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Afghanistan : face à la crise humanitaire, l’ONU pour un retour de l’aide au développement

Des femmes reçoivent des rations alimentaires dans un centre de distribution à Herat, en Afghanistan.
© UNICEF/Sayed Bidel
Des femmes reçoivent des rations alimentaires dans un centre de distribution à Herat, en Afghanistan.

Afghanistan : face à la crise humanitaire, l’ONU pour un retour de l’aide au développement

Aide humanitaire

Continuer à fournir les services essentiels et l'aide humanitaire reste le seul moyen déviter d'empirer la catastrophe humanitaire en cours en Afghanistan, a expliqué Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, ce lundi, devant le Conseil de sécurité.

Pour le haut responsable, les conséquences de l'inaction, tant sur le plan humanitaire que sur celui du développement, « seront catastrophiques et difficiles à inverser ». 

Depuis la prise du pouvoir par les Talibans, les grands projets humanitaires sont à l’arrêt, le dialogue difficile, la confiance avec le secteur bancaire afghan est au point mort et la crise de liquidités s’enkyste ; la pauvreté s'aggrave, la population continue de croître et « les autorités de facto n'ont pas de budget pour investir dans leur propre avenir », a formulé le haut responsable, pour qui il est clair qu'une partie au moins de l'aide au développement devrait être relancée. 

M. Griffiths a égrené devant les représentants une série de terribles statistiques : environ 25 millions d’Afghans vivent aujourd'hui dans la pauvreté, les trois quarts de leurs revenus sont désormais consacrés à l'alimentation. Le nombre de ménages recevant des envois de fonds a diminué de 50 % ; le chômage pourrait atteindre 40 % et l'inflation augmente en raison de la hausse des cours mondiaux, des restrictions à l'importation et de la dépréciation de la monnaie afghane.

Des personnes font la queue pour recevoir une aide alimentaire du PAM à Kaboul, en Afghanistan.
© PAM/Sadeq Naseri
Des personnes font la queue pour recevoir une aide alimentaire du PAM à Kaboul, en Afghanistan.

L'Afghanistan a également connu des niveaux sans précédent de déplacements internes et de mouvements de population. Quelque 5,8 millions de personnes sont toujours en situation de déplacement interne prolongé, nécessitant des solutions à long terme. « Tous ces chiffres sont dévastateurs et leur ampleur les rend difficiles à appréhender. Nous craignons pourtant qu'ils ne s'aggravent rapidement », s’est inquiété le haut fonctionnaire face au Conseil.

« Le temps nous est compté »

Actuellement, le plan d’intervention humanitaire pour l’Afghanistan présente un déficit de 3,14 milliards de dollars, dont 614 millions sont nécessaires de toute urgence pour soutenir les activités prioritaires de préparation à l’hiver, telles que la modernisation et la réparation des abris, ainsi que la fourniture de vêtements chauds et de couvertures. « Mais le temps nous est compté », a prévenu M. Griffiths, pour qui « si la communauté humanitaire est restée et a tenu ses promesses envers le peuple afghan, il est impératif que la communauté internationale continue à faire de même et les autorités de facto de l’Afghanistan doivent également faire leur part ». 

« Interférences bureaucratiques »

Or les interférences et procédures bureaucratiques ralentissent l'aide humanitaire au moment où elle est le plus nécessaire. Les chiffres catastrophiques et la famine s’étend, la population afghane faisant face à des difficultés et des incertitudes « extrêmes ». 

Près de 19 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire, dont 6 millions de personnes menacées de famine. 

Plus de la moitié de la population - quelque 24 millions de personnes - a besoin d'une aide humanitaire. L’ONU estime que 3 millions d'enfants souffrent de malnutrition aiguë. « Parmi eux, plus d'un million d'enfants souffriraient de la forme de malnutrition la plus sévère, potentiellement mortelle. Sans traitement spécialisé, ils pourraient mourir », a prévenu le Secrétaire général adjoint. 

Sécheresse, séisme et inondations

Cette crise de la malnutrition est alimentée par une sécheresse récurrente, dont la pire en trois décennies en 2021, et dont les effets perdurent. Huit Afghans sur dix boivent de l'eau contaminée, s’exposant à des épisodes répétés de diarrhée aiguë. 

Des enfants s'abritent et dorment sous des bâches en plastique après le tremblement de terre de magnitude 5,9 qui a frappé la province de Paktika en Afghanistan.
UNICEF/Ali Nazari
Des enfants s'abritent et dorment sous des bâches en plastique après le tremblement de terre de magnitude 5,9 qui a frappé la province de Paktika en Afghanistan.

En juin, un tremblement de terre de magnitude 5,9 a touché 362 000 personnes vivant dans des zones d'impact de haute intensité. Et depuis juillet, des pluies diluviennes ont provoqué des crues soudaines et massives dans tout le pays, faisant des centaines de morts et de blessés et détruisant des centaines de maisons et des milliers d'hectares de cultures. 

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L’hiver approche et les besoins augmentent

Dès que le froid s'installera, les prix de la nourriture et du carburant - déjà élevés - monteront en flèche, et les familles devront choisir entre nourrir leurs enfants, les envoyer à l'école, les emmener chez le médecin lorsqu'ils tombent malades, ou les garder au chaud. 

Si l’on en croit M. Griffiths, les problèmes de l'Afghanistan ne sont ni nouveaux ni uniques : « ce qui rend la situation actuelle de l'Afghanistan si critique, c'est que l'aide au développement à grande échelle est interrompue depuis un an. Avant la prise du pouvoir par les talibans, l'Afghanistan était déjà confronté à de graves problèmes d'insécurité alimentaire et de malnutrition. Ces niveaux se sont détériorés depuis l'arrêt de l'aide au développement, affectant les familles partout, des communautés rurales aux centres urbains. L'environnement opérationnel est exceptionnellement difficile. »

S'engager auprès des autorités de facto aux niveaux national et sous-national demande à l'ONU beaucoup de travail et le secteur bancaire national ne bénéficie d'aucun crédit, entraînant une grave crise de liquidités. Pour ne rien arranger, les transactions financières internationales sont extrêmement difficiles ; les humanitaires ont apporté plus d'un milliard de dollars en espèces pour soutenir l'exécution des programmes, mais la crise des liquidités et la crise bancaire continuent d'avoir un impact sur la fourniture de l'aide et sur la vie quotidienne des Afghans.

« Le mécanisme d'échange humanitaire, destiné à atténuer temporairement et partiellement cette situation, est toujours en cours de délibération avec les autorités de facto », a expliqué M. Griffiths.

Quelques éclaircies dans un tableau sombre

Malgré cette litanie de nouvelles tragiques, la crise afghane « n'est pas une crise sans espoir », a-t-il juré. « Les organisations humanitaires ont fait tout leur possible pour fournir une bouée de sauvetage à la population afghane. Malgré les nombreux défis, les agences des Nations Unies et les ONG partenaires ont mis en place une réponse sans précédent au cours de l'année écoulée, atteignant près de 23 millions de personnes dans le besoin », a-til ajouté.

« Nous avons élargi les opérations humanitaires pour atteindre les communautés touchées dans les 401 districts des 34 provinces de l'Afghanistan. Cela a été possible grâce à la réduction du conflit, à l'introduction d'envois d'argent liquide et à l'adoption de la résolution 2615 du Conseil de sécurité. Mais permettez-moi d'être clair : l'aide humanitaire ne pourra jamais remplacer la fourniture de services systémiques à 40 millions de personnes à travers le pays », a martelé le Secrétaire général adjoint.