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Un officier de police armé patrouille à l'extérieur d'une salle de classe dans l'Oblast de Donetsk, en Ukraine.

« Aucune alternative à la diplomatie et au dialogue » dans la crise ukrainienne, affirme l'ONU au Conseil de sécurité

© UNICEF/ Ashely Gilbertson V
Un officier de police armé patrouille à l'extérieur d'une salle de classe dans l'Oblast de Donetsk, en Ukraine.

« Aucune alternative à la diplomatie et au dialogue » dans la crise ukrainienne, affirme l'ONU au Conseil de sécurité

Paix et sécurité

Après des semaines de tensions croissantes autour de l'Ukraine, avec des rapports indiquant que la Russie a déployé plus de 100.000 soldats et des armes lourdes près de sa frontière, le Conseil de sécurité des Nations Unies a tenu lundi sa première réunion pour discuter des moyens d'arriver à une désescalade de la crise. 

S'adressant aux ambassadeurs, la responsable des affaires politiques de l'ONU a réitéré l'appel du Secrétaire général de l'ONU selon lequel « il ne peut y avoir d'alternative à la diplomatie et au dialogue ». 

Soulignant les « préoccupations complexes et anciennes en matière de sécurité et les perceptions de la menace qui ont été soulevées », la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, a répété que toute intervention militaire impliquant la Russie ou les forces de l'alliance de l'OTAN, qui sont également en état d'alerte, doit être évitée.

La haute fonctionnaire a déclaré que toute incursion d'un État sur le territoire d'un autre serait contraire au droit international et à la Charte des Nations Unies.

Un enfant passe devant un bâtiment endommagé dans l'est de l'Ukraine.
© UNICEF/Ashley Gilbertson V
Un enfant passe devant un bâtiment endommagé dans l'est de l'Ukraine.

Escalade

Selon Mme DiCarlo, en plus des 100.000 soldats qui seraient présents sur le sol russe le long de la frontière ukrainienne, un nombre non spécifié de soldats et d'armements russes seraient également déployés au Bélarus en prévision d'exercices militaires conjoints de grande envergure qui se dérouleront en février aux frontières avec l'Ukraine, la Pologne et les États baltes. 

Les membres de l'OTAN prévoiraient également des déploiements supplémentaires dans les États membres d'Europe de l'Est, et l'OTAN a indiqué que 8 500 soldats étaient désormais en état d'alerte.

« Les accusations et les récriminations entre les différents acteurs impliqués dans les discussions en cours ont créé de l'incertitude et l'appréhension pour beaucoup qu'une confrontation militaire est imminente », a déclaré Mme DiCarlo. 

Efforts diplomatiques

La responsable onusienne a salué les discussions diplomatiques en cours, déclarant que l'ONU espère qu'une désescalade réussie renforcera la paix et la sécurité en Europe. 

Ces efforts comprennent la réunion du 13 janvier à Vienne organisée par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la réunion du 21 janvier entre le Secrétaire d'État américain, Antony Blinken, et le Ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, à Genève.

Le 26 janvier, une réunion « format Normandie » (un groupe comprenant la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine créé en 2014 pour traiter le conflit en Ukraine) s'est tenue à Paris. Une autre réunion sous ce format est prévue à Berlin au cours de la deuxième semaine de février. 

Pour la chef des affaires politiques de l'ONU, cette deuxième rencontre est « un autre signe que la diplomatie peut fonctionner ». « Néanmoins, nous restons grandement préoccupés par le fait que, alors même que ces efforts se poursuivent, les tensions continuent de s'intensifier dans un contexte de renforcement militaire dangereux au cœur de l'Europe », a-t-elle averti. 

Elle a exhorté tous les acteurs « à s'abstenir de toute rhétorique et de toute action provocatrice afin de maximiser les chances de succès de la diplomatie ».

Masha Khromchenko se tient debout dans une salle de classe de maternelle qui a été directement touchée par un obus dans la région de Louhansk, en Ukraine. (archive : 23 septembre 2018)
UNICEF/Christopher Morris
Masha Khromchenko se tient debout dans une salle de classe de maternelle qui a été directement touchée par un obus dans la région de Louhansk, en Ukraine. (archive : 23 septembre 2018)

L’action de l'ONU

La cheffe des affaires politiques a également indiqué que les agences de l'ONU resteraient engagées dans l'exécution de leurs mandats en Ukraine. 

« Un accès humanitaire sûr et sans entrave doit être respecté, quelles que soient les circonstances, afin de fournir un soutien aux 2,9 millions de personnes qui ont besoin d'aide, la majorité se trouvant dans les zones non contrôlées par le gouvernement », a-t-elle déclaré. 

La mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies continue également de recenser des victimes civiles, alors que le conflit en Ukraine entre dans sa huitième année.

Le conflit, qui a éclaté peu après l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, a coûté la vie à plus de 14.000 personnes, dont environ 3.000 civils et blessé plus de 7.000 civils, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH).

En outre, quelque 1,5 million de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays depuis le début du conflit, d’après les chiffres du gouvernement ukrainien.

« Personne ne regarde les efforts diplomatiques actuels plus que le peuple ukrainien », a fait valoir Mme DiCarlo, notant qu'ils « ont enduré un conflit qui a fait plus de 14.000 morts depuis 2014 et qui, tragiquement, est encore loin d'être résolu ».

