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La Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina Mohammed, et la Présidente de l'Ethiopie, Sahle-Work Zewde, rencontrent des gens qui souffrent des conséquences de la sécheresse dans la région Somali.

« La paix est indispensable », déclare la numéro deux de l’ONU après avoir entendu des témoignages en Éthiopie

UNECA/Daniel Getachaw
La Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina Mohammed, et la Présidente de l'Ethiopie, Sahle-Work Zewde, rencontrent des gens qui souffrent des conséquences de la sécheresse dans la région Somali.

« La paix est indispensable », déclare la numéro deux de l’ONU après avoir entendu des témoignages en Éthiopie

Paix et sécurité

Des survivantes de viols aux jeunes femmes entrepreneures, la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies a passé cette semaine à rencontrer des personnes dont la vie a été bouleversée par le conflit en Éthiopie et à entendre leurs histoires d'espoir qui soulignent la valeur « indispensable » d'un retour à une paix durable à travers le pays africain.

Après avoir représenté le Secrétaire général de l’ONU au Sommet de l'Union africaine, samedi, Amina Mohammed est partie dimanche pour Amhara, l'une des régions du nord du pays touchées par les violences qui ont éclaté en novembre 2020, entre les forces gouvernementales et celles alliées aux séparatistes du Tigré.

Elle a rencontré diverses personnes, dont le Vice-président d'Amhara, et a pu constater de ses propres yeux comment les Nations Unies tentent d'aider les plus démunis.

« Beaucoup de travail a été fait ici pour essayer d'aider le peuple d'Amhara. Mais ce qui est clair, c'est que le prix du conflit est trop élevé et donc que la paix est indispensable », a déclaré Mme Mohammed, en offrant le soutien continu de l'Organisation.

Dans les trois régions du nord de l'Ethiopie touchées par le conflit, plus de neuf millions de personnes ont désormais besoin d'une aide alimentaire humanitaire, soit le nombre le plus élevé depuis le début du conflit.

Une école détruite

Tout au long de la journée, dimanche, la numéro deux de l’ONU a constaté la destruction d'hôpitaux, de marchés, d'écoles et de fermes par le conflit au cours des 15 derniers mois et des difficultés auxquelles sont par conséquence confrontées les populations locales.

Elle a rencontré des élèves d'une école secondaire de Kombolcha, gravement endommagée pendant les combats. Jusqu'à très récemment, cette école, créée il y a 45 ans, était considérée comme l'une des meilleures du pays.

Mais la guerre est arrivée.

S'adressant à Mme Mohammed, une leader étudiante a rappelé à quel point ils étaient dévastés lorsqu'ils ont découvert que leurs salles de classe étaient devenues la dernière victime du conflit.

« Le lycée a produit beaucoup de personnes qui ont apporté des contributions remarquables au pays et ont gagné le respect des Éthiopiens. Les membres de la communauté ont contribué de leurs maigres revenus afin d’ajouter plus d'équipements à l'école, afin que nous puissions bénéficier d'une éducation de qualité », se souvient l'étudiante.

Aujourd'hui, dit-elle, aucun d'entre eux ne peut contribuer à la reconstruction et à l'aménagement de nouveaux espaces d'étude, car ils ont déjà du mal à joindre les deux bouts. « Nous avons besoin de votre aide pour reconstruire notre école », a-t-elle déclaré.

Des femmes d'Amhara, touchées par le conflit armé, partagent leurs expériences traumatisantes lors d'un échange émouvant avec la Vice-Secrétaire générale, Amina Mohammed.
UNECA/Daniel Getachaw
Des femmes d'Amhara, touchées par le conflit armé, partagent leurs expériences traumatisantes lors d'un échange émouvant avec la Vice-Secrétaire générale, Amina Mohammed.

Tigré

La Vice-Secrétaire générale a ensuite quitté Amhara pour se rendre au Tigré, où les affrontements ont initialement éclaté entre les troupes du gouvernement fédéral et les forces loyales au Front populaire de libération du Tigré (TPLF).

