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Guerre en Ukraine : des dizaines de millions de personnes en « danger de mort », prévient Michelle Bachelet

Des patients de l'hôpital de Novovolynsk, la plupart des personnes âgées, ont trouvé refuge dans l'abri de l'hôpital pour se protéger d'éventuels bombardements.
© OMS/O. Izhyk
Des patients de l'hôpital de Novovolynsk, la plupart des personnes âgées, ont trouvé refuge dans l'abri de l'hôpital pour se protéger d'éventuels bombardements.

Guerre en Ukraine : des dizaines de millions de personnes en « danger de mort », prévient Michelle Bachelet

Paix et sécurité

Alors que l’offensive militaire russe en Ukraine se poursuit, des dizaines de millions de personnes, qui sont encore dans ce pays, sont en « danger de mort potentiel », a alerté jeudi la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

« Je crains fort que l’escalade actuelle des opérations militaires n’aggrave encore le danger auquel elles sont confrontées », a déclaré la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, à l’ouverture d’un débat urgent du Conseil des droits de l’homme (CDH) sur l’Ukraine, à Genève.

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Selon l’ONU, des milliers de personnes, dont des personnes âgées, des femmes enceintes, ainsi que des enfants et des personnes handicapées, sont contraintes de se rassembler dans des abris souterrains et des stations de métro pour échapper aux explosions.

De nombreuses personnes en situation de vulnérabilité se retrouvent ainsi piégées. « Mon personnel en Ukraine a été contacté par plusieurs groupes qui craignent d’être persécutés si les troupes russes avancent, notamment des membres de la communauté tatare de Crimée en Ukraine continentale, ainsi que d’éminents défenseurs des droits de l’homme et des journalistes », a ajouté l’ancienne Président chilienne.

La menace nucléaire pèse sur « l’ensemble de l’humanité »

Les 47 États membres du CDH sont réunis en fin de matinée à l’occasion d’un débat urgent sur « la situation des droits de l’homme en Ukraine résultant de l’agression russe ».

A l’issue des discussions qui devraient se poursuivre vendredi, Kiev entend faire adopter une résolution appelant au retrait rapide des troupes russes, et demandant d’établir d’urgence, « une commission d’enquête internationale indépendante ».

Devant l’organe onusien à Genève, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU a également mis en garde la communauté internationale contre la menace nucléaire qui pèse sur la planète.

« Il y a une semaine, l’attaque militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a ouvert un nouveau et dangereux chapitre de l’histoire mondiale », a affirmé Michelle Bachelet. « L’élévation du niveau d’alerte des armes nucléaires souligne la gravité des risques qui pèsent pour l’ensemble de l’humanité ».

Plus largement, elle a déploré les terribles conséquences de ce conflit sur la population ukrainienne. « L’attaque qui a débuté le 24 février est en train d’avoir un énorme impact sur les droits de l’homme de millions de personnes à travers l’Ukraine », a-t-elle dit, relevant que les opérations militaires s’intensifient encore en ce moment même, avec des frappes militaires sur et près de grandes villes, notamment Tchernihiv, Kharkiv, Kherson, Lysychansk, et la capitale, Kiev.

Des experts de l’ONU implorent la Russie « d’écouter les voix collectives de la communauté internationale »

La ville de Volnovakha, dans la région de Donetsk, a été presque entièrement détruite par les bombardements, et les habitants restants se sont réfugiés dans les sous-sols, a-t-elle détaillé. Ces combats n’épargnent même pas les secours. Le 26 février par exemple, « des troupes russes auraient tiré sur une ambulance qui transportait des victimes gravement blessées près de Kherson. Le chauffeur a été tué et un secouriste a été blessé ».

Face à ces abus, Mme Bachelet insiste sur la reddition des comptes. A ce sujet, elle salue les procédures engagées sur le dossier ukrainien, aussi bien par la Cour internationale de justice (CIJ) et le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

Du côté des experts indépendants de l’ONU, l’urgence est « de respecter le droit international, de mettre fin aux hostilités immédiatement et sans condition ».

« Nous demandons instamment à la Fédération de Russie d’écouter les voix collectives de la communauté internationale qui s’exprime désormais à l’unanimité et affirme sans équivoque que ces actions militaires sont inacceptables pour tous », a affirmé Victor Madrigal-Borloz, Président du comité de coordination des procédures spéciales.

