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En Haïti, trois crises s’enchevêtrent de manière effrayante, prévient l’envoyée de l’ONU devant le Conseil de sécurité

Les hôpitaux en Haïti manquent de carburant pour fournir les services essentiels.
© UNICEF/Ulises Daniel Diaz Mercado
Les hôpitaux en Haïti manquent de carburant pour fournir les services essentiels.

En Haïti, trois crises s’enchevêtrent de manière effrayante, prévient l’envoyée de l’ONU devant le Conseil de sécurité

Paix et sécurité

Prenant la parole devant le Conseil de sécurité, Helen La Lime, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, a décrit lundi une situation humanitaire catastrophique dans ce pays, où depuis plusieurs semaines trois crises « s’enchevêtrent de manière effrayante ».

La crise due essentiellement aux gangs haïtiens a provoqué la fuite de 20.000 personnes, aggravant une crise économique qui étrangle le pays, en butte à la flambée des prix de la nourriture et à une pénurie de carburant, tandis que les acteurs politiques peinent à trouver un terrain d’accord et à définir un processus pour les prochaines élections, a expliqué Mme La Lime, en présence de Valerie Guarnieri, Directrice adjointe du Programme alimentaire mondial (PAM), et de Ghada Waly, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui ont également fait chacune un exposé devant les membres du Conseil.

Les troubles découlent d’un nouvel appel du Premier ministre haïtien lancé le 11 septembre pour un dialogue visant à établir les bases politiques, constitutionnelles et de sécurité nécessaire à la tenue d’élections en fin 2023. Mentionnant que le gouvernement perd chaque année 600 millions de dollars faute de pouvoir percevoir les droits de douane, le chef du gouvernement a par ailleurs annoncé la réduction des subventions régressives sur le carburant, qui coûtent 400 millions de dollars par an à l’Etat, afin d’étoffer les programmes sociaux avec ces revenus.

Helen La Lime, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, devant le Conseil de sécurité (photo d'archives).
Photo ONU/Eskinder Debebe
Helen La Lime, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti, devant le Conseil de sécurité (photo d'archives).

Paralysie du pays

Dès le 12 septembre, des barrages routiers ont provoqué une paralysie de tout le pays qui a persisté pendant cinq jours, jusqu’aux premières interventions de la police. L’appel au calme et à l’appui de ses réformes lancé par le Premier ministre, le 18 septembre, a été suivi du blocage du principal terminal de carburants de la capitale Port-au-Prince par une puissante alliance de gangs, entrainant depuis plus d’une semaine des pénuries graves dans tout le pays qui affectent en premier lieu le fonctionnement des trois quarts des hôpitaux du pays. Leur personnel ne peut plus se rendre au travail, l’approvisionnement en matériel et médicaments n’est plus assuré et le centre ambulancier national de Port-au-Prince ne peut plus, par exemple, utiliser que trois véhicules pour desservir toute la ville.

Cette pénurie, selon un communiqué d’ONU Haïti, rend inopérants les groupes électrogènes des établissements et leurs réfrigérateurs, rendant de plus en plus difficile la conservation des vaccins et les conditions stériles pour les interventions chirurgicales. Certains hôpitaux ne peuvent plus accueillir de nouveaux patients et se préparent à fermer, et l’UNICEF estime déjà que 22.100 enfants de moins de cinq ans et 28.000 nouveaux nés risquent d’être privés de soins essentiels dans les quatre prochaines semaines. 

Helen La Lime a noté toutefois quelques signes encourageant dans les nouvelles consultations entre partis politiques, société civile et représentants du gouvernement, comme l’engagement de leaders du secteur privé à honorer leurs responsabilités légales et fiscales.

Les premiers touchés sont les plus vilnérables

Si nombre d’observateurs locaux voient dans ces troubles l’expression d’intérêts particuliers politiques et économiques qui aggravent la crise par leurs initiatives et leurs manipulations, la Représentante spéciale a assuré que les services de douane ont commencé leurs opérations et que leurs recettes ont été multipliées par cinq entre juillet et août. Elle a par ailleurs félicité la police pour ses efforts, et appelé les partenaires internationaux à poursuivre leurs contributions au programme conjoint de soutien à la police nationale d’Haïti, « le panier de fonds ». « L’investissement dans les institutions, les infrastructures et le capital humain est indispensable », a-t-elle déclaré.

Les premiers touchés sont les plus vulnérables confirme l’ONU Haïti, estimant que 1,5 million de personnes ont été directement affectées par l’activité des gangs, avec une recrudescence des violences liées au genre et en particulier le recours systématique aux viols. Helen La Lime a rappelé l’impact de l’insécurité sur l’accès humanitaire dans un pays où avant la crise 4,9 millions de personnes avaient besoin d’une aide.

Durant ces deux dernières semaines, à la suite d’attaques sur les entrepôts du PAM, 2.000 tonnes d’aliments évalués à 5 millions de dollars ont été volés. Ils auraient pu assurer la subsistance de 200.000 Haïtiens pendant les prochains mois.

« Dans ces conditions, les droits essentiels, de la liberté de mouvement à l’éducation, subissent des atteintes catastrophiques, alors que les services d’aide et de santé sont interrompus. Nous ne devons pas perdre espoir, mais joindre nos efforts », a déclaré la Représentante spéciale aux membres du Conseil de sécurité, rappelant aussi qu’« une solution politique menée par les Haïtiens eux-mêmes représente la première étape dans la résolution de cette crise ».