Elle a discuté avec le président de la région des possibilités de résolution pacifique des affrontements et des avantages que cela présenterait pour tous les Éthiopiens.

Elle a également visité l'hôpital Ayder. Le centre de santé, situé à Mekelle, la capitale de la région, est soutenu par le l'agence pour la santé sexuelle et reproductive de l’ONU (UNFPA) et offre un soutien aux victimes de viol.

« C'est une expérience, de voir l'ensemble des effets psychologiques et physiques du viol sur les femmes - les soins », a déclaré Mme Mohammed.

Pour elle, la partie la plus déchirante de la visite a été les histoires individuelles de survie.

« Ces histoires doivent être racontées. Nous devons savoir que dans les conflits, il n'y a pas de gagnants. En fait, les personnes les plus touchées sont les femmes et les enfants », a-t-elle déclaré.

Soins de santé

La Vice-Secrétaire générale a rencontré l'un des médecins, qui a expliqué que les gants, autrefois abondants, manquent tout simplement aujourd’hui.

« Nous les lavons, les stérilisons et les renvoyons afin de les réutiliser. C'est la même chose avec les tubes à essai. Nous sommes à court de tubes à essai contenant des anticoagulants. Nous essayons donc de les retraiter », a-t-il précisé.

L'Éthiopie a réussi à maintenir l'un des taux de VIH les plus bas d'Afrique de l'Est, mais ce travail est devenu beaucoup plus difficile.

Au cours des derniers mois, de nombreux kits de diagnostic du VIH ont expiré et l'équipe essaie désormais de vérifier s'ils peuvent encore être utilisés. En attendant, ils ont reçu le feu vert pour utiliser ceux qu'ils ont, car il n'y a pas d'alternative.

« Les médecins ont eu beaucoup de mal à s'habituer à cette situation, qui est un conflit provoqué par l'homme. Nous espérons pouvoir passer à l'échelle supérieure et nous occuper d'eux un peu plus », a déclaré le médecin.

La Vice-secrétaire générale Amina Mohammed (au centre) visite un hôpital à Mekelle et rencontre le personnel médical qui est contraint de retraiter et de réutiliser des articles de santé de base dont les stocks s'épuisent rapidement.
UNECA/Daniel Getachaw
La Vice-secrétaire générale Amina Mohammed (au centre) visite un hôpital à Mekelle et rencontre le personnel médical qui est contraint de retraiter et de réutiliser des articles de santé de base dont les stocks s'épuisent rapidement.

Une sécheresse incessante en Somali

Lundi, Mme Mohammed a visité les régions d'Afar et de Somali, touchées par le conflit, où elle a été rejointe par la Présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde.

Avec trois autres régions de plaine, la Somali souffre actuellement d'une sécheresse prolongée. Les puits d'eau se sont asséchés, tuant le bétail et les cultures, et poussant des centaines de milliers d'enfants et leurs familles au bord du gouffre.

Plus de 6,8 millions de personnes auront besoin d'une aide humanitaire d'urgence d'ici la mi-mars, en raison de cette sécheresse incessante.

La Coordinatrice résidente et humanitaire des Nations Unies en Éthiopie, Catherine Sozi, a déclaré à ONU Info qu'en 2021, plus de 18 millions de dollars ont été alloués par l'organisation internationale à la région de Somali pour aider les plus démunis et que, ce mois-ci, 20 millions de dollars lui seront à nouveau alloués. 

« En plus de fournir une assistance humanitaire, nous examinons les raisons pour lesquelles les gens sont déplacés en premier lieu et nous trouverons des solutions durables à long terme, en nous attaquant aux causes profondes », a-t-elle expliqué

Déplacés

Pendant son séjour en Somali, la Vice-Secrétaire générale a rencontré le président de la région, ainsi que des éleveurs, des personnes déplacées et des chefs de communauté.

