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Russie : des experts fustigent l’intensification de la répression contre la société civile et les médias

Une vue générale de Moscou
Photo ONU/Paulo Filgueiras
Une vue générale de Moscou

Russie : des experts fustigent l’intensification de la répression contre la société civile et les médias

Droits de l'homme

La répression contre les organisations de la société civile, les défenseurs des droits et les médias s’est considérablement intensifiée depuis l’invasion de l’Ukraine, ont dénoncé mercredi des experts indépendants de l’ONU.

Les experts des droits de l’homme des Nations Unies ont ainsi condamné la poursuite et l’intensification de la répression des groupes de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des médias par les autorités russes, et ont appelé le gouvernement à mettre fin à la répression de l’espace civique.

« La stigmatisation des acteurs de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme en tant qu’"agents étrangers", leur harcèlement et leur emprisonnement, la fermeture des organisations de défense des droits de l’homme et les restrictions sévères des libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association ont encore contribué à la fermeture d’un espace civique déjà réduit », ont déclaré ces experts.

« Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à une répression décisive et systématique de la société civile en Russie », ont-ils ajouté. Et depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, cette tendance inquiétante s’est dramatiquement détériorée.

Alors que des milliers de personnes sont sorties pour protester pacifiquement contre la guerre, plus de 16.000 personnes, dont de nombreux défenseurs des droits humains, ont été arrêtées pour avoir participé ou couvert des manifestations pacifiques contre la guerre. La police aurait fait un usage excessif de la force contre les manifestants et les défenseurs des droits humains détenus, notamment en les humiliant et en les menaçant.

Le journaliste Dmitry Muratov, Prix Nobel de la paix.
UN News/Nargiz Shekinskaya
Le journaliste Dmitry Muratov, Prix Nobel de la paix.

Plus de 60 affaires pénales ouvertes

Plus de 60 affaires pénales auraient également été ouvertes pour « fake war news » ; et au moins sept pour « discrédit » et « appel à l’obstruction » de l’utilisation des forces armées russes, qui ont été érigées en infractions pénales en vertu des amendements au Code pénal, adoptés le 4 mars 2022. « Cette loi et d’autres restrictions radicales à la liberté d’expression et d’association en Russie sont utilisées pour réduire au silence les défenseurs des droits humains, les journalistes et les représentants de la société civile », ont affirmé les experts.

Par ailleurs, la plupart des médias russes « indépendants » ont fermé leurs portes pour éviter les poursuites, ou ont été bloqués, tout comme des dizaines de médias étrangers. Plus de 20 médias privés  ont cessé de fonctionner ou ont suspendu leurs activités dans le pays, notamment le journal Novaya Gazeta, lauréat du prix Nobel de la paix, la dernière chaîne de télévision indépendante Dozhd et la station de radio Echo of Moscow.

Twitter, Facebook et Instagram sont également bloqués, et Meta a été désigné comme une organisation extrémiste et interdit. De nombreuses autres entreprises, y compris du secteur technologique international, se retirent du marché russe en raison des risques de réputation et des risques juridiques, sans nécessairement prendre en compte les impacts négatifs sur les droits humains des personnes laissées pour compte.

Face à cette vague de répression, de nombreux défenseurs des droits humains ont fui le pays pour des raisons de sécurité. Ceux qui ont décidé de rester continuent de subir d’immenses pressions. C’est le cas le 8 avril 2022 quand le ministère russe de la Justice a confirmé dans un communiqué qu’il avait révoqué l’enregistrement des 15 subdivisions russes d’organisations étrangères, en raison de violations présumées de la législation nationale, sans donner plus de détails.

Apporter son soutien à la société civile et aux journalistes russes

Le 29 juin 2022, la chambre basse du parlement, la Douma d’État, a d’ailleurs adopté une nouvelle loi qui permettra aux autorités de qualifier plus facilement les critiques d’«agents étrangers». Depuis 2012, la Russie utilise cette désignation pour identifier les personnes et les entités dont on pense qu’elles sont engagées dans des activités politiques avec un financement étranger.

Le nouveau projet de loi, qui doit encore être adopté par la chambre haute et promulgué par le président, contient 18 nouvelles interdictions pour les « agents étrangers » et élargit l’interprétation du terme. Toute personne « sous influence étrangère » ou recevant un soutien quelconque de l’étranger peut désormais être déclarée « agent étranger ».

Pour œuvrer à la protection et à la promotion des droits humains, les experts ont exhorté la communauté internationale à redoubler d’efforts pour apporter son soutien à la société civile et aux journalistes russes, dans le pays et en exil. « Un environnement favorable à l’ensemble de la société civile, y compris aux défenseurs des droits de l’homme, et aux médias indépendants contribue à faire respecter les droits de l’homme et à renforcer la paix et la sécurité dans le monde », ont-ils fait valoir.

Outre les dix experts du Groupes de travail sur la détention arbitraire et celui sur les entreprises et les droits de l’homme, ce document a été endossé par Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ; Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique; et Irene Khan, Rapporteure spéciale sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.