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Myanmar : l’ONU appelle à une action urgente pour couper les revenus de l’armée et les fournitures d’armes

Des jeunes gens participent à une manifestation en faveur de la démocratie au Myanmar.
Unsplash/Pyae Sone Htun
Des jeunes gens participent à une manifestation en faveur de la démocratie au Myanmar.

Myanmar : l’ONU appelle à une action urgente pour couper les revenus de l’armée et les fournitures d’armes

Droits de l'homme

Les États doivent faire davantage pour couper l’accès de l’armée du Myanmar aux revenus et aux fournitures d’armes afin de mettre un terme à la répression qu’elle exerce sur la population, selon un rapport publié ce vendredi par le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies.

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) appelle la communauté internationale à assurer l’isolement financier de l’armée de manière coordonnée. A ce sujet, des sanctions appropriées devraient être mises en œuvre en consultation avec la société civile et le mouvement démocratique, notamment les syndicats et le gouvernement d’unité nationale, afin de calibrer leur impact.

Selon le rapport, les autorités militaires du Myanmar donnent clairement la priorité à leurs campagnes militaires au détriment du bien-être de la population et de la reprise économique. Par rapport au budget annuel précédent du gouvernement, le budget 2022/23 des autorités militaires a augmenté les dépenses de défense, tout en réduisant les allocations à l’éducation, à la santé et au bien-être social.

Plusieurs États continuent à fournir des armes au Myanmar

Le rapport a été demandé par le Conseil des droits de l’homme pour assurer le suivi de recommandations antérieures formulées par la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar (‘FFM’) concernant les intérêts économiques des militaires du Myanmar (le Tatmadaw). 

Le rapport publié aujourd’hui réitère les recommandations de la mission d’enquête internationale indépendante visant à imposer des sanctions financières ciblées à l’encontre de la Tatmadaw et de ses intérêts économiques, ainsi que des embargos sur les armes, tout en soulignant que ces mesures doivent respecter les droits de l’homme et que des efforts doivent être déployés pour atténuer les effets socio-économiques prévisibles.

La publication de ce document intervient alors que certains États et entreprises poursuivent des relations commerciales avec des entreprises appartenant à l’armée dans un certain nombre de secteurs. « Plusieurs États continuent à fournir des armes et à s’engager dans une coopération militaire », a déclaré à la presse, Jeremy Laurence, porte-parole du HCDH.

La situation des droits de l'homme au Myanmar s'est aggravée depuis le coup d'Etat de février 2021, selon l'ONU.
Banque asiatique de développement
La situation des droits de l'homme au Myanmar s'est aggravée depuis le coup d'Etat de février 2021, selon l'ONU.

Des recommandations aux entreprises actives au Myanmar

Si certains progrès ont été accomplis en ce qui concerne les recommandations de la FFM visant à isoler économiquement le Tatmadaw, il reste des lacunes importantes, qui sont d’autant plus importantes après le coup d’État. Selon le rapport, les mesures ciblées devraient se concentrer en particulier sur l’accès des militaires aux devises étrangères.

Pour le HCDH, toutes les entreprises actives au Myanmar ou s’approvisionnant dans le pays devraient prendre des mesures pour s’assurer qu’elles ne profitent pas économiquement aux militaires.

Il s’agit notamment de mener de manière continue et transparente « des contrôles préalables renforcés en matière de droits de l’homme », indique le rapport. D’autant que la pauvreté au Myanmar a été multipliée par deux au moins et le système de santé publique s’est effectivement effondré depuis le coup d’État, et plus de la moitié des enfants en âge d’être scolarisés n’ont pas eu accès à l’éducation pendant deux années scolaires, indique le rapport.

Demande d'une aide accrue pour les défenseurs des droits de l'homme

De leur côté, des experts indépendants de l'ONU ont déclaré aujourd'hui que les défenseurs des droits de l'homme qui documentent les atrocités commises par la junte militaire du Myanmar ont besoin de toute urgence d'un soutien global, notamment financier.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, Thomas Andrews, et la Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Mary Lawlor, ont appelé la communauté internationale à mettre fin à l'apparente indifférence à l'égard de la violence visant la population du pays.

« Face à l'inaction de la communauté internationale, et alors que les violations des droits de l'homme continuent d'être perpétrées quotidiennement par la junte militaire, les défenseurs des droits de l'homme persistent à soutenir les personnes visées et à œuvrer pour préserver la possibilité d'une justice future », a déclaré Mary Lawlor.

Les deux experts indépendants onusiens ont souligné les risques graves auxquels les défenseurs sont confrontés et les défis spécifiques auxquels sont confrontées les femmes défenseurs des droits humains.

Des activistes assassinés, arrêtés ou obligés de s’exiler

« Les défenseurs ont été assassinés et ont disparu aux mains des militaires depuis le coup d'État. Ils risquent désormais d'être arrêtés, détenus, torturés, y compris par des violences sexuelles, et tués dans l'exercice de leurs fonctions, et craignent de voir leurs documents saisis aux points de contrôle militaires », ont affirmé les experts.

Beaucoup d’entre eux ont dû se cacher après avoir été pris pour cible par l'armée pour avoir aidé des victimes de violences sexistes. « Les activistes sont constamment en mouvement, et les femmes défenseurs des droits humains n'ont souvent pas d'autre choix que d'emmener leurs enfants avec elles lorsqu'elles fuient ».

D'autres ont dû se réinstaller dans des pays voisins, où elles restent vulnérables. Les deux experts ont déclaré qu'ils avaient publiquement exprimé leurs inquiétudes quant à la sécurité des défenseurs dans le pays il y a un peu plus d'un an. « La communauté internationale ne doit pas adopter une attitude passive face aux crimes perpétrés par la junte militaire et aux risques encourus par les défenseurs des droits humains au Myanmar », ont-ils conclu.