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L’ONU s’engage pour la sauvegarde des langues autochtones

Des enfants de la communauté Arhuaco de Colombie
UNODC/Laura Rodriguez Navarro
Des enfants de la communauté Arhuaco de Colombie

L’ONU s’engage pour la sauvegarde des langues autochtones

Culture et éducation

L’Assemblée générale de l’ONU a ouvert aujourd’hui la Décennie des Langues autochtones, vouée à la promotion et la préservation d’un inestimable patrimoine culturel et humain, indissociable des droits politiques, sociaux et économiques de ces peuples.

« Toutes les deux semaines, une langue indigène meurt, a rappelé Csaba Kőrösi, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, dans son discours d’ouverture de la Décennie des langues autochtones, annoncée ce 16 décembre en séance plénière.  « Cela devrait sonner l’alarme » a-t-il ajouté, car, comme l’a dit le linguiste américain Michael Krauss, une langue qui s’éteint, c’est comme si on larguait une bombe sur le musée du Louvre ».  Comme si on annihilait un trésor culturel et humain…

Cet évènement de haut niveau avait pour objectif de rassembler des représentants des peuples autochtones et du système onusien afin d’échanger des idées sur la préservation, la promotion et la revitalisation de ces langues.  L’Assemblée générale apporte ainsi une plateforme de dialogue sur cette question, autant qu’un suivi important du plan d’action global pour une Décennie Internationale des langues autochtones lancé en 2021 par l’Unesco et le bureau du haut-commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme.

Depuis lors, 37 pays ont déjà pris des mesures visant à la préservation et à la promotion de ces langues menacées et plus de 3340 nouveaux participants ont rejoint la communauté en ligne fondée avec ce plan d’action, afin de partager des ressources sur ces patrimoines linguistiques.

Sauvegarde des langues menacées et protection des droits des peuples

Csaba Kőrösi a tenu à rappeler la connexion étroite entre la sauvegarde de ces langues et les droits humains des peuples autochtones, évoquant l’adoption en 2007 par cette même Assemblée générale, d’une Déclaration sur les droits des peuples autochtones reconnaissant leur droit de « revitaliser, utiliser, développer et transmettre aux générations futures leur histoire, leurs langues, leurs traditions orales, leurs philosophies, leurs systèmes d’écriture et leurs littérature ».

Les peuples autochtones, qui représentent moins de 6% de la population mondiale, pratiquent plus de 4000 des 6700 langues parlées dans le monde, précise le Département des Affaires Economiques et Sociales de l’ONU. Or les estimations les plus modérées annoncent la disparition de la moitié des langues de la planète avant la fin du siècle.

Le Président de l’Assemblée générale, évoquant leur  rôle de vecteurs de connaissance et de porteurs d’identité, a déploré que chaque langue qui s’éteint implique la disparition d’une pensée, d’une culture, d’une tradition et d’un savoir, des connaissances qui bénéficient à toute l’humanité.

Pour protèger mieux la nature, il faut sauvegarder les cultures autochtones

Il a souligné, autant que l’apport de ces langues au patrimoine culturel mondial, leur importance cruciale pour la transformation radicale de notre rapport à l’environnement, et rappelé sa conviction, de retour de la COP Biodiversité de Montréal, que « pour protéger la nature avec succès, nous devons écouter les peuples autochtones, et nous devons le faire dans leur langue »

Selon la FAO, les peuples autochtones sont les gardiens de près de 80% de la biodiversité restante dans le monde et « leurs langues sont des chenaux de connaissance susceptibles de sauver des vies ». Csaba Kőrösi a ainsi appelé à résoudre de toute urgence la discrimination et la marginalisation de ces communautés, soulignant que bon nombre des 17 objectifs de développement durable ont des liens directs avec les engagements en matière de droits de la personne énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Outre l’accès à l’éducation et aux ressources dans leurs langues maternelles, Csaba Kőrösi a prôné que leur consentement soit requis pour l’accès à leur savoir ou leurs langues, et qu’ils soient associés de manière significative à chaque étape des processus décisionnels.

L'Ambassadrice Colombienne Leonor Zalabata Torres
UN Photo/Eskinder Debebe
L'Ambassadrice Colombienne Leonor Zalabata Torres

L'Expression de la sagesse et de l'identité culturelle

A la tribune de l’Assemblée générale, Leonor Zalabata Torres, ambassadrice de Colombie et membre de la communauté des Arhuaco, a été applaudie vivement après son discours, délivré en partie en Ika, l’une des 65 langues indigènes pratiquées dans son pays. « La langue est l’expression de la sagesse et de l’identité culturelle, l’instrument qui donne sens à la réalité quotidienne héritée de nos ancêtres, a-t-elle déclaré, pour mettre en garde contre le recul de la diversité linguistique au profit des langues majoritaires des sociétés.

 Mariam Wallet Med Aboubakrine, représentante des peuples autochtones
UN Photo/Eskinder Debebe
Mariam Wallet Med Aboubakrine, représentante des peuples autochtones

Pour sa part, Mariam Wallet Med Aboubakrine,  militante malienne  pour les droits des peuples autochtones d’Afrique, particulièrement les Touaregs, a appelé à « une justice linguistique » qui ne peut que contribuer à la réconciliation et à la paix durable.

Quant à Aluki Kotierk, Aluki Kotierk, représentante inuk d'un groupe de travail des Nations unies sur les langues autochtones, elle a souligné l’importance cruciale de la préservation des langues pour les droits politiques, sociaux, culturels et spirituels des communautés autochtones d’Arctique. « Chaque fois qu’un membre d’un peuple autochtone prononce un mot dans sa langue, il fait acte d’autodétermination » a-t-elle déclaré.