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Soudan : des affrontements meurtriers au Darfour déplacent des milliers de personnes

Le personnel du HCR évalue les besoins des personnes touchées par les violences intercommunautaires à Jebel Moun, au Darfour occidental.
© HCR/John Mwate
Le personnel du HCR évalue les besoins des personnes touchées par les violences intercommunautaires à Jebel Moun, au Darfour occidental.

Soudan : des affrontements meurtriers au Darfour déplacent des milliers de personnes

Aide humanitaire

Les Nations Unies s’inquiètent de l’escalade de la violence dans la région du Darfour au Soudan, qui a déplacé des milliers de personnes depuis novembre, y compris au-delà de la frontière avec le Tchad. 

Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), près de 10.000 personnes ont fui une vague de violence intercommunautaire dans la localité de Jebel Moun, dans l’Etat du Darfour occidental. Plus de 2.000 d’entre eux, principalement des femmes et des enfants, ont trouvé refuge au Tchad voisin. Au total, le Tchad accueille 520.000 réfugiés, dont 70% sont originaires du Soudan.

« Au Tchad, les nouveaux arrivants ont trouvé refuge dans cinq endroits près de la frontière. Ils ont un besoin urgent de nourriture, d’eau et d’abris », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Toby Harward, Coordonnateur principal de la situation au Darfour pour le HCR. « Le HCR travaille avec les autorités et ses partenaires pour leur fournir une aide d’urgence », a-t-il ajouté.

Des violents incidents à Jebel Moun mais aussi à Al-Geneina

Selon les médias, au moins une quarantaine de personnes ont été tuées « par balles » dans un nouveau conflit tribal au Darfour. Déjà, le 17 novembre, des affrontements entre éleveurs s’accusant de vol de chameaux avaient causé des morts et l’incendie de plusieurs habitations, selon l’ONU. En outre, plus de 6.000 Soudanais avaient été forcés de se déplacer, pour un tiers au Tchad voisin.

Selon l’ONU, la situation reste tendue au Darfour occidental. A Jebel Moun par exemple, les besoins ont augmenté au cours de l’année écoulée en raison de l’apparition soudaine de conflits liés à des problèmes de terres, de ressources et de propriété. Ces conflits touchent toutes les communautés - nomades et cultivateurs.

Outre les quelques 10.000 personnes déplacées par les violences, au moins 50 personnes ont été tuées dans cette localité. « Les récentes tensions restent élevées à Jebel Moun », a insisté le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), relevant que des violents incidents ont eu lieu ces derniers jours dans d’autres localités du Darfour occidental, notamment à Al-Geneina le 5 décembre dernier. 

Des réfugiés fuyant la région du Darfour au Soudan s'assoient à l'ombre près de la ville d'Adré, au Tchad (archives).
© HCR/Aimé Mbaindiguim Guemd
Des réfugiés fuyant la région du Darfour au Soudan s'assoient à l'ombre près de la ville d'Adré, au Tchad (archives).

Destruction de villages, violence sexuelle et vol de bétail

« Nos équipes reçoivent également des rapports alarmants d’autres parties du Darfour concernant la destruction de villages, la violence sexuelle et le vol de bétail », a ajouté M. Harward. Le HCR craint qu’avec l’augmentation de la fréquence de ces attaques, la situation humanitaire dans la région ne s’aggrave.

La violence actuelle, associée à une mauvaise saison des pluies et à une infestation de parasites, a également perturbé la saison agricole dans tout le Darfour. Des agriculteurs déplacés ont indiqué au personnel du HCR qu’ils craignaient « un échec total de leur récolte », ce qui suscite des inquiétudes supplémentaires quant à la sécurité alimentaire. 

Au cours d’une mission d’évaluation à Jebel Moun la semaine dernière, le HCR et ses partenaires ont fourni des abris d’urgence à 1.600 familles nouvellement déplacées ainsi que d’autres articles de première nécessité, notamment des jerricans, des bâches en plastique, des couvertures, des matelas, des ustensiles de cuisine et des moustiquaires.

Le Soudan compte quelque 3 millions de déplacés internes, dont plus de 80% vivent dans les cinq États du Darfour. En 2021, plus de 200 incidents violents ont été jusque-là signalés dans cette région, entraînant de nouveaux déplacements.

Une recrudescence saisonnière des conflits entre agriculteurs et nomades

Selon les organismes humanitaires, malgré les progrès réalisés après la signature de l’accord de paix conjoint de Djouba, le conflit au Darfour a pris de multiples dimensions, avec une série de groupes armés et d’éléments criminels opérant dans la région. 

Pour le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les tensions localisées et les conflits potentiels concernant l’accès aux ressources et leur gestion, notamment la terre, l’eau et d’autres biens, restent élevés. 

Dans le même temps, des rapports font état d’une recrudescence saisonnière des conflits entre agriculteurs et nomades. « Ces conflits risquent de persister en 2022, car leurs causes profondes n’ont pas été résolues », a alerté Paola Emerson, la Cheffe du Bureau d’OCHA au Soudan.

Selon l’OCHA, la ville d’Al-Geneina est en état d’alerte après une série d’incidents de sécurité survenus ces derniers jours. Des affrontements ont également eu lieu entre des nomades et des membres de la tribu Masalit dans la ville de Kereneik le 4 décembre.

Plus de 6 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire en 2022 au Darfour

Les autorités locales craignent que les combats ne s’étendent à d’autres zones, les différents groupes ayant appelé à la mobilisation. Au moins huit personnes ont été tuées à la suite de ces affrontements.

Plus largement, OCHA estime que la situation humanitaire au Darfour s’aggrave car les personnes déplacées et les réfugiés n’ont pas encore trouvé de solutions durables. Dans le même temps, la crise économique accroît leurs besoins et leurs privations, tandis que les résidents vulnérables ont également du mal à satisfaire leurs besoins fondamentaux.

Une insécurité alimentaire croissante a été signalée dans certains États du Darfour en raison d’une période de sécheresse prolongée de plus d’un mois, de l’absence de précipitations ou de la présence de ravageurs.

« L’insécurité alimentaire aiguë devrait persister car l’économie ne devrait pas s’améliorer et l’inflation reste élevée, ce qui affecte de manière disproportionnée le pouvoir d’achat des personnes les plus vulnérables », a fait valoir Mme Emerson. 

Plus de 6 millions de personnes à travers le Darfour auront besoin d’une aide humanitaire en 2022, soit la moitié de la population de l’ensemble du Darfour. Cela comprend 2,4 millions de personnes déplacées et 840.000 rapatriés dans le besoin, 234.000 réfugiés et 2,7 millions de résidents vulnérables.