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Le cessez-le-feu au Tigré est plus urgent que jamais estime le chef des opérations de secours de l'ONU

Une famille de Samre, dans le sud-ouest du Tigré, a marché pendant deux jours pour atteindre un camp de personnes déplacées à Mekelle.
Photo OCHA/Saviano Abreu
Une famille de Samre, dans le sud-ouest du Tigré, a marché pendant deux jours pour atteindre un camp de personnes déplacées à Mekelle.

Le cessez-le-feu au Tigré est plus urgent que jamais estime le chef des opérations de secours de l'ONU

Paix et sécurité

Un cessez-le-feu au Tigré pour des raisons humanitaires est plus que jamais nécessaire pour qu'une opération d'aide massive à travers les lignes de front soit couronnée de succès, a déclaré vendredi le responsable du Bureau des affaires humanitaires des Nations Unies.

S'exprimant à Genève, Martin Griffiths a souligné l'urgence de la situation pour toutes les personnes touchées dans la région du nord de l'Éthiopie, après huit mois de combats entre les forces gouvernementales et celles loyales au Front populaire de libération du Tigré (TPLF).

En début de semaine, le haut fonctionnaire de l'ONU a averti que 200 000 personnes avaient été déplacées par les combats dans la région voisine d'Amhara, ainsi que plus de 50 000 personnes à Afar.

« Cette guerre doit cesser, cette guerre doit prendre fin ; nous allons tous continuer à essayer de faire en sorte que ces 100 camions par jour atteignent Mekelle, atteignent les bénéficiaires », a insisté M. Griffiths.

« Nous ferons tout ce que nous pouvons pour aider les personnes touchées dans les régions d'Amhara et d'Afar, tout en poursuivant le travail dans d'autres régions d'Éthiopie », a-t-il ajouté.

Le défi de l'aide

Soulignant le défi logistique que représente la négociation de l'accès de l'aide au Tigré alors que les violences se poursuivent, le chef des secours d'urgence de l'ONU a déclaré qu'il n'avait « aucune raison de douter » du cessez-le-feu annoncé par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qu'il a rencontré dans la capitale Addis-Abeba en début de semaine, avec d'autres hauts responsables du gouvernement.

« Le Premier ministre a décrété un cessez-le-feu unilatéral, il a répété son engagement à cet égard lors des deux occasions où nous nous sommes rencontrés, et je n'ai aucune raison d'en douter », a-t-il déclaré.

«Pour les Tigréens qui étendent la guerre au sud et à l'est, à Afar et à Amhara, ils doivent tenir compte du fait que sans ce cessez-le-feu, nous essaierons de faire entrer ces 100 camions, mais ce sera plus facile pour le peuple tigréen si la guerre est arrêtée , a-t-il fait valoir.

400 000 personnes menacées par la famine

Depuis que le conflit a éclaté en novembre dernier, les besoins humanitaires ont augmenté, dans un contexte de meurtres, de pillages et de destruction de centres de santé et d'infrastructures agricoles, y compris les systèmes d'irrigation qui sont essentiels à la réussite des récoltes.

Quelque 400 000 personnes risquent la famine au Tigré, ont averti à plusieurs reprises les humanitaires de l'ONU ces dernières semaines.

« Ils ont besoin de nourriture, la récolte qui a été récemment plantée ne produira probablement qu'un quart, voire la moitié, de sa production probable. Les besoins en nourriture vont donc se poursuivre jusqu'à l'année prochaine », a déclaré M. Griffiths.

Le chef des opérations humanitaires des Nations Unies, Martin Griffiths (à gauche), rencontre un couple dont la maison a été détruite à Hawzen, au Tigré.
OCHA/Saviano Abreu
Le chef des opérations humanitaires des Nations Unies, Martin Griffiths (à gauche), rencontre un couple dont la maison a été détruite à Hawzen, au Tigré.

Destruction, pillage

« Ils ont besoin de rééquiper les centres de santé primaire. Nous avons vu des hôpitaux et des centres de santé détruits, les équipements emportés. Il y a des agents de santé mais pas de salaires », a déploré le responsable des affaires humanitaires.

