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L’envoyée de l’ONU pour l’Afghanistan appelle à ne pas abandonner les Afghans malgré la prise de pouvoir par les Talibans

Des gens reçoivent des rations alimentaires à un site de distribution du PAM près d'Hérat, en Afghanistan.
© WFP/Marco Di Lauro
Des gens reçoivent des rations alimentaires à un site de distribution du PAM près d'Hérat, en Afghanistan.

L’envoyée de l’ONU pour l’Afghanistan appelle à ne pas abandonner les Afghans malgré la prise de pouvoir par les Talibans

Paix et sécurité

Abandonner les Afghans parce que le pays est dirigé par les Talibans serait une erreur historique, a déclaré mercredi l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan, Deborah Lyons, devant les membres du Conseil de sécurité.

« Avec la prise de pouvoir des Talibans, le peuple afghan se sent désormais abandonné, oublié, voire puni par des circonstances qui ne sont pas de sa faute. Abandonner le peuple afghan maintenant serait une erreur historique », a dit Mme Lyons lors d’un exposé.

Elle a expliqué qu’au cours des trois derniers mois, les interactions formelles de l’ONU avec les Talibans « ont été généralement utiles et constructives ». « Les autorités de facto nous ont assuré qu'elles souhaitaient une présence de l'ONU et appréciaient notre aide », a-t-elle ajouté.

Les Talibans continuent d'assurer la sécurité de la présence des Nations Unies et de permettre un large accès humanitaire, y compris aux travailleuses humanitaires. « L'évolution de la situation sécuritaire nous a permis de visiter des parties du pays que nous n'avons pas visitées depuis quinze ans, fournissant une assistance vitale », a souligné Mme Lyons.

Droits des femmes

L’Envoyée spéciale a assuré que la Mission des Nations Unies qu’elle dirige (MANUA) n’a pas hésité à soulever des questions difficiles avec les Talibans, en particulier sur les droits des femmes, l'éducation des filles et sur des rapports faisant état de harcèlement et d’exécutions extrajudiciaires. « En général, ils ont pris connaissance de ces préoccupations et ont souvent reconnu qu'ils avaient fait des erreurs et qu'ils essayaient d'y remédier. Cependant, ils précisent également qu'il y a pour l'instant des limites aux concessions qu'ils sont prêts à faire sur certaines questions », a-t-elle dit.

Concernant l'éducation des filles, elle a précisé que les autorités de facto ont indiqué qu'elles travaillaient sur une politique nationale afin que le droit des filles à l'éducation puisse être exercé à travers le pays, mais ont déclaré qu'elles avaient besoin de plus de temps pour clarifier cette politique et sa mise en œuvre.

« Alors que les autorités de facto avaient initialement promis la protection des droits des femmes dans le cadre de la loi islamique, y compris l'éducation, il y a eu une restriction générale des droits et libertés fondamentales des femmes et des filles afghanes. Cela va de la limitation de leur droit au travail à l'absence des femmes des principaux forums de décision et des échelons supérieurs de la fonction publique », a dit Mme Lyons, notant que ces politiques sont appliquées de manière disparate à travers le pays, certaines provinces étant nettement moins restrictives que d'autres.

L’Envoyée spéciale a dit que l’ONU continuait de réclamer une administration beaucoup plus inclusive dans laquelle les institutions gouvernementales reflètent la grande diversité de l'Afghanistan. « Cependant, nous avons constaté des progrès limités sur cette question », a-t-elle déclaré.

Expansion de l'Etat islamique

Concernant la situation générale en matière de sécurité, l’Envoyée spéciale a noté qu’elle « s'est effectivement améliorée à mesure que le conflit est en grande partie terminé ». Toutefois l’ONU reçoit régulièrement des rapports crédibles d'incidents ayant une incidence sur le droit à la vie et à l'intégrité physique des Afghans. Il s'agit notamment de perquisitions domiciliaires et d'exécutions extrajudiciaires d'anciens responsables et agents de sécurité du gouvernement. Le système judiciaire lui-même est inégalement appliqué.

Un autre développement négatif majeur est l'incapacité des Talibans à endiguer l'expansion de l'État islamique en Iraq et au Levant - la province du Khorasan, a-t-elle ajouté.

Une catastrophe humanitaire est évitable

Quant à la situation humanitaire, Mme Lyons a déclaré qu’une catastrophe était évitable.

Elle a noté que les sanctions financières appliquées à l'Afghanistan ont paralysé le système bancaire, affectant tous les aspects de l'économie. Le PIB s'est contracté d'environ 40%. Les prix du carburant et des denrées alimentaires ont augmenté à l'approche de l'hiver

Selon un récent rapport de l'ONU, près d'un Afghan sur deux est confronté à une crise ou à des niveaux d'urgence d'insécurité alimentaire. « Alors que nous entrons dans l'hiver et que les ménages consomment des stocks alimentaires limités, nous craignons que jusqu'à 23 millions d'Afghans soient en situation de crise ou d'insécurité alimentaire. Cela va empirer au cours de l'hiver », a prévenu l’Envoyée spéciale.

Elle a rappelé que l’ONU apporte des quantités importantes d’aide humanitaire grâce à la générosité des donateurs et malgré d’énormes contraintes.

« L'aide humanitaire ne suffit pas. La communauté internationale doit de toute urgence trouver un moyen de fournir un soutien financier aux agents de santé des hôpitaux publics, au personnel des programmes de sécurité alimentaire et, éventuellement, aux enseignants, à condition que les droits des filles à l'éducation soient pleinement respectés », a-t-elle dit.