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Soudan du Sud : l’impact de la corruption de la rente pétrolière sur les services publics destinés aux femmes (CEDAW)

Une femme habitant à Wau Shilluk, au Soudan du Sud.
© UNICEF/UN0236862/Rich
Une femme habitant à Wau Shilluk, au Soudan du Sud.

Soudan du Sud : l’impact de la corruption de la rente pétrolière sur les services publics destinés aux femmes (CEDAW)

Femmes

Il faut une gestion transparente des revenus gaziers et pétroliers au Soudan du Sud, ont alerté lundi, des expertes de l’ONU, recommandant à Djouba de veiller à ce que les processus de justice transitionnelle traitent efficacement les conséquences du conflit sur les femmes et les filles.

« La corruption dans l’extraction du pétrole et du gaz entraîne des pertes importantes de revenus qui auraient pu être utilisés pour les services publics destinés aux femmes », a dit le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), en rendant public aujourd’hui les conclusions et observations du rapport initial présenté le 4 novembre dernier à Genève par le Soudan du Sud. Lors des débats, plusieurs expertes du CEDAW ont interrogé la délégation sud-soudanaise sur la redistribution de la rente pétrolière.

Affecter les revenus à des programmes d’autonomisation féminine

Pour une meilleure répartition de cette rente, le Comité demande à Djouba d’affecter une part adéquate des revenus tirés de l’exploitation de toutes les ressources naturelles à des programmes d’autonomisation des femmes et des filles. Il s’agit notamment de doter le Ministère de l’égalité des sexes, de l’enfance et de la protection sociale de ressources suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat d’autonomisation des femmes et des filles.

Le Comité note également avec préoccupation l’absence de garantie que les revenus dédiés des ressources naturelles soient utilisés pour des programmes de développement humain. Pour les expertes indépendantes onusiennes, Djouba doit donc renforcer la loi sur la Commission de lutte contre la corruption et enquêter sur les détournements de fonds de l’Office national des recettes. « Il faut introduire une budgétisation sensible au genre par tous les départements gouvernementaux dans tous les domaines relevant de la Convention », a fait valoir le Comité.

Des femmes et des enfants arrivant à Bentiu, dans l'Etat d'Unité, au Soudan du Sud (archive)
Photo : UNICEF/Sebastian Rich
Des femmes et des enfants arrivant à Bentiu, dans l'Etat d'Unité, au Soudan du Sud (archive)

Consensus en faveur d’une réforme de la gestion des finances publiques

A noter que lors du rapport de son pays, la Ministre de l’égalité des sexes, de l’enfance et des affaires sociales du Soudan du Sud avait répondu aux préoccupations du Comité sur la gestion des ressources, de l’économie et des finances. « Un consensus a été atteint en faveur de d’une réforme de la gestion des finances publiques pour qu’elle tienne compte des besoins des femmes », avait déclaré Aya Benjamin Libo Warille. 

Elle a en outre fait état de l’élaboration en cours d’un projet de loi portant création d’un fonds pour les femmes et les entreprises. Le Ministère de l’égalité des sexes propose d’affecter l’équivalent de 100 millions de dollars des États-Unis à la création du fonds, sur une période de dix ans, avait précisé la Ministre.

Mais pour le Comité, Djouba doit affecter toutes les ressources nécessaires et appliquer les stratégies mises en place pour améliorer l’accès des femmes à la protection sociale et leur autonomisation économique, en mettant particulièrement l’accent sur les femmes rurales. Il recommande en outre à l’État partie de mettre en place des mécanismes permettant de suivre et d’évaluer systématiquement l’impact de ces stratégies sur la situation socioéconomique des femmes et d’en rendre compte.

Une scolarisation des filles retardée par les mariages ou de grossesses précoces

Plus largement, le Comité reconnaît que, depuis que l’éclatement de la guerre civile en 2013, les femmes et les filles ont été soumises à de multiples formes d’atrocités, notamment des meurtres, des exécutions illégales, des actes torture et des violences sexuelles. Elles sont aussi victimes d’arrestations et détentions arbitraires, du recrutement et l’utilisation d’enfants par des groupes armés, des déplacements forcés ainsi qu’une insécurité alimentaire aiguë et la famine.

Cette situation extrême s’est encore détériorée en raison de la récente chute des prix du pétrole sur le marché mondial, de la pandémie de Covid-19, des invasions de criquets et des graves inondations dans certaines parties du pays.

D’autres préoccupations ont été exprimées, lors de l’examen du rapport du Soudan du Sud, s’agissant notamment du fait que de très nombreuses filles sud-soudanaises ne sont pas scolarisées en raison de mariages ou de grossesses précoces, ou encore des tâches ménagères que les filles doivent assumer.