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Sécheresse : la Somalie est au bord de la famine, alerte l’ONU

Un médecin visite un enfant malnutri à l'hôpital de Dollow, en Somalie.
© UNICEF/Ismail Taxta
Un médecin visite un enfant malnutri à l'hôpital de Dollow, en Somalie.

Sécheresse : la Somalie est au bord de la famine, alerte l’ONU

Climat et environnement

Alors que la Somalie traverse une 4e saison consécutive de sécheresse, un haut responsable des Nations Unies a alerté, lundi, sur la famine qui menace ce pays de la Corne de l’Afrique, relevant que deux districts pourraient être touchés avant la fin de l’année.

« La famine frappe à la porte. Aujourd’hui est un ultime avertissement », a déclaré lors d’une conférence de presse depuis la capitale somalienne Mogadiscio, Martin Griffiths, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Selon l’ONU, cette catastrophe pourrait intervenir « entre octobre et décembre ».

Le rapport d’analyse sur l’alimentation et la nutrition en Somalie montre des indications concrètes qu’une famine va se produire dans deux zones de la région de Bay (districts de Baidoa et de Burhakaba) entre octobre et décembre de cette année. M. Griffiths s’est dit « profondément choqué ces derniers jours par le niveau de douleur et de souffrance qu’endurent tant de Somaliens ».

« Ultime avertissement »

« Je le répète : il s’agit d’un dernier avertissement pour nous tous », a insisté le chef d’OCHA, ajoutant que la situation et les tendances ressemblent à celles observées lors de la famine de 2010-2011. Sauf que maintenant, ces prévisions sont « pires ».

En cause, l’échec sans précédent de quatre saisons des pluies consécutives, des décennies de conflit, des déplacements massifs, de graves problèmes économiques, qui ont poussé de nombreuses personnes au bord de la famine. Et selon l’ONU, ces conditions sont susceptibles de durer au moins jusqu’en mars 2023.

A travers le pays, un total de 7,8 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, sont affectées par la sécheresse historique, dont 213.000 sont en grand danger de famine, selon les chiffres de l’ONU. « Je suis triste de dire que je ne suis pas surpris par ces résultats. Le temps est compté, et il sera bientôt écoulé. Mais la panique n’aide pas ceux qui ont besoin de notre aide et qui la méritent ».

Un garçon collecte le peu d'eau qu'il trouve dans une rivière asséchée en raison de la sécheresse à Dollow, en Somalie.
© UNICEF/Sebastian Rich
Un garçon collecte le peu d'eau qu'il trouve dans une rivière asséchée en raison de la sécheresse à Dollow, en Somalie.

« Des enfants si malnutris qu’ils pouvaient à peine parler »

Pour empêcher ce scénario catastrophique, l’ONU note que la communauté internationale a « une chance, mais très peu de temps ». D’une manière générale, Martin Griffiths s’est dit « profondément choqué par le niveau de douleur et de souffrance que tant de Somaliens endurent », affirmant avoir vu « des enfants si malnutris qu’ils pouvaient à peine parler » lors de sa visite à Baidoa, « épicentre » de la catastrophe imminente.

Un million et demi d’enfants en Somalie seront confrontés à la malnutrition aiguë d’ici octobre. « Et je reviens à cette image, qui restera avec moi, du médecin qui m’a parlé hier de l’enfant qui pleurait, et elle a dit, eh bien, c’est une bonne nouvelle, c’est un bon signe : si un enfant pleure, nous pouvons sauver la vie de ces enfants qui viennent dans notre hôpital », a décrit M. Griffiths arrivé jeudi en Somalie.

Ce médecin a dit aux équipes de l’ONU qu’ils voyaient 40 à 50 % d’enfants de plus qu’il y a quelques semaines. « Aucun des enfants que j’ai vus au centre de stabilisation de l’hôpital Banadir ne pouvait sourire. Très peu pouvaient pleurer ».

Dernière minute de la onzième heure pour sauver des vies

Face à cette crise humanitaires, les organisations humanitaires veulent disposer d’un « accès immédiat et sûr » à toutes les personnes dans le besoin, pas seulement à celles qui prennent la terrible décision de quitter à pied leur maison, leur village et leur communauté pour rejoindre des lieux de soins, mais à toutes les personnes dans le besoin. « Nous avons besoin de cet accès, et il doit être sûr », a fait remarquer M. Griffiths.

L’autre défi pour les humanitaires, c’est avoir plus de fonds. « Bien sûr, les organisations somaliennes de la communauté humanitaire, les communautés somaliennes, ont répondu à ce que nous entendons aujourd’hui et à ce que nous avons vu au cours de ces mois. Ils font de leur mieux avec les ressources dont ils disposent », a dit le chef d’OCHA.

La Somalie avait été frappée en 2011-2012 par une famine qui a fait environ 260.000 morts, dont la moitié était des enfants de moins de cinq ans. L’état de famine avait été déclaré dans plusieurs secteurs du sud et du centre du pays entre juillet 2011 et février 2012.

En 2017, une nouvelle catastrophe avait été évitée grâce à une mobilisation précoce de la communauté internationale. « Mais aujourd’hui, nous sommes à la dernière minute de la onzième heure pour sauver des vies », a dit M. Griffiths.

L’aide du PAM atteint des niveaux sans précédent

Du côté du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), l’aide vitale est fournie à « un nombre de personnes plus important que jamais auparavant ». Alors que « la famine est désormais une réalité imminente si des mesures immédiates et drastiques ne sont pas prises », l’agence onusienne est venue en aide à 3,7 millions de personnes avec des secours et plus de 300.000 avec un soutien nutritionnel.

Depuis avril, le PAM a plus que doublé le nombre de personnes auxquelles il apporte une aide humanitaire, atteignant « un nombre record de personnes en Somalie ». « Mais la crise de la sécheresse continue de se détériorer et la famine est plus proche que jamais. Le monde doit réagir maintenant, tant que nous avons encore une chance d’éviter la catastrophe », a déclaré Margot van der Velden, Directrice des urgences du PAM, s’exprimant depuis Mogadiscio, la capitale somalienne.

Dans cette course contre la montre, le PAM ne veut pas que la communauté internationale attende « une déclaration officielle de famine pour agir ». « Avant même que nous ayons lancé notre première alerte au risque de famine, nous nous efforcions d’intensifier notre aide vitale en Somalie dans la mesure où les ressources le permettent », a alerté la Directrice des urgences du PAM.