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L'ONU appelle à la fin du déplacement massif des Rohingyas, « un des peuples les plus persécutés de la planète »

Dans un camp de réfugiés du Bangladesh, des enfants rohingyas se rassemblent dans un centre d'apprentissage temporaire proposant des activités récréatives et un soutien psychosocial.
© UNICEF/Rashad Wajahat Lateef
Dans un camp de réfugiés du Bangladesh, des enfants rohingyas se rassemblent dans un centre d'apprentissage temporaire proposant des activités récréatives et un soutien psychosocial.

L'ONU appelle à la fin du déplacement massif des Rohingyas, « un des peuples les plus persécutés de la planète »

Migrants et réfugiés

Voilà maintenant cinq ans que plus de 700.000 Rohingyas ont trouvé refuge au Bangladesh afin d'échapper à une répression militaire brutale au Myanmar voisin. Le chef de l'ONU António Guterres a appelé ce jeudi la communauté internationale à trouver des « solutions globales, durables et inclusives », tandis que sa Représentante spéciale pour les violences sexuelles dans les conflits, Pramilla Patten, a qualifié les Rohingyas « d'un des peuples les plus persécutés de la planète ».

Environ un million de réfugiés se trouvent toujours dans les vastes camps de Cox's Bazar, sans perspective immédiate de pouvoir rentrer chez eux. Plus de 150.000 Rohingyas, majoritairement musulmans, sont toujours « confinés dans des camps » dans leur État natal de Rakhine, selon une déclaration du Secrétaire général de l’ONU António Guterres.

En outre, à la suite du coup d'État militaire de février 2021 au Myanmar, la situation humanitaire, des droits de l'homme ainsi que la sécurité s'y sont rapidement détériorées, rendant les conditions d’un retour des réfugiés d’autant moins propices.

Une participation cruciale

Le Secrétaire général fait état, dans une déclaration publiée en son nom, des aspirations inlassables des Rohingyas « à un avenir inclusif parmi les nombreux groupes ethniques et religieux du pays » et souligne que « la participation pleine et effective du peuple Rohingya est une partie inhérente d'une solution à la crise menée par le Myanmar ».

« Il est crucial que les Nations Unies et leurs partenaires bénéficient d'un meilleur accès aux zones touchées, pour des raisons humanitaires et de développement », ajoute le document. selon lequel aussi « les auteurs de tous les crimes internationaux commis au Myanmar doivent rendrent des comptes. La justice pour les victimes contribuera à un avenir politique durable et inclusif pour le pays et son peuple. »

Faire preuve de solidarité

La Représentante spéciale de l'ONU pour les violences sexuelles dans les conflits Pramilla Patten a également appelé à une plus grande action internationale, et à ce que les pays soient solidaires des Rohingyas survivants de graves crimes internationaux, afin de « garantir l'accès à la justice et à la réparation, fondamental pour le rétablissement et la paix. »

« En 2017 et 2018, lors de mes visites dans les camps de réfugiés de Cox's Bazar, j'avais constaté de visu les cicatrices visibles sur les femmes et les filles des violences sexuelles qu'elles ont subies. Toutes les femmes avec lesquelles j'ai parlé ont dit qu'elles voulaient voir les auteurs de ces violences punis. Elles ont toutes - sans exception - réclamé justice », a-t-elle ajouté.

Le peuple du Myanmar devient prêt à « affronter son Histoire »

Depuis 2010, les rapports de l’ONU sur les violences sexuelles liées aux conflits ont documenté des crimes de violence sexuelle perpétrés contre les Rohingyas de façon systémique, et en 2019, la Mission internationale indépendante d'établissement des faits au Myanmar avait conclu que le viol et la violence sexuelle faisaient partie d' « une stratégie délibérée visant à intimider, terroriser ou punir une population civile », et étaient utilisés comme « tactique de guerre.

Mme Patten a ajouté que les dirigeants du Myanmar étaient de plus en plus nombreux à reconnaître les Rohingyas comme une nationalité ethnique, ayant droit à la citoyenneté et à d'autres droits collectifs et individuels, ainsi qu’à garantir une reddition de compte et l’établissement de réparations à leur égard. Cette évolution encourageante signifie pour la Représentante que le peuple du Myanmar « affronte son Histoire » et qu'il se tient prêt à « travailler à des solutions durables pour construire la paix et la réconciliation ».

La générosité du Bangladesh

L'Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour le Myanmar, Noeleen Heyzer, a quant à elle déclaré, lors d’une mission de quatre jours au Bangladesh pour souligner cet anniversaire poignant, qu’il ne fallait pas « laisser cette crise sombrer dans l'oubli ».

Au cours de « discussions productives », l’Envoyée a remercié la Première ministre du Bangladesh Sheikh Hasina pour son leadership et exprimé la profonde gratitude des Nations Unies envers le peuple et le gouvernement du Bangladesh pour leur immense contribution.

« La générosité du Bangladesh et des communautés d'accueil à l'égard des réfugiés rohingyas, au moment où ils en ont besoin, traduit le besoin crucial d'un plus grand engagement international et régional pour partager la charge, et pour veiller à ce que les Rohingyas ne soient pas oubliés », a déclaré l'Envoyée spéciale.

« Je continuerai à plaider en faveur d'un plus grand leadership des pays de la région pour soutenir le Bangladesh et tirer parti de leur influence auprès du Myanmar, afin de créer des conditions propices à un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés. »

La haute responsable a souligné que les Rohingyas continuaient d'entreprendre de périlleux voyages terrestres et maritimes s’exposant à l'exploitation criminelle, notamment la traite des êtres humains et la violence sexiste. Elle a aussi insisté sur le fait qu'il incombait en dernier ressort au Myanmar d'établir des conditions propices au retour volontaire, sûr, digne et durable au Myanmar de tous les réfugiés et des personnes déplacées de force.

La répression contre les civils s’intensifie au Myanmar

S'exprimant à Genève, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), Michelle Bachelet, a déclaré que les forces Tatmadaw du Myanmar avaient maintenu et même intensifié leurs opérations contre les civils dans les zones résidentielles des régions du sud-est, du nord-ouest et du centre, 18 mois après avoir renversé le gouvernement démocratiquement élu.

Le recours à la force aérienne et à l'artillerie contre les villages et les zones résidentielles s'est « intensifié », a déclaré la cheffe des droits de l'homme des Nations Unies, tout en prévenant que les récentes flambées de violence dans l’État de Rakhine - ancien foyer historique de l'ethnie rohingya - pourraient perturber le calme relatif de la région. La dernière zone relativement stable du pays pourrait ne pas pouvoir éviter une résurgence du conflit armé, a ajouté Mme Bachelet.

Les communautés rohingyas ont souvent été prises en étau entre le Tatmadaw et les combattants rebelles de l'Armée d'Arakan ou alors directement visées par des opérations.

Plus de 14 millions de personnes en tout ont besoin d'une aide humanitaire dans le pays, selon le HCDH.