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Des agricultrices en République démocratique du Congo (photo d'archives).

L’agriculture, un des secteurs à risque pour la traite des êtres humains (ONU)

©FAO/Olivier Asselin
Des agricultrices en République démocratique du Congo (photo d'archives).

L’agriculture, un des secteurs à risque pour la traite des êtres humains (ONU)

Droits de l'homme

« La traite des personnes est répandue dans l’agriculture et elle est aussi intimement liée à la discrimination systémique », a dénoncé, mardi à Genève, une Experte indépendante des droits de l’homme de l’ONU, rappelant que « le secteur agricole continue de dépendre fortement de la migration temporaire, saisonnière et circulaire ».

Alors qu’une discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, le statut migratoire, le sexe et le handicap crée des « conditions propices à la traite en toute impunité », le caractère informel et l’isolement du travail agricole exposent des groupes spécifiques à cette traite.

« Des groupes en situation déjà vulnérable tels que les réfugiés et les déplacés internes courent un risque particulier de traite à des fins de travail forcé », a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Siobhán Mullally, Rapporteure spéciale sur la traite des personnes.

Selon l’experte indépendante onusienne, l’absence d’un environnement réglementaire solide ou de mesures d’application des normes du travail crée « une situation propice à la traite ». Ces deux manquements garantissent finalement « l’impunité des recruteurs et des employeurs qui peuvent recruter des réfugiés ou des personnes déplacées sous de prétextes ».

Des femmes exposées à l’exploitation et aux abus dans le secteur agricole

Les mécanismes d’asservissement sont connus. Les réfugiés et les déplacés internes sont souvent exposés à la servitude pour dettes, y compris à « des dettes liées au recrutement, ou à des dettes envers un employeur pour des déductions destinées à couvrir le logement, la nourriture ou les outils utilisés pour le travail ».

Lors de l’examen de son rapport au Palais des nations, l’Experte s’est également préoccupée du sort des femmes, qui sont exposées à l’exploitation et aux abus dans le secteur agricole. Il s’agit notamment de risques spécifiques de harcèlement sexuel, de violence sexuelle et de traite à des fins de travail forcé.

Des pratiques telles que le versement du salaire à l’homme chef de famille, lorsque plusieurs membres de la famille sont employés comme travailleurs agricoles, accroissent l’isolement, la dépendance et la vulnérabilité des travailleuses migrantes à l’exploitation. Dans les situations où le travail agricole des femmes est invisible, les lacunes en matière d’assistance et de protection et de mesures de prévention de la traite sont encore plus grandes.

Par ailleurs, l’augmentation du travail des enfants est une préoccupation majeure.

« Malgré l’engagement mondial de mettre fin au travail des enfants d’ici 2025, on a constaté une augmentation de 8,4 millions d’enfants travailleurs dans le monde au cours des quatre dernières années », a regretté Mme Mullally.

Le secteur agricole représente 75 % du travail des enfants âgés de 5 à 14 ans

Le travail agricole est un point d’entrée reconnu dans le travail des enfants, représentant plus de 75 % du travail des enfants âgés de 5 à 14 ans.

Les mesures liées à la pandémie de Covid 19, l’accès limité à la protection sociale et le manque d’accès à l’éducation et à un travail décent pour les familles, combinés à la pauvreté et aux inégalités, ont contribué à accélérer cette tendance, selon l’Experte.

Les enfants des travailleurs saisonniers migrants sont également particulièrement exposés aux risques d’exploitation. Installés dans des fermes situées dans des zones rurales et isolées, les enfants n’ont souvent aucun accès à l’éducation. Une situation qui alimente le cycle d’exploitation dans lequel vivent déjà leurs parents.

« Les risques de travail des enfants dans l’agriculture, y compris les risques spécifiques de trafic d’enfants, sont particulièrement élevés dans les situations de déplacement interne, de perte des moyens de subsistance et de perturbation de la scolarité, d’accès limité à la protection sociale ou aux réseaux de soutien familial », a fait valoir la Rapporteure spéciale sur la traite des personnes.