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Colombie : l’ONU prône une « réforme profonde » de la police anti-émeute dans la conduite des manifestations

La police anti-émeute pendant les manifestations anti-gouvernementales à Bogotá, en Colombie.
Unsplash/Ricardo Arce
La police anti-émeute pendant les manifestations anti-gouvernementales à Bogotá, en Colombie.

Colombie : l’ONU prône une « réforme profonde » de la police anti-émeute dans la conduite des manifestations

Droits de l'homme

La police antiémeute colombienne devrait subir une « transformation profonde » afin d’empêcher l’usage disproportionné de la force contre les manifestants pacifiques, a alerté mercredi le Bureau des droits de l’homme de l’ONU.

« Les autorités colombiennes doivent réformer la gestion des manifestations afin d’éviter que ne se reproduisent les pertes en vies humaines et les blessures constatées lors des vastes manifestations qui ont débuté en avril dernier dans le cadre d’une grève nationale », a indiqué le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) dans un rapport publié aujourd’hui à Genève. Il a imputé aux forces de sécurité colombienne la responsabilité de 28 décès survenus au cours des mois de manifestations nationales de cette année. 

Parmi ces décès, 10 sont liés à une unité spécialisée de la police anti-émeute à laquelle il a été interdit de porter des armes létales. Des acteurs non étatiques auraient tué 10 personnes.

« Les informations sont insuffisantes pour établir les auteurs probables de huit décès », a ajouté le HCDH.  

Au total, les services de Mme Bachelet ont reçu 63 allégations de décès dans le cadre des manifestations, entre le 28 avril et le 31 juillet dernier. À ce jour, le Bureau a vérifié 46 décès, dont 44 civils et deux policiers. Parmi les décès documentés, 76 % des victimes ont succombé à des blessures par balle.

Une force de police militarisée qui dépend directement du ministère de la Défense

La grève et les manifestations de masse contre les inégalités socio-économiques profondes, dont beaucoup ont été aggravées par la pandémie de Covid-19, se sont poursuivies cette année pendant plusieurs semaines dans toute la Colombie.  Les manifestations de cette année ont éclaté le 28 avril en réponse à une proposition de taxe du gouvernement visant à combler les déficits budgétaires dans un contexte de crise économique.

Le rapport souligne que l’utilisation d’armes à feu pour disperser sans discernement une manifestation est toujours illégale, que les armes à feu ne sont pas un outil approprié pour le maintien de l’ordre lors de manifestations et qu’elles ne doivent jamais être utilisées simplement pour disperser un rassemblement.

D’autres incidents détaillés dans le rapport indiquent une utilisation inappropriée et indiscriminée d’armes moins létales par la police, en violation des normes internationales. 

L’usage « excessif ou inutile » de la force a violé le droit des manifestants à se réunir pacifiquement, a souligné le Haut-Commissariat.

« Des manifestants ont également été attaqués et pris pour cible par des individus armés sans que les forces de sécurité n’interviennent », a ajouté le HCDH, soulignant « la nécessité d’une réforme majeure d’une force de police militarisée qui dépend directement du ministère de la Défense ».

Des allégations sur 60 cas de violences sexuelles commises par la police

« Il faut un large débat national sur la réforme de la police, y compris la possibilité de transférer la police du ministère de la Défense au contrôle civil, et d’améliorer les mécanismes internes de contrôle et de responsabilité », a fait valoir le HCDH. L’objectif devrait être de garantir efficacement et de faciliter l’exercice du droit de réunion pacifique en Colombie.

Par ailleurs, le rapport fait également état de 60 cas de violences sexuelles qui auraient été commises par la police, dont 16 ont pu être vérifiés à ce jour par le Bureau.

Sur un autre plan, les services de Mme Bachelet se sont inquiétés du « degré de criminalisation et de stigmatisation des manifestants, y compris par les médias qui les associent à des actes de vandalisme, voire à des allégations d’actes terroristes ».  Le rapport fait état d’actes de violence et de dommages commis par certains manifestants et d’autres personnes, que le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies n’a cessé de condamner. Toutefois, il conclut que la grande majorité des manifestations étaient pacifiques.

Face à ce diagnostic, l’ONU veut des « enquêtes rapides, efficaces, approfondies, indépendantes, impartiales et transparentes ». Elle invite également Bogota à garantir le droit à une réparation intégrale aux victimes.