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Syrie : une solution militaire reste « une illusion », selon l’envoyé de l’ONU

La neige est tombée sur un camp de déplacés à Selkin, dans le nord-ouest de la Syrie.
© UNOCHA/Ali Haj Suleiman
La neige est tombée sur un camp de déplacés à Selkin, dans le nord-ouest de la Syrie.

Syrie : une solution militaire reste « une illusion », selon l’envoyé de l’ONU

Paix et sécurité

En l'absence de changement sur les lignes de front depuis près de deux ans, l'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie a prévenu mercredi le Conseil de sécurité qu'une « solution militaire reste une illusion » dans ce conflit qui dure depuis près de 11 ans.

M. Pedersen a noté que les Syriens continuent de souffrir profondément. Le mois dernier encore, ils ont notamment dû faire face à des frappes aériennes, à des bombardements sur les lignes de front, à une flambée des hostilités dans le nord-est, à la poursuite de la violence dans le sud, et à un nombre croissant d'incidents de sécurité liés au trafic de drogue et aux attaques terroristes de l'Etat islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech).

Ces derniers jours, une tentative d'évasion de milliers de détenus soupçonnés d'être affiliés à l'EIIL à Hasakah a déclenché des affrontements majeurs, des frappes aériennes faisant des dizaines de morts. Selon l'Envoyé spécial, les Forces démocratiques syriennes qui gèrent la prison ont repris le contrôle et la plupart des combattants de l'EIIL semblent s'être rendus.

Malgré cette évolution positive, M. Pedersen reste très préoccupé par la sûreté et la sécurité des civils pris dans cette situation, dont beaucoup ont été déplacés. « Cet épisode rappelle de terribles souvenirs des évasions de prison qui ont alimenté la montée initiale de l'EIIL en 2014 et 2015 », a-t-il déclaré.

Pour l'Envoyé spécial, il s'agit « d'un message clair » sur l'importance de s'unir pour combattre la menace des groupes terroristes internationaux et pour résoudre le conflit dans lequel le terrorisme prospère inévitablement.

L'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, devant le Conseil de sécurité.
Photo : ONU/Eskinder Debebe

 

Des millions ont besoin d'une aide humanitaire

Entre-temps, la tragédie du peuple syrien s'aggrave, a-t-il déclaré. Environ 14 millions de civils ont aujourd'hui besoin d'une aide humanitaire. Plus de 12 millions sont toujours déplacés – et beaucoup sont actuellement confrontés à des conditions hivernales glaciales.

Des dizaines de milliers de personnes sont détenues, enlevées ou portées disparues. L'économie de la Syrie s'est effondrée. La criminalité et la contrebande sont florissantes. L'éducation est fragmentée et gravement dégradée, tout comme les institutions et les infrastructures dans tous les domaines.

« Le pays reste de facto divisé et la société est profondément fracturée. Les Syriens ne voient aucun progrès concret vers une solution politique », a déclaré M. Pedersen.

Lors de visites le mois dernier à Téhéran et à Doha, l'Envoyé spécial a continué de dialoguer avec toutes les parties au conflit.

L'objectif ultime, a-t-il expliqué, reste de créer un environnement dans lequel un processus politique constitutionnel peut être convenu et des élections peuvent avoir lieu sous la supervision de l'ONU.

Dans le cadre de ce processus, M. Pederson tente de convoquer à nouveau le Comité constitutionnel mais il a déclaré que le travail du Comité « reste décevant » jusqu'à présent. « C'est un énorme défi de faire de réels progrès qui peuvent faire la différence pour le peuple syrien, mais c'est ce que nous devons faire », a-t-il conclu.

Un camp de personnes déplacées à Selkin, dans le nord-ouest de la Syrie.
© UNOCHA/Ali Haj Suleiman
Un camp de personnes déplacées à Selkin, dans le nord-ouest de la Syrie.

Aider les Syriens à affronter un hiver rigoureux

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité spécifiquement consacrée à la situation humanitaire en Syrie jeudi, le chef de l’humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a regretté que la communauté humanitaire ne soit pas en mesure d’apporter toute l’assistance nécessaire aux Syriens confrontés à un hiver rigoureux.

« Les gens ne devraient pas avoir à souffrir comme ça chaque hiver. Nous pourrions et devrions leur apporter le soutien dont ils ont besoin. Un logement différent, même s'il est temporaire », a dit M. Griffiths devant les membres du Conseil. « Mais, avec le financement actuel, nous ne pouvons aider que la moitié des plus de 4 millions de personnes à travers la Syrie qui ont besoin de protection contre les éléments et de services de base pour la survie ».

Le chef de l’humanitaire a également noté que la crise économique continue de s'aggraver, la nourriture devenant de plus en plus chère. 

Cependant, malgré ces circonstances décourageantes, il estime que les humanitaires peuvent continuer à faire la différence grâce à un financement intelligent et à des efforts humanitaires créatifs.

Il a pris pour exemple des projets de relèvement rapide pour soutenir la production alimentaire, afin de réduire la dépendance à l'aide alimentaire.

M. Griffiths a aussi rappelé que les agences humanitaires continuent à atteindre les personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie grâce à des livraisons transfrontalières,

« Les civils ont besoin de nourriture, de médicaments et d'autres articles vitaux. Ils doivent avoir accès aux services de base », a-t-il conclu. « Pour y parvenir, nous devons élargir l'accès. Nous avons besoin de fonds pour des opérations humanitaires durables. Nous devons atteindre plus de personnes avec une assistance vitale immédiate. Et nous devons intensifier les programmes de relèvement rapide ».