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Libye : un rapport de l’ONU détaille des abus systématiques de migrants dans le cadre de programmes de « retour assisté »

Abdul, originaire du Darfour, a été contraint de vivre dans une maison en Libye et de travailler. Il demande maintenant l'asile.
UNICEF/Juan Haro
Abdul, originaire du Darfour, a été contraint de vivre dans une maison en Libye et de travailler. Il demande maintenant l'asile.

Libye : un rapport de l’ONU détaille des abus systématiques de migrants dans le cadre de programmes de « retour assisté »

Droits de l'homme

Les violations des droits de l’homme et les abus généralisés et systématiques dont sont victimes les migrants en Libye sont aggravés par l’absence de voies d’accès à la protection à l’intérieur et à l’extérieur du pays, selon un rapport des Nations Unies sur les droits de l’homme publié ce mardi.

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), cela signifie que les migrants sont souvent contraints d’accepter l’« aide au retour » vers leur pays d’origine dans des conditions qui peuvent ne pas être conformes aux lois et normes internationales relatives aux droits de l’homme.

« Les migrants sont fréquemment contraints d’accepter un retour assisté pour échapper à des conditions de détention abusives, à des menaces de torture, à des mauvais traitements, à des violences sexuelles, à des disparitions forcées, à des extorsions et à d’autres violations et abus des droits de l’homme », indique le rapport.

Collectivement, ces conditions ont créé un environnement coercitif qui est souvent incompatible avec le libre choix.

Des « retours assistés » pas volontaires

« La Libye et les États impliqués devraient prendre des mesures immédiates pour remédier de toute urgence à cette situation intenable et inadmissible », a déclaré dans un communiqué la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme par intérim, Nada Al-Nashif, appelant les autorités libyennes à « mettre fin immédiatement à toutes les violations et atteintes aux droits des migrants ».

Les « retours assistés » sont, en principe, volontaires. Cependant, le rapport constate qu’en réalité, de nombreux migrants en Libye ne sont pas en mesure de prendre une décision de retour véritablement volontaire. Nombre d’entre eux constatent qu’ils n’ont d’autre choix que de retourner dans les mêmes circonstances qui les ont poussés à quitter leur pays en premier lieu, indique le rapport.

« Tout migrant qui est renvoyé dans un pays qui connaît des moteurs défavorables et des facteurs structurels qui obligent les gens à quitter leur pays d’origine, notamment les violations et les abus des droits de l’homme, les effets néfastes du changement climatique et de la dégradation de l’environnement, les conflits armés, les persécutions, ou une combinaison de ces raisons, peut se retrouver dans une situation encore plus vulnérable qu’auparavant », avertit le rapport.

« On m’a seulement proposé de rentrer chez moi »

A ce sujet, le document contient le témoignage de quelques-uns des 65 immigrés interrogés par le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies qui ont été récemment renvoyés en Gambie. « Ils m’ont amené dans une prison. Mais même à ce moment-là, je ne pensais pas à retourner en Gambie. Puis ils sont entrés dans la prison avec un bâton et battaient les gens comme des animaux. Parfois, ils prenaient votre argent et vos bons vêtements. Ils m’ont cassé les dents. Alors, j’ai accepté le retour », a déclaré l’un des migrants.

De nombreux migrants et demandeurs d’asile n’ont pas eu la possibilité de demander à bénéficier d’une protection en Libye ou ailleurs. « On m’a seulement proposé de rentrer chez moi », a déclaré une autre personne interrogée.

« Cette situation désespérée exige que toutes les parties concernées veillent à ce qu’aucun migrant ne soit contraint d’accepter un retour assisté vers une situation dangereuse ou insoutenable dans son pays d’origine », a affirmé Mme Al-Nashif.

Plus de 60.000 migrants en Libye rapatriés

Depuis 2015, plus de 60.000 migrants en Libye ont été rapatriés dans différents pays d’origine à travers l’Afrique et l’Asie grâce à des programmes de « retour assisté », dont au moins 3.300 Gambiens qui sont rentrés de Libye depuis 2017.

Depuis le début de l’année, près de 16.700 demandeurs d’asile, réfugiés et migrants ont été interceptés et renvoyés en Libye par les garde-côtes libyens (LCG), l’Administration générale de la sécurité côtière (GACS) et la marine libyenne au cours de 160 opérations, a indiqué lundi le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR).

De son côté, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) note qu’au moins 216 personnes sont mortes en tentant de traverser la mer Méditerranée et 724 sont portées disparues et présumées mortes.