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Au Myanmar, l’Etat est au bord de l’effondrement, selon Michelle Bachelet

Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar.
Unsplash/Pyae Sone Htun
Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar.

Au Myanmar, l’Etat est au bord de l’effondrement, selon Michelle Bachelet

Droits de l'homme

Treize mois après le coup d’État militaire du 1er février 2021, la crise au Myanmar risque de provoquer « l’effondrement de l’Etat », a alerté lundi à Genève la Cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

« Le Myanmar est de plus en plus exposé au risque de l’effondrement de l’État, avec des systèmes économiques, éducatifs, sanitaires et de protection sociale en lambeaux », a déclaré la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet.

S’exprimant devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Mme Bachelet a rappelé que l’effondrement du système de santé a déjà eu des « conséquences dévastatrices » pour la réponse du Myanmar à la pandémie de Covid-19.

D’une manière générale, les précieux acquis du pays en matière de développement ont été « détruits par le conflit et l’abus de pouvoir des militaires ». En conséquence, la crise humanitaire du pays continue de s’étendre. « L’économie est au bord de l’effondrement », a-t-elle insisté, relevant que plus de 14 millions de personnes sont désormais considérées comme ayant un besoin humanitaire.

Les partenaires de l’ONU indiquent que la pénurie alimentaire va fortement augmenter au cours des prochains mois. « Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) prévoit que l’impact combiné du coup d’État et de la pandémie de Covid-19 pourrait plonger près de la moitié de la population du Myanmar dans la pauvreté cette année », a-t-elle fait valoir.

Les droits humains du peuple traversent une « crise profonde »

Par ailleurs, treize mois après le coup d’État militaire, les droits humains du peuple du Myanmar traversent une « crise profonde ». Une situation d’autant plus préoccupante, les conflits armés préexistants dans de multiples États ethniques ont été attisés par l’utilisation systématique de méthodes brutales par les forces de sécurité. « Des centaines de groupes de résistance armés localisés se sont formés à travers le pays, et la violence est désormais généralisée dans de nombreuses régions qui étaient auparavant stables », a dit Mme Bachelet. 

Selon l’ONU, au Myanmar post-putsch, il n’y a pratiquement plus d’espace civique. La répression se traduit par « une surveillance intense », notamment par des moyens numériques. Une situation qui amplifie le danger pour les militants dans toutes les zones contrôlées par les militaires.

Plus largement, les autorités militaires utilisent systématiquement les arrestations et les détentions comme un outil pour cibler et intimider les personnes qui s’opposent au régime. « Des sources crédibles indiquent que les forces de sécurité ont détenu plus de 12.500 personnes, dont 9.500 sont toujours en détention, y compris au moins 240 enfants », a détaillé la Haute-Commissaire Michelle Bachelet.

Nombre de ces personnes auraient été soumises à des mauvais traitements assimilables à de la torture. Lors de leur détention, ces personnes auraient notamment été suspendues au plafond sans eau ni nourriture. Elles ont été obligées de rester à l’isolement pendant de longues périodes, électrocutées, parfois en même temps que l’injection de drogues non identifiées, victimes de violences sexuelles, notamment de viols. Les détenus musulmans ont été aussi contraints d’ingérer du porc.

Le dialogue ne doit pas se faire au détriment de la reddition des comptes

S’agissant du sort critique des Rohingyas, leur situation reste « désastreuse » et aucune solution n’est en vue. Les Rohingyas qui restent au Myanmar se voient refuser la liberté de mouvement et l’accès aux services. « Il n’existe toujours pas de solutions durables pour les déplacés internes, et les conditions ne sont pas propices à des retours sûrs, durables, dignes et volontaires dans l’État de Rakhine », a dit Mme Bachelet.

Face à ce sombre tableau sur les droits humains au Myanmar, la Cheffe des droits de l’homme estime que la reddition des comptes est indispensable dans toute sortie de solution à cette crise.

« Les violations des droits humains et les crimes commis aujourd’hui par les forces militaires du Myanmar s’appuient sur l’impunité avec laquelle elles ont perpétré le massacre des Rohingyas il y a quatre ans - et d’autres opérations similaires contre des minorités ethniques au cours des décennies précédentes.  Il est évident qu’une voie politique devra être empruntée pour rétablir la démocratie et un régime civil ». 

« Mais ce dialogue ne peut pas, et ne doit pas, remplacer la nécessité urgente de demander des comptes aux responsables de graves violations des droits humains », a conclu Mme Bachelet, exhortant la communauté internationale à « agir de toute urgence pour mettre fin aux violences et répondre aux besoins humanitaires au Myanmar ».