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Myanmar : la Russie, la Chine et la Serbie accusées de transférer des armes à la junte militaire après le coup d’État

Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar.
Unsplash/Pyae Sone Htun
Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar.

Myanmar : la Russie, la Chine et la Serbie accusées de transférer des armes à la junte militaire après le coup d’État

Paix et sécurité

Un rapport d’un Expert indépendant des Nations unies a accusé, mardi, la Chine, la Russie et la Serbie de continuer à vendre des équipements militaires aux forces armées du Myanmar, après le coup d’Etat.

« Deux membres permanents du Conseil de sécurité (Russie et Chine) et la Serbie ont continué à fournir des armes à la junte militaire du Myanmar, qui ont servi à attaquer des civils depuis le coup d’État », a dénoncé le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Tom Andrews.

L’enquête se penche sur la façon dont l’armée du Myanmar, connue sous le nom de Tatmadaw, s’est procurée des types d’armes, lorsqu’elles sont connues, les quantités d’armes transférées à l’armée du Myanmar.

Selon le document, des « rapports crédibles » montrent que des armes ont continué à être fournies à l’armée du Myanmar « depuis le coup d’État ». 

Les transferts d’armes de la Chine et de la Russie - et les engagements de transferts encore plus importants - sont « particulièrement flagrants ».

M. Andrews reproche à Pékin et Moscou de fournir « collectivement à l’armée de nombreux avions de combat, des véhicules blindés et, dans le cas de la Russie, la promesse d’autres armes ».

L’Assemblée générale de l’ONU avait appelé en juin « à empêcher l’afflux d’armes »

« Malgré les preuves des atrocités commises par la junte en toute impunité depuis le coup d’État de l’année dernière, la Russie et la Chine, des membres du Conseil de sécurité ont continué à fournir la junte militaire avec de nombreux avions de chasse et blindés », souligne Tom Andrews, ajoutant que durant la même période, la Serbie a « autorisé des exportations de roquettes et d’artillerie à destination des militaires du Myanmar ».

Avant le coup d’État, Belgrade avait aussi transféré des systèmes d’artillerie lourde limités. 

L’Assemblée générale de l’ONU avait voté une résolution en juin dernier, appelant à mettre un terme aux flux vers le Myanmar. Mais le manque d’impact de celle-ci sur la capacité de la junte à cibler les civils a fâché les populations, a ajouté M. Andrews qui dénonce depuis un an des crimes contre l’humanité perpétrés par Tatmadaw.

Pour l’Expert indépendant de l’ONU, il est impératif que les États membres et le Conseil de sécurité agissent de toute urgence pour mettre fin aux ventes d’armes à la junte militaire. D’autant que « des vies humaines, et la crédibilité du Conseil de sécurité, sont en jeu ».

L’Inde, le Pakistan, le Bélarus, l’Ukraine, Israël et la République de Corée pointés du doigt

M. Andrews a appelé à une convocation d’urgence du Conseil de sécurité - dont la Chine et la Russie sont membres permanents - pour « débattre et adopter une résolution qui au minimum interdise ces transferts d’armes que les militaires utilisent pour attaquer et tuer des civils ».

« Le peuple du Myanmar implore les Nations Unies d’agir », a-t-il dit, relevant que le peuple du Myanmar « mérite un vote, positif ou négatif, sur une résolution du Conseil de sécurité qui mettra fin à la vente d’armes utilisées pour les tuer ». « Trop de familles se retrouvent dans la ligne de mire des armes de guerre que les États membres fournissent. Cela doit cesser ».

Outre la Chine, la Russie et la Serbie, les autres pays cités dans le rapport sont l’Inde (y compris depuis le coup d’État), mais aussi le Pakistan, le Bélarus, l’Ukraine, Israël et la République de Corée, qui ont transféré des armes avant le coup d’État.

Depuis février 2021, plus de 1.500 civils ont été tués et plusieurs centaines de milliers déplacés, d’après l'ONU, la junte réprimant durement le mouvement de contestation

« Le Pakistan, par le biais de son partenariat avec une entité publique chinoise, a participé à la fabrication et au transfert de chasseurs à réaction avant le coup d’État, ainsi des informations récentes indiquent que le Pakistan pourrait bientôt transférer des munitions au Myanmar », a souligné le rapport de M. Andrews. 

Le cas de l’avion franco-italien ATR pour le transport de VIP

Dans le même temps, le Belarus et l’Ukraine ont fourni des armes létales avant le coup d’État et n’ont pas encore imposé d’embargo sur les armes à l’armée. 

Avant le coup d’État, la République de Corée a transféré une barge de débarquement amphibie et Israël a transféré des bateaux d’attaque. 

« Séoul a notamment imposé un embargo depuis le coup d’État, et des responsables israéliens ont indiqué qu’Israël avait désormais pour politique de ne pas transférer d’armes au Myanmar », a précisé le Rapporteur spécial.

Le rapport s’est également penché sur des situations lorsque des embargos sont en vigueur. Une façon d’implorer les États membres à être vigilants et enquêter sur tous les cas présumés de ventes à des pays tiers de biens et de technologies originaires de leur pays qui pourraient enfreindre leurs embargos sur les armes et les biens à double usage. 

A ce sujet, le rapport fait d’une récente confirmation du transfert à l’armée du Myanmar de deux avions de fabrication européenne, qui « souligne ce besoin de vigilance ». Il s’agit en fait d’avions « de transport de VIP ».

Selon le document, ces « ATR 72-600 sont des avions de transport d’origine française, « fabriqués en France par l’entreprise Avions de transport régional (en italien Aerei da Trasporto Regionale), qui est une coentreprise domiciliée en France entre Airbus et la société aérospatiale italienne Leonardo Corporation ».

Couper l’accès de la junte aux revenus

Face à ces ventes d’armes, l’Expert indépendant a lancé un appel aux nations exportatrices d’armes pour qu’elles suspendent immédiatement leurs ventes d’armes.

« Il devrait être incontestable que les armes utilisées pour tuer des civils ne devraient plus être transférées au Myanmar. Ces transferts choquent véritablement la conscience », a affirmé M. Andrews.

Selon l’Expert indépendant, il s’agit ainsi de « mettre fin aux crimes atroces de la junte commence par bloquer son accès aux armes ».

Depuis février 2021, plus de 1.500 civils ont été tués et plusieurs centaines de milliers déplacés, d’après les Nations Unies, la junte réprimant durement le mouvement de contestation.

Outre cet appel aux « États membres du Conseil de sécurité des Nations Unies pour interdire le transfert d’armes », l’Expert indépendant plaide également pour « une action coordonnée des États membres pour couper l’accès de la junte aux revenus » et prône « des boycotts généralisés des biens liés à l’armée ». 

« Bien qu’elle soit perçue par les dirigeants de la junte comme une force, cette grande armée est également une vulnérabilité car elle nécessite des ressources importantes pour être équipée et entretenue. Si les revenus nécessaires au maintien d’une telle armée sont réduits, la capacité de la junte à agresser et à terroriser la population du Myanmar diminuera », a conclu Tom Andrews.