Nimu Mohammed, une mère de neuf enfants, âgée de 45 ans, est l'une de ces personnes déplacées.

Elle a raconté qu'elle a perdu son bétail et ses pâturages et que, la sécheresse s'aggravant, elle a été contrainte de quitter son village avec ses trois jeunes enfants, laissant derrière elle les six autres.

À Kebrebeyeh, elle a trouvé une communauté accueillante, malgré les difficultés auxquelles ils sont tous confrontés.

« Ils partagent avec nous ce qu'ils ont. Cependant, les défis de la sécheresse dépassent les capacités de notre communauté d'accueil. Nous avons besoin de nourriture, d'eau et d'autres aides essentielles immédiatement », a-t-elle partagé.

Soulignant l'impact du changement climatique, la Vice-Secrétaire générale a encouragé le président de la région à regarder au-delà de l'agriculture, vers des innovations qui pourraient augmenter l'approvisionnement en eau et aider à restaurer la prospérité de la région. 

Amina Mohammed a également félicité le peuple de Somali pour le maintien de la paix dans sa région, notant que cela constituait un exemple à suivre pour les autres régions d'Afrique et du monde. 

« Ce que nous avons vu en Somali, c'est que nous devons faire plus pour sauver des vies, mais aussi plus pour sauver les moyens de subsistance et pour construire une région prospère, une Éthiopie prospère. Et pour cela, nous avons besoin d'un partenariat. Les Nations Unies ne peuvent pas le faire seules », a-t-elle déclaré.  

Mme Mohammed espère que ce voyage mettra en lumière les besoins existants et que les futurs partenariats pourront apporter plus d'investissements, et pas seulement de l'aide, à la région.

La Vice-secrétaire générale Amina Mohammed rencontre de jeunes femmes entrepreneurs à Addis-Abeba, en Éthiopie.
UNECA/Daniel Getachaw
La Vice-secrétaire générale Amina Mohammed rencontre de jeunes femmes entrepreneurs à Addis-Abeba, en Éthiopie.

Un pôle de créativité

Mardi, la numéro deux de l’ONU est retournée dans la capitale du pays, Addis-Abeba, pour écouter les témoignages de jeunes femmes entrepreneures.

Elles font toutes partie d'un pôle créatif soutenu par l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI).

S'adressant aux femmes, elle leur a rappelé la force qu'elles possèdent, lorsqu’elles se serrent les coudes et se soutiennent mutuellement.

« Ce que j'aime dans l'esprit qui règne ici, c'est que vous n'attendez pas que quelqu'un vous dise comment faire. Vous dites simplement : « donnez-moi la possibilité de créer l'environnement et je peux le faire. Je peux le développer. Je peux être beaucoup plus grande et meilleure ». Et c'est passionnant », a déclaré Mme Mohammed.

Des visages d'espoir

Lidia Million, la fondatrice et directrice générale de Linu Manufacturing PLC, une entreprise qui fabrique des produits en cuir, était parmi les participantes à la réunion.

Après avoir surmonté de nombreux défis pour devenir compétitive sur le marché international, elle a formé, avec neuf autres entrepreneurs, une association connue sous le nom de LOMI, inspirée du proverbe amharique « 50 citrons, un fardeau pour une personne mais des bijoux pour 50 ».

« Travailler dans le cadre de ce cluster nous a beaucoup aidé », a-t-elle déclaré, expliquant que le pôle a facilité l'accès à la formation, aux nouvelles technologies, aux installations, aux marchés et aux réseaux.

« Cela nous rend compétitifs sur le marché international et nous permet de répondre collectivement à la demande croissante de nos produits », a-t-elle ajouté.

En écoutant leurs histoires, en regardant les visages remplis d'excitation, Amina Mohammed a dit voir l'espoir, la conviction que « la puissance de l'Éthiopie peut être ressentie sur le continent et au-delà ».