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Des femmes marchent sur la route de Mananjary, fortement endommagée après le passage du cyclone Batsirai.

Des femmes à Madagascar au cœur de l’urgence climatique

©UNOCHA/Viviane Rakotoarivony
Des femmes marchent sur la route de Mananjary, fortement endommagée après le passage du cyclone Batsirai.

Des femmes à Madagascar au cœur de l’urgence climatique

Climat et environnement

Les femmes et les filles sont en première ligne de l’urgence climatique, étant souvent plus vulnérables aux catastrophes liées au climat.

Le mois dernier, deux cyclones tropicaux, Batsirai et Emnati, ont frappé le sud-est de Madagascar, touchant plus de 420.000 personnes et laissant des milliers de personnes sans abri.

Une équipe du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) est partie à la rencontre de femmes et de filles dans l'une des zones les plus affectées par les cyclones.

Voici huit portraits de femmes et de filles au cœur de la dévastation provoquée par ces catastrophes. Leurs vies ont été bouleversées par les cyclones, d’autres sont impliquées dans la réponse humanitaire. Elles partagent leurs histoires d’espoir et de solidarité, ainsi que les raisons qui les poussent à avancer et à s'entraider.

Nadia pose pour un portrait dans une salle de classe de l’école Masindrano, à Mananjary, Madagascar, où elle a trouvé refuge avec sa famille.
©UNOCHA/Viviane Rakotoarivony
Nadia pose pour un portrait dans une salle de classe de l’école Masindrano, à Mananjary, Madagascar, où elle a trouvé refuge avec sa famille.

Nadia: « Nous avons dû tout laisser derrière nous »

« La mer a commencé à monter la veille du passage du cyclone, vendredi. Nous n'avions pas prévu d'évacuer si tôt et nous avons été pris par surprise. L'eau est montée si vite que nous n'avons rien pu faire. Nous avions de l'eau jusqu'aux épaules et avons dû tout laisser derrière nous ». 

Nadia Razanamamonjy est une mère célibataire de 46 ans. Son quartier, situé près de la mer dans la ville de Mananjary, a été complètement inondé. Sa maison, où elle vit avec ses quatre enfants, a été entièrement détruite et toutes ses affaires emportées. La famille s'est réfugiée dans l'école primaire voisine.

« Avant le cyclone, je tenais une gargote. Mais j'ai perdu tout mon matériel de cuisine. J'ai dépensé toutes les économies que j'avais pour acheter ce dont nous avions besoin pour survivre les premiers jours. Maintenant, je n'ai plus les moyens de repartir de zéro ».

Le gouvernement malgache et les partenaires humanitaires fournissent une aide d'urgence aux familles déplacées et organisent des transferts monétaires pour les aider à reconstruire leurs maisons.

Larissa avec son bébé Evan après une consultation à la clinique mobile de Médecins du Monde (MdM) à Mananjary.
©UNOCHA/Viviane Rakotoarivony
Larissa avec son bébé Evan après une consultation à la clinique mobile de Médecins du Monde (MdM) à Mananjary.

Larissa : « Avant la tempête, cet endroit était plein de vie »

Larissa et sa famille vivent sur le site de la maison des jeunes de Mananjary, qui abrite désormais des dizaines de familles déplacées par le cyclone.

« Avant la tempête, la maison des jeunes était un lieu animé. Les enfants du quartier venaient ici pour jouer à des jeux, danser et faire de la musique ».

Larissa amène Evan, son bébé de cinq mois, pour une consultation médicale dans la clinique mobile installée dans le centre. Le bébé est fiévreux et Larissa pense qu'il a attrapé un rhume lorsque leur maison a été inondée par le cyclone Batsirai.

« Le jour du cyclone, nous avions très peur. Nous tenions le toit de notre maison mais il a fini par être emporté ».

Larissa espère que son fils aîné pourra retourner à l'école et que leur vie reprendra son cours normal.

Esterinah dans l’une des salles de classe épargnée par le cyclone Emnati.
©UNOCHA/Priscilla Lecomte
Esterinah dans l’une des salles de classe épargnée par le cyclone Emnati.

