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Conseil de sécurité : l’ONU appelle à protéger les civils en modifiant les opérations militaires

La directrice d'une école à Chernihiv, en Ukraine, inspecte les dégâts causés par un bombardement.
© UNICEF/Ashley Gilbertson VII Photo
La directrice d'une école à Chernihiv, en Ukraine, inspecte les dégâts causés par un bombardement.

Conseil de sécurité : l’ONU appelle à protéger les civils en modifiant les opérations militaires

Paix et sécurité

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité mercredi, un haut responsable humanitaire de l’ONU a appelé à modifier les opérations militaires pour protéger les civils alors que les conflits continuent de faire un nombre important de victimes civiles en raison notamment de bombardements dans les zones densément peuplées.

Le Directeur de la Coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), Ramesh Rajasingham, a précisé que les conflits ont endommagé des infrastructures essentielles, perturbant les services essentiels d’eau, d’assainissement, d’électricité et de santé et entraînant des privations, la faim et des déplacements.

Il a également relevé que l’utilisation abusive des technologies numériques a facilité la désinformation et la diffusion de fausses informations, de discours de haine, alimentant ainsi les conflits et accroissant les risques de préjudice pour les civils et les acteurs humanitaires. 

M. Rajasingham a dénoncé la prise pour cible constante des écoles ainsi que les enlèvements et meurtres d’enseignants. Il a indiqué que plus de 900 écoles ont été détruites, endommagées ou fermées en Afghanistan, au cours des neuf premiers mois de 2021, et que leur réhabilitation a été entravée par la présence d’explosifs. 

Des milliers d’écoles ont également été entièrement ou partiellement endommagées en Éthiopie et plus de 30.000 enseignantes et enseignants déplacés.

Il s’est également préoccupé de l’impact des opérations militaires sur l’environnement, notant que les dommages causés aux infrastructures industrielles en Syrie ont produit des millions de tonnes de gravats et de poussières contenant des matières dangereuses telles que l’amiante, des métaux lourds, des produits chimiques et des produits de combustion, avec un effet potentiellement grave sur la santé.

Robert Mardini, Directeur général du CICR, devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Manuel Elias
Robert Mardini, Directeur général du CICR, devant le Conseil de sécurité.

Corrélation entre faim et conflits armés

Le haut responsable de l’OCHA a ensuite mis l’accent sur la corrélation entre conflits armés et faim. Il a noté que fin 2021, plus de 140 millions de personnes étaient confrontées à des crises d’insécurité alimentaire aiguë, voire à des niveaux d’insécurité alimentaire encore plus graves.

Il a appelé à protéger les civils en modifiant les opérations militaires et à tenir compte de l’empreinte environnementale des conflits en intégrant la protection juridique de l’environnement dans la formation et la doctrine militaires ainsi que dans les cadres politique et juridique nationaux.

De son côté, le Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Robert Mardini, a considéré que si certains progrès ont été accomplis sur le plan normatif et politique en matière de protection des civils, la réalité sur le terrain continue de raconter une « histoire très différente ».

« Nous assistons à des attaques délibérées contre des civils et des biens civils, causant des souffrances indicibles. Nous voyons, bien trop souvent, des attaques aveugles et disproportionnées. Nous voyons la politisation flagrante de l’action humanitaire, alors que les solutions politiques pour mettre fin aux conflits restent insaisissables. Et nous voyons les États, qui ont la responsabilité première de respecter –et de faire respecter– le droit international humanitaire, manquer à leurs obligations », a-t-il dit.

Coût humain effroyable des guerres urbaines

M. Mardini a notamment attiré l’attention sur le coût humain « effroyable » des guerres urbaines, en particulier lorsque des armes explosives sont utilisées, soulevant de sérieuses questions sur la façon dont les parties à ces conflits interprètent et appliquent les règles pertinentes du droit international humanitaire. En fait, le concept de « nécessité militaire » est le plus souvent utilisé de manière abusive – comme une excuse pour le recours à la force plutôt que comme une raison de le limiter.

M. Mardini a exhorté les États et les parties à des conflits armés à éviter l’utilisation d’armes explosives lourdes dans des zones peuplées, en raison du risque élevé d’impacts indiscriminés.

« Nous les exhortons à prendre des mesures de prévention et d’atténuation à tous les niveaux à cet effet, afin de renforcer la protection des civils et de faciliter le respect du droit international humanitaire. Plus largement, nous demandons aux États de faire de la protection des civils une priorité stratégique dans la planification et la conduite de toutes les opérations militaires et de sécurité dans les zones peuplées », a-t-il ajouté. Il s’agit notamment de permettre aux civils de recevoir une aide humanitaire, de les épargner des attaques et de faciliter leur passage en toute sécurité pour obtenir un répit de la violence. Les infrastructures civiles permettant de fournir des services essentiels à la population civile doivent être protégées.

Echec à protéger les civils

Pour sa part, le Président du Comité international de secours, David Miliband, a exhorté le Conseil de sécurité à honorer ses engagements en ce qui concerne la protection des civils.

Il a indiqué que 56 conflits font rage dans le monde aujourd’hui, les civils représentant 87% des victimes. Selon lui, le système diplomatique, juridique, politique et humanitaire de protection des civils a échoué.

Si le Conseil n’est pas responsable des agissements de ceux ciblant des civils ou des travailleurs humanitaires, il est responsable des échecs pour les tenir pour responsables, a dit M. Miliban. « C’est cela qu’il faut changer », a-t-il ajouté. 

La Directrice pour la République démocratique du Congo (RDC) de Women for Women International, Rachel Boketa a indiqué que son organisation aide localement les femmes survivantes de la guerre à reconstruire leur vie.

Pour assurer un meilleur accès humanitaire et mieux protéger les civils, les approches transformatrices genrées et les organisations locales de femmes doivent faire partie de la stratégie dès le départ, a-t-elle affirmé, rappelant qu’en RDC, pays classé 163e sur 170 à l’indice « femmes, paix et sécurité », les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les cycles de pauvreté et de déplacement.

Outre le contexte d’insécurité et de conflit, les femmes de RDC sont confrontées à des normes et des croyances sociales patriarcales qui entravent leur accès aux services sociaux de base et aux aides tout en les empêchant de changer ces conditions. Ces défis, a-t-elle souligné, font que les femmes et les groupes marginalisés sont les plus susceptibles de passer à travers les dispositifs de protection, de développement et de consolidation de la paix.