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Afghanistan : des manifestations de femmes ont été violemment réprimées, alerte l'ONU

Des femmes manifestent leur soutien lors d'un rassemblement politique en Afghanistan en 2019.
UNAMA
Des femmes manifestent leur soutien lors d'un rassemblement politique en Afghanistan en 2019.

Afghanistan : des manifestations de femmes ont été violemment réprimées, alerte l'ONU

Droits de l'homme

La réponse des Talibans aux marches pacifiques en Afghanistan est de plus en plus violente. Les nouvelles autorités ont utilisé des balles réelles, des matraques et des fouets, faisant au moins quatre morts, a alerté vendredi le Bureau des droits de l’homme de l’ONU.

Depuis le 15 août dernier, des manifestations ont lieu dans plusieurs localités et leur nombre a augmenté jusqu’à la décision prise mercredi soir interdisant « les rassemblements illégaux ».

Au cours des quatre dernières semaines, ces manifestations pacifiques dans diverses provinces d’Afghanistan ont été violemment réprimées. Selon l’ONU, ces manifestants ont été confrontés à « une réponse de plus en plus violente de la part des Talibans, qui ont notamment fait usage de balles réelles, de matraques et de fouets ».

« Les rapports indiquent que les Talibans ont de plus en plus recours à la force contre les personnes qui participent aux manifestations ou qui en rendent compte », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

Selon les médias, les protestations et les manifestations, souvent menées par des femmes, constituent un défi pour le nouveau gouvernement taliban. « Nous avons assisté à une réaction des Talibans qui a malheureusement été sévère », a ajouté Mme Shamdasani, précisant que quatre manifestants ont été tués lorsque des Talibans ont tiré à balle réelle.

Une vue de Kaboul, la capitale de l'Afghanistan.
Photo MANUA/Fardin Waezi
Une vue de Kaboul, la capitale de l'Afghanistan.

Quatre civils tués, des manifestants battus et des journalistes harcelés

Parmi les quatre civils tués, figurent les victimes du mardi 7 septembre, lors d’une manifestation à Hérat. Selon l’ONU, les Talibans auraient tué deux hommes par balle et en auraient blessé sept autres. 

Le même jour, à Kaboul, des rapports crédibles indiquent que les Talibans ont battu et détenu des manifestants, dont plusieurs femmes et jusqu’à 15 journalistes.

Le lendemain, mercredi 8 septembre, des informations ont fait état de l’arrestation d’au moins cinq journalistes et du passage à tabac de deux d’entre eux pendant plusieurs heures alors qu’un groupe de manifestants, essentiellement féminin, se rassemblait dans le quartier de Dashti-Barchi, à Kaboul. 

Selon d’autres informations, lors d’une manifestation organisée dans la ville de Faizabad, dans la province de Badakhshan, par plusieurs femmes, les Talibans ont tiré en l’air et auraient battu plusieurs des manifestantes. Un petit groupe de femmes qui s’était rassemblé pour protester ailleurs à Kaboul a été violemment dispersé, les Talibans ayant tiré des coups de feu en l’air au-dessus de leurs têtes. 

Le même jour, des femmes ont été violemment dispersées lors de manifestations dans les provinces de Kapisa et de Takhar, et plusieurs militantes des droits des femmes de Kapisa ont été arrêtées.

Interdiction des manifestations non autorisées

Les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet indiquent avoir reçu également des informations faisant état de fouilles de maison en maison à la recherche de personnes ayant participé aux manifestations. Les journalistes qui couvrent les manifestations ont également été intimidés.

Dans un cas, un journaliste se serait fait dire, alors qu’il recevait un coup de pied à la tête, « Vous avez de la chance de ne pas avoir été décapité », a ajouté la porte-parole du Haut-Commissariat, relevant des « actes d’intimidations à l’encontre de journalistes qui essayaient simplement de faire leur travail ».

Pour l’ONU, les journalistes impliqués dans des reportages sur des rassemblements ne doivent pas faire l’objet de représailles ou d’autres formes de harcèlement, même si un rassemblement est déclaré illégal ou est dispersé. 

C’est dans ce contexte que le nouveau régime de Kaboul a décidé, le mercredi 8 septembre, d’interdire les rassemblements non autorisés. Hier, jeudi, les Talibans ont ordonné aux entreprises de télécommunications de couper l’accès à l'Internet sur les téléphones portables dans certains quartiers de Kaboul.

Une femme marche dans le Badakhshan, une province située à l'extrême nord-est de l'Afghanistan.
Unsplash/Joel Heard
Une femme marche dans le Badakhshan, une province située à l'extrême nord-est de l'Afghanistan.

Entendre les voix des femmes

« Alors que les Afghans — femmes et hommes — descendent dans la rue pour demander pacifiquement que leurs droits humains soient respectés en ces temps de grande incertitude — y compris le droit des femmes à travailler, à se déplacer librement, leur droit à l’éducation et de participer à la vie politique —, il est crucial que ceux qui sont au pouvoir entendent leur voix », a dit Mme Shamdasani.

« Plutôt que d’interdire les manifestations pacifiques, les Talibans devraient cesser d’user de la force et garantir le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression, y compris quand les gens veulent faire état de leurs inquiétudes et faire usage de leur droit de participer » à la gestion du pays, a-t-elle souligné.

« Nous appelons les Talibans à cesser immédiatement l’usage de la force et de la détention arbitraire contre ceux qui exercent leur droit de protester pacifiquement et les journalistes qui couvrent ces manifestations », a fait valoir la porte-parole, rappelant que « les restrictions générales aux rassemblements pacifiques constituent une violation du droit international, tout comme les coupures d’Internet, qui violent généralement les principes de nécessité et de proportionnalité ».