’interdire aux femmes de travailler dans des ONG nationales ou internationales, deux millions de personnes n’auront pas ou peu accès aux services de santé essentiels pour sauver des vies en Afghanistan, a alerté mardi l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU.

Dans un document détaillant « l’impact sur les services de santé en raison de l’interdiction du travailleur humanitaire féminin », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) note que 322 établissements de santé ont suspendu totalement leurs activités (280) ou partiellement (42). Il s’agit de 261 équipes de santé mobiles et 61 établissements de santé statiques.

« En raison de cette suspension, environ deux millions de personnes n’auront pas ou peu accès aux services de santé essentiels pour sauver des vies », a indiqué l’OMS dans son rapport humanitaire sur la situation sanitaire dans ce pays d’Asie centrale.

Selon l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU, une quinzaine de partenaires de santé ont temporairement suspendu la prestation des services de santé. 11 partenaires de santé (dont CARE et l’Organisation internationale pour les migrations) ont totalement suspendu leurs services de santé. Dans le même temps, 5 partenaires de santé ont partiellement suspendu leurs activités. Les interventions de proximité et de santé communautaire sont suspendues.

Dans le sud de l'Afghanistan, un bébé reçoit un vaccin contre la poliomyélite.
© UNICEF/Azizullah Karimi
Dans le sud de l'Afghanistan, un bébé reçoit un vaccin contre la poliomyélite.

Des partenaires de santé ont conseillé à leur personnel féminin de télétravailler

Les Talibans, qui ont pris le pouvoir à Kaboul à la mi-août 2021, ont interdit à quelques jours d’intervalle aux femmes et aux filles de poursuivre des études universitaires et, depuis le 24 décembre, de travailler dans des ONG nationales ou internationales. Selon les humanitaires, de très nombreuses ONG dépendent de leur personnel féminin et ne seront pas en mesure de fonctionner sans lui.

« La plupart des partenaires de santé ont conseillé à leur personnel féminin dans leurs bureaux de pays et de terrain de travailler à domicile », a précisé l’OMS, relevant aussi que « la plupart des ONG nationales n’ont pas suspendu la prestation de services de santé par le biais de structures sanitaires fixes ou d’équipes sanitaires mobiles ».

Ces données sur l’impact sanitaire de la décision de Kaboul d’exclure le personnel féminin des organisations humanitaires ont été réalisées par l’équipe du volet santé. Celle-ci a réalisé une cartographie rapide de l’impact opérationnel de l’interdiction du personnel féminin humanitaire sur la prestation des services de santé.

Sur la base de cette deuxième cartographie, la plupart des partenaires de santé ont continué à fournir des services de santé par le biais de structures sanitaires fixes et mobiles.

Le défi de fournir des services vitaux au peuple afghan malgré ces interdictions

Malgré la décision des Talibans d’interdire aux Afghanes de travailler pour les ONG humanitaires, les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires avaient affiché leur détermination « à fournir des services vitaux au peuple afghan ».

Il est « absolument fondamental de ne jamais parler d’arrêter l’assistance humanitaire pour la population d’Afghanistan », avait déclaré jeudi 29 décembre Ramiz Alakbarov, Coordonnateur résident et humanitaire de l’ONU en Afghanistan, tout en relevant la déclaration du chef de l’ONU, António Guterres, qui avait exigé que Kaboul revienne « de toute urgence » sur ces restrictions.

A ce sujet, l’ONU avait souligné le 20 décembre dernier l’importance des femmes dans le dispositif humanitaire. « L’efficacité de l’aide dans le pays repose sur la participation significative des femmes », avait rappelé Martin Griffiths, le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires. Il avait ajouté la volonté des Nations Unies à maintenir des engagements constructifs avec les autorités de facto pour « renverser ces contraintes ».

Selon les agences humanitaires onusiennes, les mesures prises par les autorités de facto pour exclure les femmes et les filles de l’éducation, du lieu de travail et d’autres domaines de la vie augmentent le risque de mariage forcé et de mariage de mineurs, de violence et d’abus à l’encontre des femmes et des filles.

Les Nations Unies estiment que le fait d’empêcher les femmes de travailler peut entraîner une perte économique allant jusqu’à 1 milliard de dollars, soit jusqu’à 5% du produit intérieur brut afghan.