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Le chef des droits de l’homme de l’ONU veut inscrire la crise dans l’est de la RDC à l’ordre du jour international

Solange, 11 ans (en orange) a été séparée de sa famille lorsqu'elle a fui les combats dans son village et est actuellement prise en charge dans un centre soutenu par l'UNICEF à Rutshuru, en RDC.
UNICEF/Arlette Bashizi
Solange, 11 ans (en orange) a été séparée de sa famille lorsqu'elle a fui les combats dans son village et est actuellement prise en charge dans un centre soutenu par l'UNICEF à Rutshuru, en RDC.

Le chef des droits de l’homme de l’ONU veut inscrire la crise dans l’est de la RDC à l’ordre du jour international

Droits de l'homme

Alors que des rapports de médias ont fait état de violents affrontements opposant plusieurs groupes armés à la rébellion du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo, le chef des droits de l’homme de l’ONU a exhorté, vendredi, la communauté internationale à continuer à inscrire à son ordre du jour la situation sécuritaire et humanitaire en RDC.

Cet appel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, intervient à la veille de Journée internationale des droits de l’homme et au lendemain de la publication d’une enquête préliminaire faisant état d’un massacre commis fin novembre dans l’est de la RDC et qui a fait au moins 131 morts parmi la population civile à Kishishe et Bambo, deux villages du territoire de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu.

Ce bilan a été établi par une enquête préliminaire du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) et la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO), qui accuse la rébellion du M23.

Clémence Ndabohweje, 49 ans, fait la vaisselle devant la tente dans laquelle elle s'est réfugiée avec ses six enfants et trois petits-enfants sur le site de déplacés de Kanyaruchinya, dans l'est de la RD Congo. La famille a fui son village du territoire …
UNICEF/Arlette Bashizi
Clémence Ndabohweje, 49 ans, fait la vaisselle devant la tente dans laquelle elle s'est réfugiée avec ses six enfants et trois petits-enfants sur le site de déplacés de Kanyaruchinya, dans l'est de la RD Congo. La famille a fui son village du territoire de Rutshuru suite aux derniers affrontements.

L’ONU « consternée » par le massacre à Kishishe et Bambo

« Je suis vraiment consterné par le massacre de plus de 130 civils par le M23 dans la province du Nord-Kivu », a déclaré Volker Türk, lors d’une conférence de presse organisée à Genève avant la Journée des droits de l’homme. D’une manière générale, le chef des droits de l’homme s’est dit très préoccupé par la situation en RDC.

Dans ces conditions, la situation dans ce pays de la région des Grands Lacs doit continuer de requérir l’attention de la communauté internationale. « Il est clair que nous devons nous assurer que la RDC reste à l’ordre du jour, notamment du point de vue des droits de l’homme. C’est très important pour nous », a dit M. Türk aux journalistes.

Concernant les conséquences de la rébellion du M23 dans l’est du pays, la RDC figure d’ailleurs sur sa liste de pays à visiter l’année prochaine. Pour le chef des droits de l’homme, il est urgent de mettre fin aux combats qui se déroulent dans différentes parties du pays, en particulier au Nord-Kivu.

« Nous savons que ce sont toujours les civils qui en souffrent », a-t-il fait valoir, relevant également son inquiétude concernant la situation générale dans ce pays, « surtout en ce qui concerne l’exercice de la liberté démocratique » en RDC.

Volker Türk déplore l’insécurité au nord du Mozambique et en Somalie

En Afrique australe, cinq ans après le début du conflit à Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique, des civils continuent d’être tués, de subir des violences sexuelles, des enlèvements, des disparitions forcées, et des destructions de biens, notamment d’écoles, de centres de santé et de lieux de culte. Près d’un million de personnes ont été déplacées, dont plus de la moitié sont des enfants.

Concernant la situation dans la Corne de l’Afrique, le chef des droits de l’homme s’est inquiété de la « catastrophe humanitaire » en Somalie qui fait face à sa « sécheresse la plus longue et la plus grave de l’histoire récente ». Sur le terrain, ses équipes ont constaté une forte augmentation du nombre de victimes civiles, dont 76% sont attribuées au groupe Al-Shabaab.

Les pertes enregistrées de janvier à novembre 2022 - 672 personnes tuées et 1.082 blessées - sont supérieures de 51% à celles de la même période l’année dernière. Parmi les graves préoccupations en matière de droits de l’homme figurent également l’arrestation et la détention de journalistes, qui entravent la liberté d’expression, favorisent l’autocensure et aggravent les vulnérabilités préexistantes en matière de droits de l’homme.

