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La crise économique et une épidémie de choléra accablent les Syriens, prévient l’ONU

Une famille dans un camp de fortune dans la ville de Raqqa, en Syrie.
© UNICEF/Delil Souleiman
Une famille dans un camp de fortune dans la ville de Raqqa, en Syrie.

La crise économique et une épidémie de choléra accablent les Syriens, prévient l’ONU

Aide humanitaire

Devant le Conseil de sécurité, mardi, Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a souligné les efforts des représentants de la société civile pour contribuer à une solution au conflit mais a déploré la persistance des combats et la terrible crise économique que vit le pays. 

De son côté, Reena Ghelani, Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a sonné l’alerte devant l’épidémie de choléra due au manque d’eau qui accable la population syrienne. 

Geir O. Pedersen a rappelé qu’il avait connu une période de tractations diplomatiques intenses, y compris à Damas, et poursuivi un dialogue régulier avec les membres de la société civile en vue d’une solution politique aux conflits. Il a notamment cité les groupes de travail thématiques sur les questions de gouvernance et de décentralisation, et bientôt consacrés aux besoins de protection, ce qui aide à restaurer la confiance parmi les Syriens et apporte des conseils à l’ONU sur de possibles avancées du processus politique.

Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, fait un exposé devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Loey Felipe
Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, fait un exposé devant le Conseil de sécurité.

Rôle des Syriennes 

Il a particulièrement loué le rôle des Syriennes, notant que « les femmes de ce pays ont subi presque toutes les indignités imaginables » en tant que citoyennes, épouses et mères, tout en étant victimes de violences quand elles s’engagent dans la vie publique en tant que militantes de la société civile. 

« Elles aident à guider les interventions de la communauté internationale dans la sphère humanitaire, défendent les droits des détenus, des séquestrés et des disparus », a-t-il assuré. « Elles incarnent l’espoir d’un accord politique en vue d’une paix véritable et contribuent à ouvrir aux Syriennes leur place légitime, et si difficilement gagnée, dans la société ». 

L’Envoyé spécial a néanmoins confirmé que le processus politique n’a pour l’instant pas apporté grand-chose au peuple syrien, alors que les arrestations arbitraires se poursuivent et que le conflit perdure dans tout le pays. Il a cité les découvertes de caches d’armes de l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, appelé aussi Daech), prouvant sa capacité permanente à fomenter des attaques ; les bombardements aériens par les forces pro-gouvernementales dans le nord de la Syrie ; et les violences dans le nord-ouest entre les Forces démocratiques syriennes, la Türkiye et les groupes armés d’opposition. 

Réitérant son appel à toutes les parties à protéger les civils et leurs infrastructures, il a jugé « inacceptable que les hostilités continuent à causer des morts civils, y compris d’enfants », avant de souligner sa préoccupation particulière pour la situation économique, sociale et sanitaire du pays.  

La monnaie syrienne a perdu énormément de valeur ces dernières semaines, poussant les prix du carburant et des aliments vers de nouveaux records. « Les Syriens endurent la pire crise économique depuis le début de la guerre, et cette situation va empirer cet hiver pour une majorité de la population », a-t-il prévenu, demandant un accès humanitaire libre de toutes entraves sur tout le territoire de la Syrie, par les routes les plus directes, au travers des frontières et des lignes de conflit, autant qu’une attention aux causes de ces souffrances économiques par le gouvernement et les intervenants extérieurs.

Epidémie de choléra

Reena Ghelani a détaillé le nouveau défi qui frappe le pays : une épidémie de choléra qui se repand rapidement en Syrie, exacerbée par le sévère manque d’eau. Plus de 24.000 cas ont été répertoriés dans les 14 gouvernorats et 80 personnes en sont mortes. « Cette tragédie n’est en rien une surprise », a-t-elle déclaré devant le Conseil de sécurité. « Des millions de personnes manquent d’accès à l’eau potable et le système de santé a été dévasté par plus de dix ans de conflit ». 

Des pluies insuffisantes et inégalement réparties, une sévère sécheresse, le bas niveau des eaux de l’Euphrate, et les dommages infligés aux infrastructures ont ensemble contribué à cette flambée épidémique. Entre août et octobre, un million d’habitants de la ville d’Al Hasakeh, et 185.000 autres dans un quartier d’Alep ont été privés d’eau potable. Une situation qui, selon elle, ne pourra que s’aggraver en décembre qui devrait connaître des températures supérieures à la normale et des précipitations trop faibles.  

« L’équation est simple. Lorsque les gens boivent la même eau contaminée qu’ils utilisent pour irriguer leurs champs, et lorsqu’ils n’ont pas assez d’eau pour pratiquer une hygiène minimale, les maladies se développent et menacent la santé, voire la vie des personnes, particulièrement des enfants », a résumé Reena Ghelani, rappelant par la même que l’ONU et ses partenaires sonnent depuis un an l’alerte sur la crise de l’eau en Syrie. 

Le plan de réponse au choléra, échelonné sur trois mois et coordonné par l’ONU, nécessite 34,4 millions de dollars pour assurer les services de santé de 162.000 personnes et fournir eau, assainissement et services d’hygiène à 5 millions de Syriens.

Crise alimentaire

Au choléra s’ajoutent les dangers, même durant les accalmies des combats, des munitions non explosées dont les deux tiers des victimes sont des enfants, et une crise alimentaire aggravée par les plus faibles récoltes depuis le début du conflit. 

Reena Ghelani a indiqué que les familles ne pouvaient plus s’offrir aujourd’hui que 15% des rations alimentaires qu’elles avaient les moyens d’acheter il y a encore un an. Beaucoup vivent encore dans des tentes à l’approche de l’hiver, et le nombre de personnes nécessitant une aide saisonnière a augmenté de 30% depuis l’année dernière.  

La haute responsable onusienne a souligné l’importance de lever les obstacles aux convois humanitaires : « Si l’autorisation de passage d’aide humanitaire par la frontière n’était pas renouvelée au cœur de l’hiver et au milieu de la riposte au choléra, des millions de personnes seraient privées de secours dans le Nord-Ouest de la Syrie, là où on l’attend le plus ».