Pour elle, « il est douloureusement évident que toute nouvelle escalade en Ukraine ou autour de l'Ukraine signifierait davantage de tueries et de destructions inutiles ».

Mme DiCarlo estime également que « toute escalade ou nouveau conflit porterait un nouveau coup sérieux à l'architecture si laborieusement construite au cours des 75 dernières années pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».

Une vue du village de Pishchevik, situé sur la "ligne de contact" dans l'est de l'Ukraine.
© UNICEF/Aleksey Filippov
Une vue du village de Pishchevik, situé sur la "ligne de contact" dans l'est de l'Ukraine.

Les États-Unis : les enjeux ne pourraient pas être plus élevés

S'adressant au Conseil, la Représentante des États-Unis auprès des Nations Unies, Linda Thomas-Greenfield, a qualifié la situation d' »urgente et dangereuse », déclarant que « les enjeux ne pouvaient pas être plus élevés ».« [Il s'agit] d'une menace pour la paix et la sécurité aussi claire et conséquente que quiconque puisse imaginer », a-t-elle dit.

Selon elle, les actions de la Russie « ne menacent pas seulement l'Ukraine, elles menacent l'Europe et l'ordre international ». « Si la Russie envahit à nouveau l'Ukraine, aucun d'entre nous ne pourra dire qu'il ne l'a pas vu venir et les conséquences seront horribles, c'est pourquoi cette réunion est si importante aujourd'hui », a-t-elle ajouté.

Notant la « plus grande mobilisation de troupes en Europe depuis des décennies », Mme Thomas-Greenfield a déclaré qu'elle continuait d'espérer que la Russie choisisse la voie de la diplomatie, soulignant toutefois que la communauté internationale « ne peut pas attendre et voir ».

L'Ambassadrice a conclu en disant que « la diplomatie ne réussira pas dans une atmosphère de menace et d'escalade militaire ». « Nous cherchons la voie de la paix. Nous cherchons la voie du dialogue. Nous ne voulons pas de confrontation. Mais nous serons décisifs, rapides et unis si la Russie envahit à nouveau l'Ukraine », a-t-elle dit. 

La Russie : attiser l'hystérie

Prenant la parole à son tour dans la salle du Conseil, l'Ambassadeur de Russie, Vasily Nebenzia, a nié une fois de plus que son pays ait un quelconque projet d'invasion de l'Ukraine, accusant les États-Unis d'avoir convoqué la réunion pour « attiser l'hystérie ».

« Nous ne comprenons tout simplement pas ce dont nous discutons ici aujourd'hui et pourquoi nous sommes effectivement ici », a déclaré M. Nebenzia. 

Au début de la réunion, la Russie avait demandé un vote de procédure pour mettre en suspens la réunion sur l'Ukraine, mais elle n'a pas obtenu un soutien suffisant des autres membres du Conseil.

L'ambassadeur Nebenzia a mis en doute le chiffre de 100.000 soldats, ajoutant que tous les déploiements avaient eu lieu à l'intérieur du territoire russe, ce qui s'est souvent produit auparavant, à des degrés divers, « et n'a pas provoqué la moindre hystérie ».

« Il n'y a aucune preuve pour confirmer ces graves accusations » d'une évolution vers la guerre, a-t-il dit, ajoutant qu'elles constituent « une provocation en soi » et que « l'impact économique se fait déjà sentir chez les voisins ukrainiens ».

Le diplomate a également accusé les puissances occidentales de « gonfler l'Ukraine d'armes ». « Vous attendez que cela se produise, comme si vous vouliez que vos paroles deviennent une réalité », a-t-il ajouté. 

Ukraine : nous ne nous inclinerons pas devant les menaces

S'adressant aux ambassadeurs, le Représentant permanent de l'Ukraine, Sergiy Kyslytsya, a fait valoir que des « discussions sérieuses » au sein du Conseil de sécurité pour trouver une issue diplomatique à la crise étaient nécessaires maintenant, « plus que jamais ».

Il a indiqué que, depuis le 22 décembre, les tirs, les bombardements, les tirs de franc-tireurs et l'utilisation systématique de drones d'attaque contre les troupes ukrainiennes ont tué 12 militaires ukrainiens et en ont blessé 14 autres.

« L’Ukraine ne va pas lancer d'offensive militaire, ni dans le Donbass, ni en Crimée, ni ailleurs », a-t-il affirmé.

« L'Ukraine ne voit aucune alternative à la résolution pacifique du conflit en cours et à la restauration de sa souveraineté et de son intégrité territoriale » a ajouté M. Kyslytsya. 

Pourtant, le diplomate a déclaré qu'il y avait « une recrudescence des campagnes de désinformation russes, notamment de fausses accusations selon lesquelles l'Ukraine comploterait une attaque militaire ».

M. Kyslytsya a également abordé la demande russe d'empêcher l'Ukraine de devenir membre de l'OTAN, notant le droit souverain de son pays de choisir ses propres arrangements de sécurité.

« L'Ukraine ne cédera pas aux menaces visant à l'affaiblir, à porter atteinte à sa stabilité économique et financière et à susciter la frustration de la population. Cela ne se produira pas et le Kremlin doit se rappeler que l'Ukraine est prête à se défendre », a-t-il conclu.