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Mali : un expert de l'ONU demande instamment une enquête sur les graves violations des droits humains à Moura

Des soldats de la paix de l'ONU patrouillent dans la région de Mopti, dans le centre du Mali
MINUSMA/Gema Cortes
Des soldats de la paix de l'ONU patrouillent dans la région de Mopti, dans le centre du Mali

Mali : un expert de l'ONU demande instamment une enquête sur les graves violations des droits humains à Moura

Droits de l'homme

Un expert des droits de l'homme des Nations Unies a demandé mercredi qu'une enquête complète et indépendante soit menée sur les crimes de masse qui auraient été commis dans le centre du Mali, et a exhorté toutes les parties à assurer la protection absolue des civils et à mettre fin au cercle vicieux de la violence.

Alioune Tine, l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Mali, a exprimé son inquiétude au sujet des informations non confirmées selon lesquelles des membres des forces armées maliennes, accompagnés des membres du personnel militaire privé russes, auraient exécuté des dizaines de civils lors d'une opération militaire du 27 au 31 mars, à Moura, dans la région de Mopti.

Outre les exécutions sommaires et autres meurtres, l'expert a indiqué que des viols, des arrestations arbitraires, des pillages et des vols avaient également été signalés.

« Compte tenu des graves allégations de crimes de masse, des dizaines de civils ayant été tués au cours de ces opérations, je demande aux autorités maliennes de mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie, indépendante, impartiale et efficace sur toutes les violations présumées », a déclaré M. Tine dans un communiqué de presse. « Les conclusions doivent être rendues publiques et les auteurs présumés doivent être traduits en justice ».

Des crimes qui pourraient relever de la compétence de la CPI

« Les informations reçues à ce stade soulèvent de sérieuses questions et préoccupations quant à d'éventuelles violations graves du droit international des droits de l'homme et/ou du droit international humanitaire. En outre, certaines de ces violations pourraient constituer des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale », a ajouté l'expert.

Dans une déclaration du 1er avril, l'Etat-Major de l'armée malienne a confirmé que les forces armées avaient mené une opération militaire "de grande envergure" dans la zone de Moura du 23 au 31 mars. La déclaration a indiqué qu’à l'issue de cette opération, 203 combattants de « groupes armés terroristes » ont été tués et 51 personnes arrêtées. Dans une déclaration du 5 avril, l'Etat-Major de l'armée malienne a nié son implication dans des violations des droits de l'homme à Moura.

Le fait de ne pas traduire en justice les auteurs présumés de violations des droits de l'homme pourrait entamer la confiance de la population dans les forces armées et être exploitée ou instrumentalisée par les groupes armés, se présentant comme une solution de substitution crédible à la défaillance de l'État, a déclaré M. Tine. « La lutte contre l'impunité est donc une priorité et un élément constitutif de la lutte contre le terrorisme », a-t-il ajouté.

« J'exhorte les autorités maliennes de transition à accorder un accès sans entrave à la Division des droits de l'homme et de la protection de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) afin qu'elle puisse mener une enquête approfondie pour faire la lumière sur les allégations de violations graves des droits de l'homme, conformément au mandat que lui confie le Conseil de sécurité des Nations Unies ».

L'expert de l'ONU a réitéré son appel au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) pour qu'il ouvre des enquêtes dès que possible afin d'établir la responsabilité pénale pour les crimes relevant du Statut de Rome qui ont été commis dans le passé et qui continuent à être commis au Mali.

Une vague d'attaques menées par des groupes tels que la Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) et l'État islamique dans le Grand Sahara (EISG), ainsi que certaines opérations des Forces de défense et de sécurité maliennes continuent d’enfermer les populations civiles dans l’étau des violences djihadistes et militaires depuis le début de l'année.

NOTE :

Les Experts indépendants font partie de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.