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Ukraine : l’ONU craint une détérioration de la situation avec les nouvelles frappes russes contre le réseau électrique

A Boutcha, en Ukraine, les habitants se préparent à affronter l'hiver sans électricité.
OHCHR/Anthony Headley
A Boutcha, en Ukraine, les habitants se préparent à affronter l'hiver sans électricité.

Ukraine : l’ONU craint une détérioration de la situation avec les nouvelles frappes russes contre le réseau électrique

Droits de l'homme

De nouvelles frappes russes sur les infrastructures énergétiques de l’Ukraine pourraient entraîner « une grave détérioration de la situation humanitaire et provoquer de nouveaux déplacements », a mis en garde jeudi le chef des droits de l’homme de l’ONU.

Il a relevé que la guerre continue d’être marquée par des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et des violations graves du droit international humanitaire.

Dans un discours prononcé devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies après une visite en Ukraine, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré que les frappes russes exposaient des millions de personnes à des « difficultés extrêmes ». Ces frappes causent la souffrance de civils, privant des millions de personnes d’électricité, d’eau et de chauffage. 

« Des frappes supplémentaires pourraient entraîner une nouvelle détérioration grave de la situation humanitaire et provoquer de nouveaux déplacements », a-t-il déclaré. Selon l’ONU, les frappes de missiles sur les infrastructures essentielles, notamment les installations énergétiques et les centrales hydroélectriques, exposent des millions de civils, en particulier les personnes en situation de vulnérabilité, à des difficultés extrêmes cet hiver.  

Un rapport de l’ONU documente le meurtre de 441 civils par les forces russes 

Plus de 10 millions d’Ukrainiens - dont des familles, des entreprises, des hôpitaux et des écoles - sont confrontés à des coupures d’électricité, et des millions de personnes sont privées d’un approvisionnement régulier en eau et en chauffage. « J’en appelle à tous ceux qui sont engagés dans des activités armées pour qu’ils respectent pleinement le droit international humanitaire », a insisté M. Türk. 

Lors de cette session à Genève, le chef des droits de l’homme de l’ONU a également présenté le rapport de son Bureau axé sur les meurtres de civils par les forces armées russes par le biais d’exécutions sommaires et d’attaques contre des civils individuels qui ont eu lieu dans une centaine de villages et villes des régions de Kyïv, Tchernihiv et Soumy entre le 24 février et le 6 avril 2022. 

Le Haut-Commissariat a ainsi documenté les meurtres de 441 civils dont 20 jeunes garçons et 8 filles. « Les chiffres réels sont susceptibles d’être considérablement plus élevés, car nous nous efforçons de corroborer 198 autres meurtres présumés dans ces régions », a précisé M. Türk. 

Ses équipes ont également documenté de nouveaux cas dans certaines parties des régions de Kharkiv et de Kherson qui ont été récemment reprises par les forces ukrainiennes. 

Des crimes de guerre

La centaine des meurtres documentés dans les trois régions sont présentés en détail dans le rapport. D’une manière générale, les hommes et les garçons représentaient 88% de toutes les victimes d’exécutions sommaires présentées dans le rapport, ce qui suggère qu’ils ont été ciblés de manière disproportionnée en fonction de leur sexe. 

« Dans certains cas, les soldats russes ont exécuté des civils dans des lieux de détention improvisés », a détaillé M. Türk, relevant que « tout porte à croire que les exécutions sommaires documentées dans le rapport pourraient constituer des crimes de guerre de l’homicide intentionnel ». 

Sur le terrain, les équipes du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme continuent de documenter de graves abus touchant à la fois les civils et les combattants, notamment des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et des mauvais traitements, ainsi que des violences sexuelles liées au conflit. 

​Le principal hôpital d'Izyum, dans la région de Kharkiv, en Ukraine, a été presque entièrement détruits.
© UNFPA/Andriy Kravchenko
​Le principal hôpital d'Izyum, dans la région de Kharkiv, en Ukraine, a été presque entièrement détruits.

Mettre fin à cette « guerre insensée » 

Face à ce sombre tableau décrit devant le Conseil, le chef des droits de l’homme de l’ONU exige une reddition des comptes qui passe par une enquête rapide et les auteurs de violations graves traduits en justice, dans le cadre d’une procédure judiciaire indépendante. « Mais jusqu’à présent, l’obligation de rendre des comptes fait cruellement défaut », a-t-il regretté. 

