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Les lauréats du prix Nobel de la paix 2022, membres de la société civile, sont l’oxygène de la démocratie - Guterres

Le Centre Nobel de la paix à Oslo, en Norvège.
ONU Info/Anton Uspensky
Le Centre Nobel de la paix à Oslo, en Norvège.

Les lauréats du prix Nobel de la paix 2022, membres de la société civile, sont l’oxygène de la démocratie - Guterres

Droits de l'homme

Le chef de l’ONU a rendu hommage aux trois lauréats du prix Nobel de la paix 2022 et appelé à soutenir le travail essentiel de ces groupes de la société civile, au moment où l’espace des droits civiques se rétrécit et se multiplient les attaques contre les défenseurs des valeurs universelles de paix, d’espoir et de dignité.

« Les prix Nobel de cette année mettent en lumière le pouvoir de la société civile de faire avancer la paix », a déclaré António Guterres dans un communiqué de félicitations aux trois lauréats désignés par le comité Nobel norvégien : Ales Bialiatski, figure du mouvement démocratique du Bélarus, l’organisation de défense des droits de l’homme Memorial, fondée en Union soviétique en 1987, et le Centre pour les cibertés civiles, qui depuis 2007 travaille à faire progresser les droits humains et la démocratie en Ukraine. 

Ces groupes issus de la société civile sont « l’oxygène de la démocratie, des catalyseurs pour la paix, le progrès social et la croissance économique », a déclaré le Secrétaire général. « Ils aident à placer les gouvernements face à leurs responsabilités et à porter la voix des plus vulnérables dans les instances du pouvoir ». 

Le chef de l’ONU a souligné leur importance cruciale, « au moment où l’espace des droits civiques se rétrécit dans le monde entier, où des défenseurs des droits de l’homme, des militants des droits des femmes et des causes environnementales, des journalistes et tant d’autres subissent des arrestations arbitraires, de sévères peines de prison, des campagnes de dénigrement, des amendes exorbitantes et de violentes attaques ». 

En rendant hommage aux lauréats, António Guterres a prôné l’engagement à soutenir les défenseurs des valeurs universelles de paix, d’espoir et de dignité pour tous.  

Pour sa part, le comité Nobel, composé de cinq personnalités nommées par le parlement de Norvège a déclaré avoir voulu honorer « trois champions exceptionnels des droits de l'homme, de la démocratie et de la coexistence pacifique dans les pays voisins que sont le Bélarus, la Russie et l'Ukraine. Des lauréats reconnus pour leurs efforts constants en faveur des valeurs humanistes, de l'antimilitarisme et de l’Etat de droit ». 

Ales Bialiatski 

Ales Bialiatski (2e à gauche) lors d'une remise de prix en Pologne en 2014.
© Michał Józefaciuk
Ales Bialiatski (2e à gauche) lors d'une remise de prix en Pologne en 2014.

Initiateur, dans les années 1980, du mouvement démocratique du Bélarus, Ales Bialiatski est toujours détenu sans procès depuis son arrestation en 2020 à la suite des grandes manifestations contre le régime. Déjà emprisonné pendant trois ans entre 2011 et 2014, il n’a pas fléchi dans son combat pour les droits humains et la démocratie en Bélarus. En 1996, le militant avait notamment fondé l’organisation Viasna (Printemps) pour combattre les amendements constitutionnels conférant au Président des pouvoirs dictatoriaux, qui avaient donné lieu à des protestations massives dans le pays. Viasna, qui apportait son soutien au manifestants emprisonnés et à leurs familles, s’est muée dans les années suivantes en une puissante organisation de défense des droits de l’homme, source d’information sur les abus commis par le régime et instigateur du combat contre l’usage de la torture à l’encontre des prisonniers politiques.    

Memorial 

L'organisation de défense des droits de l'homme Memorial a été créée en 1987 par des militants des droits humains de l'ancienne Union soviétique qui voulaient s'assurer que les victimes de l'oppression du régime communiste ne seraient jamais oubliées. Fondée, entre autres, par le prix Nobel de la paix Andrei Sakharov et la défenseure des droits humains Svetlana Gannushkina, Memorial repose sur l'idée que la confrontation avec les crimes du passé est essentielle pour prévenir de nouveaux abus. 

Après l'effondrement de l'Union soviétique, l’ONG s’est érigée en la plus grande organisation de défense des droits de l'homme en Russie. Grâce à son  centre de documentation sur les victimes de l'ère stalinienne, et à son travail de compilation systématique de données sur l'oppression politique et les violations des droits de l'homme en Russie, Memorial est devenue la source d'information la plus fiable sur les prisonniers politiques dans les centres de détention russes. L'organisation a également été à l'avant-garde des efforts visant à combattre le militarisme et à promouvoir les droits de l'homme et un gouvernement fondé sur l'État de droit. 

« Lorsque la société civile doit céder le pas à l'autocratie et à la dictature, la paix est souvent la prochaine victime », note le comité Nobel. Pendant les guerres de Tchétchénie, Memorial a ainsi recueilli et vérifié des informations sur les abus et les crimes de guerre perpétrés sur la population civile par les forces russes et pro-russes. En 2009, la responsable de la branche de Memorial en Tchétchénie, Natalia Estemirova, a été assassinée en raison de ce travail. 

Tandis que d’autres acteurs de la société civile en Russie sont victimes  de menaces, d'emprisonnements, de disparitions et de meurtres depuis de nombreuses années, Memorial, sujette au harcèlement du gouvernement, a été estampillée très tôt  « agent étranger ». En décembre 2021, les autorités ont ordonné sa dissolution et la fermeture définitive de son centre de documentation. Sans pour autant dissuader ses militants. « Personne n'a l'intention d'abandonner », a déclaré Yan Rachinsky, président de Memorial. 

Le Centre pour les libertés civiles 

Le Centre pour les libertés civiles a été fondé à Kyïv en 2007 dans le but de faire progresser les droits de l'homme et la démocratie en Ukraine. Le centre a pris position pour renforcer la société civile ukrainienne et s’est illustré par des pressions sur les autorités pour faire du pays une démocratie à part entière, plaidant, au nom de l’Etat de droit pour que l'Ukraine s'affilie à la Cour pénale internationale. 

Après l'invasion russe en février 2022, le Centre pour les libertés civiles s'est efforcé d’identifier et documenter les crimes de guerre russes contre la population civile ukrainienne. En collaboration avec des partenaires internationaux, l’organisation joue un rôle de premier plan dans les efforts visant à traduire en justice les responsables de ces crimes.