Notant que quelque 178 camions d'aide auraient atteint Mekelle, la capitale régionale du Tigré, ces derniers jours, et que 40 autres attendent d'arriver, le fonctionnaire de l'ONU a souligné combien il a été difficile d'assurer un accès régulier à l'aide au milieu des retards aux postes de contrôle et des fouilles détaillées, ce dont il a fait l'expérience directe lors d'un vol de l'ONU vers Mekelle.

« La frustration des agences - je viens de passer deux jours avec elles ; ONG nationales, ONG internationales, agences des Nations unies - est qu'elles ont accès, mais n'ont pas eu les fournitures nécessaires pour exploiter cet accès », a-t-il déclaré. Il a ajouté que la situation s'était « un peu améliorée aujourd'hui grâce à ces 178 camions, mais il reste encore beaucoup à faire ».

Les assurances d'Abiy Ahmed

Malgré la complexité de la situation, M. Griffiths a maintenu que ses discussions avec le Premier ministre, Abiy Ahmed, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Paix, entre autres, avaient été "très constructives" au cours de sa visite de six jours en Éthiopie.

« Ils m'ont bien sûr dit qu'ils étaient très désireux d'aider sur la question difficile de l'acheminement de l'aide et ensuite de la protection des civils », a-t-il souligné, avant de réitérer sa condamnation du « très haut degré de rhétorique » qui a vu les responsables humanitaires et les travailleurs humanitaires « condamnés en public et sur les médias sociaux » pour « alimenter la machine tigréenne ».

« J'ai parlé aux dirigeants que j'ai mentionnés que toute critique de ce genre doit cesser. Tout d'abord, cela menace la vie des personnes qui sont là pour aider, et ensuite, bien sûr, cela a un impact sur la livraison de l'aide humanitaire », a-t-il déclaré.

Des travailleurs humanitaires arrivent à Mekele, dans la région du Tigré, en Ethiopie.
© WFP/Photolibrary
Des travailleurs humanitaires arrivent à Mekele, dans la région du Tigré, en Ethiopie.

Des Erythréens pris au piège

Dans le même ordre d'idées, un expert indépendant des droits de l'homme nommé par l'ONU a averti vendredi que les réfugiés érythréens piégés dans le Tigré étaient pris pour cible par les deux parties au conflit.

L'Éthiopie accueillait près de 100 000 réfugiés de l'Érythrée voisine avant que les combats n'éclatent au Tigré en novembre dernier, a déclaré Mohamed Abdelsalam Babiker, Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'Érythrée.

« Depuis le début du conflit, j'ai reçu de nombreuses allégations crédibles de graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire commises à l'encontre des réfugiés érythréens, tant par le gouvernement fédéral éthiopien et les troupes érythréennes alliées au gouvernement que par les forces affiliées au Front de libération du peuple du Tigré », a déclaré l'expert.

Ciblage et victimisation

« Les réfugiés érythréens ont été montrés du doigt, ciblés et victimisés par les deux parties en raison de leur collaboration supposée avec l'autre partie au conflit », a fait valoir l’expert.

Dans un appel écrit à toutes les parties pour qu'elles protègent les réfugiés conformément au droit international des droits de l'homme et au droit humanitaire, Mohamed Abdelsalam Babiker a prévenu qu'environ 80 000 réfugiés couraient un « risque imminent » dans les régions du Tigré et de l'Afar alors que les combats s'étendent.

« Je suis extrêmement alarmé par les informations faisant état d'attaques de représailles et de meurtres, de violences sexuelles, de passages à tabac de réfugiés érythréens et de pillages de camps et de biens. Cette violence dirigée contre les réfugiés doit cesser », a déclaré M. Babiker.

En juillet, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a exprimé son inquiétude concernant les 24 000 réfugiés érythréens des camps de Mai Aini et d'Adi Harush, qui ont été privés d'aide humanitaire et sont victimes d'intimidation et de harcèlement.

Les récentes confrontations armées ont également déplacé des milliers de personnes dans la région voisine d'Afar, qui accueille 55 000 réfugiés érythréens supplémentaires. En janvier, les camps de réfugiés de Hitsats et de Shimelba ont été détruits. Quelque 20 000 réfugiés ont été déplacés et des centaines ont été portés disparus.

« Le droit humanitaire international reconnaît depuis longtemps la nécessité de protéger les civils pris dans un conflit", a déclaré l'expert en droits.

« J'appelle spécifiquement toutes les parties à respecter la Convention de 1951 sur les réfugiés », a-t-il conclu.