L'actualité mondiale Un regard humain

Myanmar : les violations des droits de l'homme se poursuivent, prévient Michelle Bachelet

Des personnes déplacées reçoivent de l'aide dans le camp de Myaing Gyi Ngu, dans l'État de Kayin au Myanmar.
© HCR/Sa Nyein Chan
Des personnes déplacées reçoivent de l'aide dans le camp de Myaing Gyi Ngu, dans l'État de Kayin au Myanmar.

Myanmar : les violations des droits de l'homme se poursuivent, prévient Michelle Bachelet

Droits de l'homme

Près d’un an et demi après le coup d'État militaire de février 2021, la population du Myanmar reste « piégée dans un cycle de pauvreté, de déplacements, de violations des droits humains et d'abus », a déclaré mardi la cheffe des droits de l'homme de l'ONU.

« Ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est l'utilisation systématique et généralisée de tactiques contre les civils, pour lesquelles il existe des motifs raisonnables de croire à la commission de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre », a déclaré la Haute-Commissaire Michelle Bachelet devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.

Depuis le coup d'État de l'année dernière, au moins 1.900 meurtres par l'armée ont été signalés, l'ONU a enregistré un million de personnes déplacées à l'intérieur du pays et quelque 14 millions ont encore besoin d'une aide humanitaire urgente.

« La situation humanitaire est désastreuse », a déclaré Mme Bachelet. Le coup d'État militaire a « paralysé l'économie du Myanmar », des millions de personnes ont perdu leurs revenus, la monnaie nationale a chuté et les prix ont augmenté.

« Mon Bureau continue de surveiller et de documenter l'ampleur des violations sur le terrain », a-t-elle assuré.

Villages entiers incendiés

Pendant ce temps, la violence s'est intensifiée, avec peu de protection des civils par l'armée. Des résidents des États du sud-est de Kayin et Kayah, de l'État du nord-ouest de Chin et des régions centrales de Sagaing et de Magway ont été détenus et parfois victimes de disparition forcée ou utilisés comme boucliers humains.

Et l'armée a violé le droit international humanitaire – notamment en incendiant des villages entiers, des résidences et des écoles – et détruit des stocks de nourriture et d'autres fournitures de base.

Malgré la répression et la violence, « la force et la détermination du peuple du Myanmar, qui continue de rejeter et de résister à l'armée et à ses tentatives d'affirmer son contrôle », a impressionné la haute responsable de l'ONU, qui a toutefois noté qu'il « se heurte à l'utilisation continue d’arrestations et de détentions arbitraires ».

Depuis le 1er février 2021, plus de 13.500 personnes auraient été arrêtées pour s'être opposées à la prise du pouvoir par l'armée birmane.

Et un porte-parole militaire a récemment annoncé que les autorités allaient procéder à quatre exécutions.

« J'appelle de toute urgence les autorités militaires à s'abstenir d'une telle démarche régressive qui non seulement violerait le droit à la vie, mais réduirait encore plus les perspectives de réconciliation politique », a déclaré Mme Bachelet.

Des enfants jouant dans le camp de personnes déplacées musulmanes de Thet Kel Pyin à Sittwe, la capitale de l'État de Rakhine (photo d'archives)
© UNICEF/Nyan Zay Htet
Des enfants jouant dans le camp de personnes déplacées musulmanes de Thet Kel Pyin à Sittwe, la capitale de l'État de Rakhine (photo d'archives)

Rohingyas persécutés

L'armée continue d'utiliser « un langage hostile et désobligeant pour menacer et marginaliser » les Rohingyas, majoritairement musulmans, dans l'État de Rakhine, dont des centaines de milliers ont été forcés de fuir au Bangladesh en 2017, « et à mettre en place des restrictions discriminatoires strictes à leurs mouvements », a déclaré la Haute-Commissaire.

Au cours des dernières semaines, plus de 300 musulmans rohingyas ont été arrêtés pour avoir voyagé « illégalement » en dehors de leurs communautés et des centaines ont été poursuivis et condamnés à des peines de prison allant jusqu'à deux ans pour avoir exercé leur droit fondamental à la liberté de mouvement.

Mme Bachelet a jugé « décevant » que les efforts internationaux pour freiner l'approche violente de l'armée aient été largement inefficaces.

Selon elle, la protection des civils est un impératif absolu, et l'accès doit être accordé à l'aide humanitaire vitale pour atteindre toutes les communautés.

« Aujourd'hui, j'appelle toutes les parties à une action soutenue et concrète pour endiguer la violence. Le ciblage des civils et l'incendie des villages doivent cesser maintenant », a-t-elle déclaré.

Mettre fin à l'impunité

Soulignant la nécessité d'un climat propice aux discussions politiques, Mme Bachelet a soutenu que toute solution doit se fonder sur « une large concertation avec toutes les parties prenantes du mouvement démocratique et avec les groupes ethniques minoritaires ».

« J'exhorte tous les États membres, en particulier ceux qui ont le plus haut niveau d'accès et d'influence, à intensifier leur pression sur les dirigeants militaires », a-t-elle déclaré, appelant également à un soutien pour assurer une reddition des comptes concernant les violations des droits de l'homme actuelles et passées, les crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés.

« L'avenir du Myanmar dépend du règlement des causes profondes de cette crise », a déclaré la Haute-Commissaire en guise de conclusion.

Un enfant déplacé dans l'Etat de Kachin, au Myanmar.
OCHA/P. Peron
Un enfant déplacé dans l'Etat de Kachin, au Myanmar.

Abus commis contre les enfants

Un nouveau rapport publié lundi par l'expert indépendant des droits de l'homme pour le Myanmar, nommé par l'ONU, révèle l'étendue des abus commis par l'armée contre les enfants.

« Les attaques incessantes de la junte contre les enfants soulignent la dépravation des généraux et leur volonté d'infliger d'immenses souffrances à des victimes innocentes dans leur tentative de subjuguer le peuple du Myanmar », a déclaré Tom Andrews.

« Les États doivent prendre des mesures immédiates et coordonnées pour faire face à l'escalade de la crise politique, économique et humanitaire qui fait courir aux enfants du Myanmar le risque de devenir une génération perdue », a-t-il ajouté.

Il a souligné les éléments de preuve montrant que les enfants étaient non seulement pris entre les feux croisés d'attaques croissantes, mais étaient souvent les cibles.

« J'ai reçu des informations sur des enfants qui ont été battus, poignardés, brûlés avec des cigarettes et soumis à des simulacres d'exécution, et qui se sont fait arracher les ongles et les dents lors de longues séances d'interrogatoire », a souligné M. Andrews.

« Les attaques de la junte contre des enfants constituent des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Le chef de la junte Min Aung Hlaing et d'autres architectes de la violence au Myanmar doivent rendre des comptes pour leurs crimes contre les enfants », a-t-il ajouté.