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 De nombreuses familles yézidies ont fui leurs maisons et se sont réfugiées dans le camp de Bajet Kandala pour personnes déplacées dans le nord de l'Iraq. (archives)

L'Iraq a une « obligation morale » de garantir la justice pour les Yézidis et les autres survivants des crimes commis par Daech

© UNICEF/Lindsay Mackenzie
De nombreuses familles yézidies ont fui leurs maisons et se sont réfugiées dans le camp de Bajet Kandala pour personnes déplacées dans le nord de l'Iraq. (archives)

L'Iraq a une « obligation morale » de garantir la justice pour les Yézidis et les autres survivants des crimes commis par Daech

Droits de l'homme

Une nouvelle loi iraquienne visant à soutenir les femmes yézidies qui ont survécu aux crimes commis par les terroristes de Daech représente « un moment charnière » dans la lutte contre les injustices commises à leur égard et à l'égard d'autres groupes minoritaires, a déclaré jeudi la Représentante spéciale des Nations Unies chargée de la question des violences sexuelles en période de conflit, soulignant la nécessité de réparations efficaces.

« Cette loi représente une étape concrète franchie par le gouvernement iraquien dans la mise en œuvre du communiqué conjoint sur la prévention et la réponse aux violences sexuelles liées aux conflits, signé en 2016, qui appelle à fournir des services, un soutien aux moyens de subsistance et des réparations aux survivants de violences sexuelles », a déclaré Pramila Patten lors d'une réunion en ligne sur la question. 

Le 1er mars, le Parlement iraquien a adopté la Loi sur les survivantes yézidies (YSL) afin d'apporter un soutien longtemps attendu non seulement aux femmes yézidies, mais aussi à d'autres survivants ethnoreligieux pris pour cible par le groupe extrémiste Daech, lorsqu'il a occupé de larges pans de l'Iraq de 2014 à 2017. 

La nouvelle loi reconnaît officiellement le génocide orchestré contre les Yézidis et établit un cadre pour les réparations financières et autres réparations concrètes, tout en prévoyant des réparations. 

Tenir compte des voix des survivants 

Mme Patten a formulé trois recommandations pour garantir la mise en œuvre effective de la loi. Elle a d’abords exhorté à veiller à ce que le gouvernement iraquien tienne compte des voix des survivants, de la société civile et de tous les groupes touchés par le règne de terreur de Daech.  

« Cette loi est centrée sur les survivants et sa mise en œuvre doit l'être aussi », a souligné la Représentante spéciale.

Ensuite elle a souligné, qu'en vertu de la loi, les demandes de réparations doivent être « accessibles à tous les survivants éligibles, y compris ceux des pays tiers » et inclure un maximum de flexibilité dans la soumission des demandes en personne, en ligne, ou avec l'aide d'un tiers ou d'une organisation.  

Enfin, le gouvernement doit allouer un budget à cette loi et s'engager à en faire « un élément essentiel de la reconstruction de l'Iraq », a-t-elle ajouté.  

« Apporter une aide aux victimes du génocide, qui a compris des violences sexuelles généralisées et systématiques, est une obligation morale solennelle pour la communauté mondiale », a soutenu Mme Patten. 

Une famille Yézidi, assise dans sa chambre au camp de réfugiés de Skaramagas, dans la zone portuaire du nord d'Athènes, en Grèce.
UNICEF/Gilbertson VII Photo
Une famille Yézidi, assise dans sa chambre au camp de réfugiés de Skaramagas, dans la zone portuaire du nord d'Athènes, en Grèce.

Ne pas blâmer les victimes 

« Les victimes ne sont pas à blâmer pour la violence sexuelle », a pour sa part déclaré lors de la réunion la lauréate du prix Nobel et ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour la dignité, Nadia Murad. 

Son ONG, « Nadia's Initiative », vise à reconstruire durablement la patrie yazidi de Sinjar, dans le nord de l'Iraq, où, aux mains des combattants de Daech, de nombreuses femmes ont été victimes de la traite des êtres humains et vendues comme esclaves sexuelles. 

« Pour mettre fin aux violences sexuelles liées aux conflits, il est important de montrer que nous accordons de l'importance aux droits de l'homme et à la dignité des survivants », a-t-elle ajouté. 

La nouvelle loi représente non seulement une étape important pour la reconnaissance et la réparation des souffrances des Yézidis et des autres personnes terrorisées par l'EIIL, mais aussi pour faire entrer l'Iraq dans la petite catégorie des États prêts à prendre des mesures pour répondre spécifiquement aux droits et aux besoins des survivants de violences sexuelles liées au conflit.  

Lors de la réunion, les discussions sur la mise en œuvre de la loi ont porté notamment sur la prise en compte de l'infrastructure institutionnelle, de la durabilité, du financement et du respect des normes et des meilleures pratiques. 

« Les survivants yézidis ne peuvent pas attendre sept ans de plus pour être soutenus », a déclaré Mme Murad ajoutant que « leur survie et leur bien-être dépendent de la reconnaissance et de la réparation de ce à quoi ils ont survécu ». 

La mise en œuvre « rapide et efficace » est cruciale 

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a travaillé avec le gouvernement iraquien et d'autres partenaires, y compris les survivants de Daech, sur des questions allant de l'aide humanitaire immédiate et des solutions durables pour mettre fin aux déplacements prolongés, au renforcement des communautés.

La Directrice générale adjointe de l'OIM, Amy Pope, a ainsi souligné que les réparations et la justice sont nécessaires pour guérir les survivants.

« Pour aller de l'avant, les victimes et leurs communautés cherchent à faire reconnaître leurs souffrances et à obtenir justice et responsabilité pour les crimes qui leur ont été infligés », a-t-elle déclaré. 

La fonctionnaire de l'OIM a noté que si l'Iraq a fait des progrès significatifs en adoptant la loi, sa mise en œuvre rapide et efficace demeure cruciale.