Esterinah : « Je veux juste que les choses redeviennent comme avant »

« Cette nuit-là, c'était tellement effrayant, des objets volaient dehors. Les murs de notre maison tremblaient comme si nous étions dans un train. Ma mère, mon frère et moi étions à l'intérieur, en train de prier. Mon frère de sept ans avait tellement peur ».

Malgré leurs efforts, la moitié de leur toit s’est envolé, et leurs affaires ont été abîmées par la pluie. L'école maternelle où elle travaille a également été endommagée et n'a pas encore rouvert. Esterinah ne reçoit plus son salaire.

« Mon école était très belle. Les enfants étaient heureux, j'adore travailler avec eux. Je veux juste que les choses redeviennent comme avant ».

Jessie et son chat, Nicky.
©UNOCHA/Priscilla Lecomte
Jessie et son chat, Nicky.

Jessie, 9 ans : « Je veux devenir vétérinaire »

« J'adore tous les animaux ! Quand je serai grande, je voudrais être vétérinaire. Pendant le cyclone, j'avais très peur, je pensais à notre chat Nicky qui était dehors, je pensais qu’il allait mourir ».

Nicky a survécu et Jessie a décidé qu'elle le garderait à l'intérieur lors du prochain cyclone.

Le puits et les latrines de la maison ont été endommagés par les inondations. De nombreux puits ont été pollués. La présence d’eaux stagnantes fait aussi craindre la propagation de maladies telles que le paludisme. Les partenaires humanitaires, en collaboration avec le gouvernement, se concentrent sur la désinfection des puits, l'accès à l’eau potable et la sensibilisation aux questions d'hygiène.

Julienne, 79 ans, dort dans une des salles de classe du Collège Saint Joseph de Cluny à Mananjary, après que le cyclone Batsirai a détruit sa maison.
©UNOCHA/Viviane Rakotoarivony
Julienne, 79 ans, dort dans une des salles de classe du Collège Saint Joseph de Cluny à Mananjary, après que le cyclone Batsirai a détruit sa maison.

Julienne, 79 ans. « Je suis vieille mais forte, regarde-moi ! »

« Je suis vieille mais forte. Je peux marcher, regarde-moi ! La seule chose que j'aimerais vraiment avoir maintenant, c'est une paire de lunettes pour pouvoir lire la Bible ».

Julienne a cinq enfants et cinq petits-enfants qui s'occupent d'elle. Pendant le cyclone, elle a dû traverser les rues inondées, avec de l’eau jusqu'à la taille, pour se réfugier dans l'école secondaire où elle habite désormais temporairement avec sa famille. Alors que ses enfants cherchent des petits boulots pour économiser de quoi réparer sa maison, Julienne n’est pas en reste : elle essaie de vendre cacahuètes et bonbons aux enfants qui vivent comme elle à l'école.

Julienne reçoit aussi de l'aide du gouvernement et des partenaires humanitaires qui apportent une assistance d’urgence aux familles déplacées dans l'école et autres abris temporaires.

Lova à la clinique mobile de MdM à Masindrano.
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Lova à la clinique mobile de MdM à Masindrano.

Lova : « Je fais ça pour l’avenir de Madagascar »

« Quand je suis arrivée ici, j'avais mal au cœur quand je voyais tous les gens dans le besoin autour de moi. J'étais épuisée. Il nous a fallu deux jours pour arriver après le cyclone, les routes étaient bloquées par des arbres tombés et des glissements de terrain. Mais je me suis dit que je devais donner le meilleur de moi-même. Je fais ça non seulement pour les personnes qui en ont besoin ici, mais aussi pour l'avenir de Madagascar, mon pays ».

Lova est une médecin malgache qui travaille pour l'organisation non gouvernementale Médecins du Monde (MdM). Elle a été recrutée juste après avoir été diplômée, pour soutenir la réponse à la pandémie de COVID-19. Elle est désormais déployée dans le sud-est du pays où le secteur de la santé a été lourdement impacté par les cyclones Batsirai et Emnati. Le principal hôpital du district a été détruit et plus d’une centaine de centres de santé ont été endommagés. MdM a mis en place des cliniques mobiles, soignant des personnes blessées lors du cyclone ou souffrant d’affection liées aux mauvaises conditions de vie dans les abris temporaires.

