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Afghanistan : la Cour pénale internationale entend enquêter sur les Talibans et l’État islamique

Le siège de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
Photo : ONU/Rick Bajornas
Le siège de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

Afghanistan : la Cour pénale internationale entend enquêter sur les Talibans et l’État islamique

Droit et prévention du crime

La Cour pénale internationale (CPI) va axer son enquête sur les Talibans et le groupe État islamique en Afghanistan (EI-K), écartant d’autres priorités.

« J’ai donc décidé d’axer les enquêtes de mon Bureau en Afghanistan sur les crimes qui auraient été commis par les Talibans et l’État islamique de la province du Khorasan (EI-K), au détriment d’autres aspects de l’enquête », a déclaré lundi dans un communiqué, son nouveau Procureur de la CPI, Karim Khan.

M. Khan a demandé aux juges « de statuer dans les meilleurs délais » afin de pouvoir reprendre l’enquête, suspendue l’année dernière à la demande du gouvernement alors en place à Kaboul, qui voulait mener sa propre investigation.

 « Aujourd’hui, j’ai demandé aux juges de la Chambre préliminaire II de la CPI de statuer dans les meilleurs délais sur ma demande d’autorisation de reprise des travaux d’enquête par mon Bureau dans la situation en République islamique d’Afghanistan », a-t-il dit.

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La perspective de véritables enquêtes s’est refermée avec les Talibans

Ne pouvant « plus s’attendre à des enquêtes locales authentiques et efficaces » après la prise du pouvoir par les Talibans, le Procureur a demandé aux magistrats de la cour d’axer l’enquête sur les talibans et l’EI-K et de « ne plus donner la priorité » aux crimes dont on soupçonnait les forces internationales qui se sont retirées du pays.

En raison des « ressources limitées » de la CPI et face à l’ampleur et à la nature des crimes commis à l’heure actuelle à travers le monde et relevant de la compétence de la Cour qui ont été commis ou sont commis à l’heure actuelle à travers le monde, Karim Khan a décidé d’établir des priorités en Afghanistan. 

Pour Karim Khan, il ne s’agit pas d’écarter toute perspective de procédure judiciaire en bonne et due forme qui pourrait être menée un jour en Afghanistan par les autorités nationales conformément au Statut.

« Pour l’heure, cette perspective n’existe tout simplement pas dans ce pays », a-t-il fait valoir, relevant sa disponibilité « à nouer un dialogue constructif avec les autorités nationales, conformément au principe de complémentarité ». 

La gravité des crimes qu’auraient commis ou que commettraient les Talibans et l’EI-K

La présente décision consistant à accorder la priorité aux crimes commis par l’État islamique de la province du Khorasan et par les Talibans intervient après la récente condamnation par le Conseil de sécurité de l’ONU « des attaques déplorables perpétrées près de l’aéroport international Hamid Karzai, à Kaboul (Afghanistan), le 26 août 2021 […] revendiquées par l’État islamique de la province du Khorasan ». 

Pour justifier ces nouvelles priorités, M. Khan avance « la gravité, l’ampleur et la nature des crimes qu’auraient commis ou que commettraient les Talibans et l’État islamique ». 

A ce sujet, il cite notamment les allégations faisant état d’attaques aveugles contre des civils, d’exécutions extrajudiciaires ciblées, de persécutions à l’égard des femmes et jeunes filles ainsi que des crimes commis contre les enfants et les autres abus la population civile afghane dans son ensemble.

Pour lui, ces faits exigent l’attention de son Bureau et le déploiement de ressources adéquates afin de bâtir des dossiers solides et de prouver la culpabilité des accusés à l’audience au-delà de tout doute raisonnable.

Le changement de régime qu’a connu le pays a eu de profondes répercussions

De plus, « l’évolution récente de la situation politique en Afghanistan et le changement de régime qu’a connu le pays ont eu de profondes répercussions », a déclaré Karim Khan dans un communiqué. 

« Au terme d’une analyse minutieuse, j’ai conclu qu’au vu des circonstances actuelles, la perspective de voir les autorités nationales mener à bien de véritables enquêtes (...) s’était refermée », a-t-il fait remarquer.

Le 5 mars 2020, la Chambre d’appel de la CPI a autorisé le Bureau du Procureur à enquêter sur les atrocités qui auraient été commises dans le contexte de la situation en Afghanistan depuis le 1er juillet 2002.

Le 26 mars 2020, le gouvernement afghan (de l’ancien Président Ashraf Ghani) a demandé au Procureur, en vertu de l’article 18-2 du Statut de Rome, de déférer le soin de l’enquête sur la situation en Afghanistan aux autorités nationales afghanes. Le Bureau du Procureur a alors décidé de surseoir à son enquête comme le prévoit le Statut, tout en examinant la demande de ce pays.