1.448 personnes tuées et 1.005 kidnappées par des gangs à Haïti

Début 2022, l'ONU a aidé à réinstaller des personnes déplacées par la violence des gangs à Port-au-Prince, en Haïti (photo d'archives).
© IOM Haiti/Monica Chiriac
Début 2022, l'ONU a aidé à réinstaller des personnes déplacées par la violence des gangs à Port-au-Prince, en Haïti (photo d'archives).

Le chef des droits de l'homme de l'ONU a également évoqué la crise en Haïti, qui « ne peut être ignorée ». D’autant que c’est un pays où des bandes armées, qui seraient « soutenues par les élites économiques et politiques, contrôlent plus de 60% de la capitale », et où quelque 4,7 millions de personnes sont confrontées à la faim.

Depuis le début de l’année, 1.448 personnes ont été tuées, 1.145 blessées et 1.005 kidnappées par des gangs. « Et n’oubliez pas que derrière chacun de ces chiffres se cachent des familles et des communautés entières qui sont déchirées par la violence », a-t-il fait remarquer.

Les membres des gangs utilisent également la violence sexuelle pour susciter la peur et exercer un contrôle sur la population, comme le souligne un rapport publié en octobre par le Service des droits de l’homme du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). « Il est inadmissible que des personnes profitent de cette insécurité endémique et de la souffrance des Haïtiens », a insisté M. Türk.

Une situation des femmes afghanes « sans parallèle » dans le monde

Concernant la situation au Moyen-Orient, le chef des droits de l’homme de l’ONU s’est inquiété du « conflit apparemment interminable ». Si les hostilités à grande échelle et les frappes aériennes ont généralement cessé, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme continue à recevoir des rapports faisant état de victimes civiles.

« Les allégations de violations flagrantes des droits de l’homme, notamment la torture, la détention arbitraire, la traite des êtres humains, l’extorsion et les abus sexuels à l’encontre des personnes fuyant vers d’autres pays, sont également préoccupantes », a-t-il affirmé.

Volker Türk a également déploré « l’exclusion systématique » des femmes afghanes. « En Afghanistan, l’exclusion systématique et continue des femmes et des filles de pratiquement tous les aspects de la vie, est sans précédent dans ce monde », a-t-il dit, relevant que cette situation prive le pays dans son ensemble du bénéfice des contributions importantes apportées par les femmes et les filles.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.
Photo ONU/Violaine Martin
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Le chef des droits de l’homme « déterminé » à dialoguer avec la Chine sur le Xinjiang

S’agissant du sort des Ouïgours, le haut responsable des droits de l’homme des Nations Unies a indiqué que son bureau continuerait à collaborer avec Beijing au sujet des allégations d’abus en Chine. Il s’est dit vendredi déterminé à dialoguer avec les autorités chinoises au sujet des conclusions d’un rapport sur le traitement réservé par la Chine aux membres de la communauté ouïgoure, dans le Xinjiang.

« Le rapport qui a été publié le 31 août est très important et a mis en évidence de très graves préoccupations en matière de droits de l’homme », a déclaré Volker Türk, ajoutant qu’il allait « personnellement continuer à s’engager auprès des autorités ». « Je suis très déterminé à le faire », a-t-il dit.

Plus globalement et en pleine guerre en Ukraine, il a rappelé, comme le dit le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que c’est « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme » qui « ont conduit à des actes de barbarie qui ont révolté la conscience de l’humanité ».

Revenir aux fondamentaux de la Déclaration universelle

« Dans les nombreuses crises et calamités que connaît notre famille humaine dans le monde, nous voyons ces vérités se concrétiser », a-t-il dit.

Et à l’échelle mondiale, nous assistons également à une crise de confiance. La montée des mouvements sociaux et des protestations, dans toutes les régions, est un signe clair de l'aspect corrosif des institutions qui sont censées servir les gens. « Le monde ne peut pas se permettre que ses dirigeants ne considèrent les droits de l’homme que comme une réflexion après coup ou - pire - comme un instrument de géopolitique », a-t-il fait valoir.

C’est dans ce contexte qu’il a lancé la campagne pour célébrer le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH 75) « pour raviver l’esprit, l’élan et la vitalité qui ont forgé la Déclaration il y a 75 ans et pour rajeunir un consensus mondial sur les droits de l’homme ».

« La DUDH 75 nous offre une occasion d’unité et d’espoir, qui mobilise le monde pour la cause des droits de l’homme et qui nous met sur la voie d’un avenir meilleur, fondé sur la justice et l’égalité pour tous », a conclu M. Türk.