« Nous ne nous attendions pas à avoir autant de monde. On reçoit des familles entières. Nous effectuons jusqu'à 100 consultations par jour. J'essaie de faire en sorte que les patients se sentent mieux. Nous avons un certain nombre de cas de traumatisme psychologique. Les parents sont très inquiets, ils ne savent pas où ils vont dormir, ce qu'ils vont manger, ni quand leurs enfants vont retourner à l'école. On fait de notre mieux avec le peu qu'on a ».

« Cette crise m'a beaucoup fait réfléchir à l'avenir. Hier, j'ai appelé mon mari et lui ai dit que lorsque cette urgence sera terminée, je devrai aller dans le Sud, là où les enfants souffrent de malnutrition ».

Marie-Morgane pose pour un portrait après avoir déblayé des débris de bois à côté du collège de Mananjary, après le passage du cyclone Batsirai.
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Marie-Morgane pose pour un portrait après avoir déblayé des débris de bois à côté du collège de Mananjary, après le passage du cyclone Batsirai.

Marie-Morgane: « Avoir des femmes dans l’équipe nous a permis de mieux nous connecter avec les personnes que nous avons aidées »

Marie-Morgane est une militaire française de 21 ans qui a été déployée pendant près d'un mois à Madagascar, avec l'équipe de 60 secouristes de la première unité française d'instruction et d'intervention de la sécurité civile.

« C'est ma première mission hors de France. En dehors des missions d’urgence, on intervient sur des feux de forêt. J'ai adoré pouvoir faire quelque chose de vraiment utile pour la population locale ».

Dans les jours qui ont suivi le cyclone Batsirai, l’équipe a mis en place une unité de production d'eau, fournissant de l'eau potable aux communautés de Mananjary. Ils ont également aidé à réparer les écoles endommagées, à couper les arbres tombés et à nettoyer les débris.

« J'ai la même formation que mes collègues masculins. Je fais les mêmes choses qu'eux et ils me respectent pour ça. Je suis encore jeune dans le métier, donc j'apprends beaucoup des autres. Mais ici à Madagascar, le fait d’avoir des femmes dans l’équipe a été vraiment utile pour nous rapprocher des populations. Au début, les communautés hésitaient à utiliser les robinets d'eau que nous avions installés, mais dès qu'elles nous voyaient les utiliser, elles se sentaient en confiance ».

Silke discute avec Larissa pendant qu’elle patiente pour une consultation à la clinique mobile de MdM avec ses deux enfants, Evan and Alan.
©UNOCHA/Viviane Rakotoarivony
Silke discute avec Larissa pendant qu’elle patiente pour une consultation à la clinique mobile de MdM avec ses deux enfants, Evan and Alan.

Silke : « Être une femme m’aide à me rapprocher des gens, en particulier des femmes et des filles »

Que ce soit Haïti ou l’Afghanistan, Silke Banuelos Kuang a une grande expérience des interventions d’urgence avec les Nations Unies. A Madagascar, c’est elle qui coordonnait le centre local d'opérations de crise à Mananjary.de e

Elle est arrivée quelques jours seulement après le cyclone Batsirai, et est restée sur place lorsque le cyclone Emnati a frappé la ville de Mananjary, afin de pouvoir reprendre les opérations d’assistance humanitaire juste après le passage de ce deuxième cyclone. L'équipe a aidé à fournir des services à l'ensemble de la communauté humanitaire.

« Bien sûr, c'est plus difficile en tant que femme. Mais je suis heureuse de contribuer à briser les idées reçues selon lesquelles ce n’est pas un métier pour les femmes. Être une femme m’aide également à me rapprocher des gens, en particulier les autres femmes et filles qui sont souvent les plus touchées par les crises. On a ce lien presque spontané, dès qu’on sourit. Ça aide à briser une barrière qui pourrait exister entre nous ».

Silke vient de quitter Madagascar. Elle s'est portée volontaire pour rejoindre l'Ukraine et soutenir la réponse humanitaire.