Les experts des droits de l’homme implorent Moscou de faire cesser immédiatement toutes les violations des droits de l’homme résultant de l’attaque. Il s’agit aussi « de rétablir la capacité du peuple ukrainien à exercer ses droits de l’homme et ses libertés fondamentales sans ingérence militaire ou extérieure ».

Des civils trouvent dans un abri anti-aérien à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine.
© UNICEF/Kostiantyn Golinchenko
Des civils trouvent dans un abri anti-aérien à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine.

La Russie fustige le « régime criminel de Kiev », l’Ukraine veut un front commun contre « les criminels de guerre »

Au titre de pays concerné, l’Ukraine a dénoncé « les violations et les abus les plus flagrants des droits humains » commis par les forces armées russes. « Des résidences, des hôpitaux, des écoles et tant d’autres infrastructures essentielles sont la cible de l’armée », a déploré Emine Dzhaparova, Vice-ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, précisant que son pays n’a rien fait pour mériter un tel châtiment, « à part vouloir vivre en toute indépendance ».

« Les événements récents montrent clairement que les troupes russes se livrent systématiquement à des actes qui s’apparentent clairement à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité », a ajouté la Vice-ministre ukrainienne. Elle a exhorté la communauté internationale à faire « un front commun pour que les criminels de guerre qui font couler le sang des enfants ukrainiens aient à répondre de leurs actes ».

Moscou a, pour sa part, fustigé le « régime criminel de Kiev » et accusé les États-Unis et l’Union européenne de fournir des armes létales, qui ne permettront pas « de sauver des vies humaines ».

« La paix et la sécurité de l’Ukraine ne sert pas vos intérêts. La vie des civils ne vous intéresse pas. Le pouvoir en place ne vous intéresse que comme outil de pression, ou comme carte de rechange dans votre affrontement avec la Russie », a martelé Gennady Gatilov, Ambassadeur de la Russie auprès des Nations Unies à Genève.

« Cela fait huit ans que le Conseil est saisi de la situation dans l’Est de l’Ukraine, sans résultats », a-t-il conclu, relevant que la Russie ne voit « aucune valeur ajoutée dans le débat du Conseil d’aujourd’hui ».

La discrimination et le racisme contre les ressortissants de pays tiers fuyant l’Ukraine doivent cesser – OIM

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Sur un autre plan, la cheffe des droits de l’homme s’est inquiétée de la discrimination entre réfugiés aux frontières internationales.

« Il y a eu des indications inquiétantes de discrimination à l’encontre de ressortissants africains et asiatiques en fuite, et le Bureau suivra cette situation avec attention », a déclaré Mme Bachelet, ajoutant que l’accueil réservé aux réfugiés ukrainiens doit être étendu à tous ceux qui fuient le conflit, « indépendamment de leur citoyenneté, appartenance ethnique ou statut migratoire ».

L’Agence de l’ONU pour les migrations s’est également « alarmée par les informations crédibles et vérifiées faisant état de discrimination, de violence et de xénophobie à l’encontre de ressortissants de pays tiers qui tentent de fuir le conflit en Ukraine ».

« Nous recevons des rapports faisant état de discriminations entraînant des risques et des souffrances accrus », a dit dans un communiqué, António Vitorino, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Selon l’OIM, des hommes, des femmes et des enfants de dizaines de nationalités, y compris des travailleurs migrants et des étudiants vivant en Ukraine, sont confrontés à de graves difficultés lorsqu’ils tentent de quitter les zones touchées par le conflit, de franchir les frontières des pays voisins ». « Soyons clairs, la discrimination fondée sur la race, l’ethnie, la nationalité ou le statut migratoire est inacceptable », a dénoncé M. Vitorino, déplorant de tels actes.

L’OIM appelle les États à enquêter sur cette question et à y remédier immédiatement. En attendant, ils sont invités à veiller à ce que toutes les personnes fuyant l’Ukraine bénéficient d’un accès sans entrave au territoire, quel que soit leur statut et conformément au droit international humanitaire.

Une façon de rappeler qu’une protection et une aide immédiate doivent être fournies de manière non discriminatoire et culturellement appropriée. L’OIM a ainsi demandé à la Commission européenne d’inclure les ressortissants de pays étrangers dans la directive sur la protection temporaire sur les réfugiés fuyant l’Ukraine.