A ce sujet, il a rappelé que son Bureau n’a pu identifier aucun cas dans lequel un membre des forces armées russes - soldat ou commandant en grade - a été tenu pour responsable par les autorités russes de l’exécution ou de l’absence de mesures visant à faire cesser ou à punir les meurtres. 

Dans le même temps, l’Ukraine est confrontée à « des contraintes de ressources et de capacités pour enquêter sur les cas », alors même que de nombreuses initiatives ont été mises en place pour l’aider à rendre des comptes. 

En attendant, « les cicatrices de la guerre sont profondes » et la reddition des comptes reste « l’un des remèdes pour guérir les blessures de la guerre ». « Mon souhait le plus profond est de voir la fin de cette guerre insensée pour ouvrir la voie à un avenir de paix et de cohésion pour tout le peuple ukrainien », a fait remarquer le chef des droits de l’homme de l’ONU. 

L’Ukraine demande le retrait des troupes russes dès Noël 

Du côté des autorités ukrainiennes, on note que les évaluations présentées mettent en évidence « les conséquences dramatiques de l’agression russe ». « Dix mois de suite, les Ukrainiens ont souffert de violations flagrantes des droits de l’homme et du droit humanitaire international, commises par la Russie, qui ont été clairement qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par les mécanismes internationaux des droits de l’homme et de l’aide humanitaire », a affirmé l’Ambassadrice Yevheniia Filipenko, Représentante permanente de l’Ukraine auprès de l’ONU à Genève.  

Pour Kyïv,  l’invasion de l’Ukraine est finalement une guerre contre les droits de l’homme dans son pays et partout dans le monde. À cet égard, elle demande instamment à tous les États de soutenir la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, afin que les dirigeants politiques et militaires russes rendent des comptes. 

Sur un autre plan, l’Ambassadrice ukrainienne a détaillé le plan de paix en dix points présenté récemment par le Président Volodymyr Zelenskyy, et qui comprend « d’importants éléments relatifs aux droits de l’homme, ainsi que la sécurité alimentaire et énergétique ». 

« Dans un premier temps, le Président Zelenskyy demande instamment à la Russie de commencer le retrait de ses troupes du territoire ukrainien internationalement reconnu dès Noël. La réponse de la Russie révélera ce que le Kremlin veut vraiment - la paix ou la guerre », a conclu Mme Filipenko.  

Electricité, déminage, redémarrage de l’économie 

Le chef de l'humanitaire de l'ONU, Martin Griffiths, en visite à Kherson, en Ukraine.
© UNOCHA/Saviano Abreu
Le chef de l'humanitaire de l'ONU, Martin Griffiths, en visite à Kherson, en Ukraine.

De son côté, le chef de l’humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a achevé jeudi une visite de quatre jours en Ukraine, au cours de laquelle il a pu se rendre notamment à Mykolaiv et à Kherson, récemment reprise par les forces ukrainiennes. 

Lors d’une conférence de presse dans la capitale ukrainienne Kyïv, M. Griffiths a rappelé que les agences humanitaires internationales ont fourni de l’assistance à près de 14 millions de personnes depuis le début de la guerre en Ukraine. 

Il a déclaré que trois éléments l’avaient frappé lors de sa visite. 

« Tout d’abord et c’est sans surprise, l'électricité. J'ai été absolument stupéfait de voir à quel point l'électricité est la porte d'entrée vers tout le reste. Sans électricité, pas de chaleur. Le temps se refroidit. Sans électricité, il n'y a pas de services médicaux, il n'y a pas de transport, il n'y a pas de lumière », a souligné le chef de l’humanitaire de l’ONU. 

Le deuxième élément est le déminage. « On m'a dit, par exemple, qu'il y a environ un demi-million d'hectares de terres agricoles rien qu'à Kherson, qui doivent être déminées. Vous ne pouvez pas faire repartir la production du pays sans déminage », a-t-il ajouté. 

« Et puis, enfin, même en temps de guerre, les gens veulent voir un avenir, et peut-être particulièrement en temps de guerre. Redémarrer des éléments d'une économie locale est une priorité centrale pour les gens. Les gens veulent retourner travailler. Ils veulent que leurs enfants retournent à l'école, ils veulent des transports pour se rendre au travail », a dit M. Griffiths.