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Contre la désinformation, « rétablir la confiance du public est essentiel » (Bachelet)

Une élève de l'école Saint-François-d'Assise consulte son smartphone après les cours dans la ville de Cebu, aux Philippines.
UNICEF/UN014974/Estey
Une élève de l'école Saint-François-d'Assise consulte son smartphone après les cours dans la ville de Cebu, aux Philippines.

Contre la désinformation, « rétablir la confiance du public est essentiel » (Bachelet)

Droits de l'homme

Des « maladies mondiales », dont les inégalités systémiques, ont contribué à une désinformation galopante dans le monde entier, a estimé la Haute-Commissaire aux droits de l'homme cette semaine à Genève.

Michelle Bachelet a déclaré que rétablir la confiance du public était essentiel et que la désinformation devait être considérée comme un symptôme de « maladies » comme les inégalités systémiques, qui entrainent un sentiment de « discrimination profondément ancré », des institutions fragilisées, une perte de confiance dans une gouvernance efficace et un « État de droit limité ».

Elle a déclaré que les pays touchés par les inégalités étaient désormais menacés par une instabilité et une coexistence de plus en plus précaire des différents éléments composant leur société.

Désenchantement politique, disparités économiques et agitation sociale 

« La désinformation se répand lorsque les gens ont le sentiment que leur voix n'est pas entendue. Elle apparaît dans des contextes de désenchantement politique, de disparité économique ou d'agitation sociale », a-t-elle déclaré. « Elle prospère lorsque la société civile, les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme et les scientifiques ne peuvent pas travailler, se réunir ni s'exprimer librement. Lorsque l'espace civique est limité ou fermé. Lorsque les droits de l'homme, la liberté d'expression et à l'accès à l'information sont menacés ».

La désinformation peut aussi être alimentée par les gouvernements et les fonctionnaires, et entraîner crimes haineux et violence.

Mme Bachelet a mis en garde les gouvernements contre toute tentative de « décréter ce qui est vrai ou faux. Notre droit d'accéder à l'information et de la diffuser ne se limite pas à ce que l'État considère comme « exact » », a-t-elle insisté.

Elle a aussi appelé à réfléchir « à la façon dont la technologie a révolutionné nos façons de communiquer, et à « qui est responsable de quoi » dans un tel environnement.

« Nous devons réfléchir aux meilleurs moyens de limiter les dégâts qu’entraînent la désinformation, tout en nous attaquant aux causes profondes qui la font prospérer », a-t-elle ajouté.

Selon elle, la viralité et le volume des informations en ligne les rendent facilement manipulables. Les campagnes politiques basées sur des outils automatiques créent rapidement une « fausse impression de large soutien populaire pour ou contre certaines idées », et peuvent être utilisées pour marginaliser des voix et des idées dissidentes.

Les campagnes de désinformation sont également orchestrées pour réduire au silence les défenseurs des droits, les journalistes et les porte-paroles de minorités ; « des attaques incessantes peuvent dissuader les femmes, les minorités, entre autres, de prendre part à la conversation ».

La censure, « remède pire que le mal »

La riposte internationale doit s'organiser en se conformant aux obligations universelles en matière de droits, a-t-elle prévenu. Par exemple, « la censure est un remède inefficace qui peut être pire que le mal ».

La liberté d'expression et le droit d'accès à l'information sont essentiels, a-t-elle souligné. « Je demande donc aux États de respecter leur obligation internationale de promouvoir et de protéger ces droits, quel que soit le mal social qu'ils cherchent à atténuer. Le maintien d'un espace civique dynamique et pluraliste sera crucial dans cette entreprise », a-t-elle affirmé.

La Haute-Commissaire a appelé à des politiques pour soutenir le journalisme indépendant, le pluralisme des médias et la culture numérique ; pour aider les citoyens à « naviguer » dans le monde en ligne, et stimuler leur pensée critique.

« Les États doivent également garantir un accès large et libre à l'information afin qu'elle atteigne toutes les communautés et tous les groupes d'électeurs... La confiance ne pourra jamais être atteinte sans une véritable transparence gouvernementale ».

Des médias sociaux pas assez régulés 

La responsable des droits de l'homme a déclaré que les entreprises de médias sociaux, qui ont transformé la façon dont l'information circule, « ont un rôle clair à jouer. […] Nous devons mieux comprendre comment elles affectent nos débats nationaux et mondiaux. Si les plateformes ont pris des mesures de transparence bienvenues et des voies de recours, les progrès demeurent insuffisants ».

Mme Bachelet a appelé à un « audit indépendant » des entreprises de médias sociaux, et à davantage de clarté sur la façon dont la publicité et les données personnelles sont traitées. « Nous avons aussi besoin d'un accès pour les chercheurs aux données récoltées par les entreprises pour nous aider à mieux comprendre et à traiter la désinformation ».

« Besoins critiques »

Mme Bachelet a pointé deux « besoins critiques » pour renforcer la lutte contre la désinformation galopante.

« Premièrement, nous devons approfondir notre compréhension et nos connaissances sur la manière dont le numérique a transformé les médias et les flux d'information ; sur la meilleure façon de renforcer la confiance du public dans un tel environnement ; et sur la façon dont les différents acteurs peuvent contribuer à contrer les opérations de désinformation ».

Deuxièmement, la Haute-Commissaire a déclaré que ces discussions devaient s'inscrire dans le cadre normatif des droits de l'homme. « Les raccourcis ne fonctionnent pas dans ce domaine : la censure, les retraits massifs de contenus, sont une réponse inefficace et dangereuse », a-t-elle conclu.