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Des articles sont vendus sur les trottoirs dans un quartier de Port-au-Prince, en Haïti.

Haïti : l’ONU dénonce de graves abus lors d’affrontements meurtriers entre gangs à Port-au-Prince

© UNDP/Borja Lopetegui Gonzalez
Des articles sont vendus sur les trottoirs dans un quartier de Port-au-Prince, en Haïti.

Haïti : l’ONU dénonce de graves abus lors d’affrontements meurtriers entre gangs à Port-au-Prince

Paix et sécurité

Alors que des factions de gangs s’affrontent au Nord-Ouest de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, ces affrontements se déroulent parfois sans que la police, en manque d’hommes et d’équipements, n’intervienne, a indiqué lundi un rapport de l’ONU.

« Si la police haïtienne a rapidement mené des opérations dans les zones touchées par la violence, elle n’a pu adopter qu’une posture réactive en raison de son manque de moyens et face au niveau d’armement des gangs », mentionne ce rapport du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH).

Alors que la police judiciaire a également ouvert assez rapidement des enquêtes sur les exactions commises contre la population, les magistrats compétents tardent jusqu’à date à prendre les mesures nécessaires pour appréhender leurs auteurs.

« D’où une forte possibilité que ces crimes restent impunis », alerte l’ONU dans son rapport sur la vague de violence meurtrière qui a éclaté entre le 24 avril et le 16 mai, dans le nord et l’ouest de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Ces violences meurtrières impliquent deux coalitions de gangs qui s’affrontent pour prendre le contrôle de zones spécifiques des communes de Cité Soleil, Croix-des-Bouquets et Tabarre.

Des gangs armés de fusils d’assaut, de machettes et de bidons d’essence

Armés de fusils d’assaut, mais aussi de machettes et de bidons d’essence, les gangs n’ont épargné personne. Des femmes et des enfants d’à peine un an ont été exécutés dans leurs maisons et leurs corps ont été calcinés.

D’après le rapport, les groupes criminels auteurs de ces actes de violence, connus sous le nom de « Chen Mechan » et « 400 Mawozo », avec le soutien de leurs alliés respectifs, le « G9 en famille et alliés » et le « G-Pèp », ont montré leur capacité à mener des attaques simultanées et coordonnées dans plusieurs quartiers de la capitale.

L’enquête menée par le BINUH a établi qu’en moins de trois semaines, au moins 94 résidents ont été tués, plus de 120 ont été blessées par balles et 12 autres sont disparus. À ces chiffres s’ajoutent au moins 96 morts et blessés parmi les éléments des gangs.

Entre temps, les chiffres ont évolué. Entre le 7 et le 20 juillet, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a dénombré 209 personnes tuées et 254 blessées. Selon les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet, ce bilan pourrait être « plus lourd ».

« Près de 4.000 personnes auraient également fui leurs maisons à Cité Soleil, parmi elles beaucoup d’enfants et de femmes », selon le dernier rapport de situation du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Le viol de filles, certaines de moins de 10 ans, utilisé comme arme pour terroriser les populations

Par ailleurs, le rapport du BINUH fait état de dizaines de cas de violences sexuelles. Entre le 24 avril et le 16 mai dernier, près de 16.000 personnes ont été également contraintes de fuir leur domicile pour se réfugier dans des sites de fortune ou chez des proches.

De jeunes adolescents, accusés d’espionner pour le camp adverse, ont été exécutés dans des lieux publics. De plus, le viol de femmes et de filles, dont certaines âgées de moins de 10 ans, a été utilisé comme arme pour terroriser et se venger des populations locales vivant dans des quartiers contrôlés par des gangs rivaux.

Le rapport souligne également que les coalitions entre gangs ne sont pas nouvelles à Port-au-Prince dans la mesure où elles étaient devenues un enjeu de première importance au cours de l’administration du Président Jovenel Moïse.

Cette dernière vague de violence armée à Cité Soleil, Croix-des-Bouquets et Tabarre illustre qu’elles se poursuivent et se sont même renforcées avec probablement l’implication d’acteurs politiques et économiques, voire d’anciens éléments de la police, déjà à l’œuvre à l’époque.